Mauvaise nouvelle : « En matière de chômage, l'évolution sera bien plus défavorable que celle estimée en novembre, » écrit le Statec dans sa dernière Note de conjoncture. Le chômage, le « non-topic » par excellence des dernières années risque donc de s'inviter à la campagne électorale. À un taux de 2,9 pour cent, comme en 1999, cela ne pose pas de problème. Or, d'ici juin 2004, ce chiffre risque d'être bien plus élevé.
Le taux de chômage cache en fait plus qu'il ne montre. Certes, le taux « désaisonnalisé » n'est toujours que de 3,6 pour cent en mars 2003. Mais, précise le Statec, « en tout il y avait en mars quelque 10 200 individus enregistrés comme chômeurs au Luxembourg ». Ce qui fait un taux de 5,1 pour cent. On ne les trouve qu'en partie dans le taux officiel. Ainsi seulement 3 800 sont des chômeurs indemnisés et quelque 2 900 personnes bénéficient de mesures de formation ou de placement.
Cette recette miracle pour sauver la face sur le front du chômage semble arriver à ses limites. En dépit de la forte hausse du nombre de demandeurs d'emplois, « paradoxalement, la hausse des personnes dans des mesures de mise au travail ou de formations s'est ralentie ces derniers mois », selon le Statec. Fin 2002, leur nombre augmentait de 20 pour cent de mois en mois. Depuis le début de l'année, ce chiffre est tombé à douze pour cent. Cela ne devrait pas trop surprendre le Statec, puisqu'il avait lui même prédit les limites de ces mesures. Ce n'est en fait qu'après une réprimande orale du Premier ministre que les statisticiens avaient mis cet argument de côté.
La hausse du chômage traduit en premier lieu la mauvaise conjoncture. Après une croissance de 1,2 pour cent en 2001 et de 1,1 pour cent 2002, le Statec prévoit cette année au plus 1,5 pour cent. Il s'y ajoute toutefois l'effet de l'ouverture de l'économie luxembourgeoise, y compris le marché de l'emploi. À la différence d'autres pays, au Luxembourg, « le chômage peut augmenter lorsque l'emploi continue de croître ». L'explication vient bien sûr des frontaliers, qui occupent en moyenne deux tiers des nouveaux emplois créés au Luxembourg. Et l'emploi a continué à croître en 2002 : 8 700 postes ont été créés en net. 5 600 ont été occupés par des frontaliers. Comment le Conseil économique et social (CES) peut prétendre que le Luxembourg exporte des chômeurs reste dès lors son secret.
Le Statec estime qu'entre-temps, pour que le chômage diminue au Grand-Duché, il faut une croissance économique de quatre à cinq pour cent. Donc même avec une progression respectable de trois pour cent - ce que bon nombre des pays européens ont du mal à atteindre - le chômage national ne reculerait pas.
L'explication préférée de la politique est que les demandeurs d'emplois luxembourgeois ne disposeraient pas des qualifications requises par les employeurs. C'est un élément de la vérité. Il se fonde cependant sur un mythe : que les économies modernes ne créent que des emplois pour des gens très qualifiés. Or, il n'en est rien. Où comment expliquer l'explosion des effectifs de firmes comme Securicor, Pedus et autres Securitas ? Les jobs dans la surveillance, la vente ou encore le nettoyage ne sont pas les plus attractifs et les mieux payés, mais ils existent.
Avec la montée du chômage et l'impossibilité croissante de le cacher par des subsides, le Luxembourg devra dans un domaine de plus abandonner l'idée qu'il soit « atypique ». Les arguments pour rejeter les appels aux « réformes structurelles » formulés par OCDE et Commission européenne deviendront toujours plus difficiles à trouver.