Le bain de sang n'a pas eu lieu. Certes, il y a eu plusieurs plan sociaux qui ont fait l'effet d'une bombe et encore plus de licenciements et non-remplacements de départs. Mais la situation globale de l'emploi est néanmoins meilleure que ce qu'on pouvait craindre, constate le Statec dans sa dernière Note de conjoncture.1
« L'emploi résiste mieux que ce que nous avions prédit, » reconnaît Ferdy Adam du Statec. L'économie crée ainsi toujours des emplois nets : quelque 6 000 en 2003, à peu près la moitié de 2002. Les branches qui ont moins souffert du ralentissement embauchent donc toujours.
Les secteurs davantage exposés aux déboires conjoncturels semblent pour leur part essayer de maintenir leur niveau d'emploi en attendant la reprise. Or, si le nombre de personnes occupées se maintient, le nombre d'heures de travail est en recul - une tendance qui se confirme depuis fin 2001.
En 2000, les salariés travaillaient en moyenne 159,1 heures par mois. Sur les neufs premiers mois de 2003, ce chiffre est tombé à 157,6 heures. Mis en relation avec les 277 000 emplois au Luxembourg, cette baisse d'une heure et demie en moyenne équivaut au temps de travail de plus de 2 500 salariés. Les employeurs ne semblent donc pas avoir attendu les appels du gouvernement pour réfléchir par deux fois avant de réduire leurs effectifs.
Malgré ces bonnes nouvelles du front de l'emploi, le chômage n'arrête pas d'augmenter, même si c'est depuis juin dernier un peu plus lentement. L'explication première est simple : davantage de nouveaux emplois sont occupés par des frontaliers que par des résidents. Un problème d'adéquation de la formation des résidents par rapport aux emplois ouverts, selon le ministre de l'Économie, Henri Grethen.
Or, avec la hausse du chômage, c'est aussi le profil des chômeurs qui a évolué. Ce ne sont plus aujourd'hui uniquement des personnes peu qualifiées. On y trouve aussi de plus en plus de gens avec une formation recherchée par les entreprises.
« Il s'agit certes de demandeurs d'emplois, explique Henri Grethen, mais ils ne sont pas intéressés ni au salaire qu'on leur offre dans les emplois disponibles ni aux fonctions proposées. » Certaines voix s'interrogent s'il ne faudrait pas revoir le système des indemnisations de chômage. Au Luxembourg, elles donnent la fausse impression d'être particulièrement avantageuses à un taux de remplacement de 80 voire 85 pour cent contre 65 ou 60 pour cent dans les pays voisins. Or, au Grand-Duché, elles sont limitées à douze mois alors qu'ailleurs elles sont illimitées.
« C'est humain de profiter des indemnités de chômage si elles sont plus élevées que ce que pourrait offrir un nouvel emploi, » trouve Henri Grethen, qui ne voit pas de raisons de remettre en cause le système luxembourgeois. « Avec les standards que nous avons en tout au Luxembourg, explique le ministre, on ne peut pas avoir des standards de Tiers Monde en matière d'indemnisation de chômage. »
Pas moyen donc d'extirper du secrétaire général du DP la moindre remarque aux connotations « néo-libérales ». Son parti, ne tenait-il pas un autre discours il y a dix ans ? Réponse du ministre qui avait dû patienter longtemps sur les bancs de l'opposition dans les années 90 : « Aus Schaden wird man klug. »