L'affrontement

Qui a parlé de l'église ?

d'Lëtzebuerger Land du 23.11.2000

C'est difficile de parler de l'Église, surtout en ce qui concerne sa modernisation, son rafraîchissement. L'auteur de cette pièce, Bill C. Davis a osé en parler. Il s'est posé les questions de l'homosexualité, la question du sacerdoce des femmes, du mariage des prêtres. En fait, il parle ici un peu du vrai rôle que doit jouer de nos jours un prêtre et naturellement aussi ce que ce dernier représente encore.

Cette pièce, intitulée L'affrontement est une adaptation française par Jean Piat de la pièce américaine Mass Appeal. Pièce ayant d'ailleurs été transposée au cinéma et ayant remporté un important succès aux États- Unis.

Seulement, il y a un petit hic : lorsqu'on parle de l'Église, on tombe assez rapidement dans la parodie. Le début de cette pièce représente un prêtre pathétique qui semble vouloir à tout prix séduire ses paroissiens naïfs : « Qu'est-ce que la ressemblance avec le Christ ? Est-ce avoir une barbe et des cheveux longs ? » La question est posée lors d'une messe par une paroissienne fictive. On ne voit pas vraiment le but du jeu. Est-ce prendre en dérision complète l'Église ou bien est-ce s'amuser des gens qui vont encore à l'église ?

Mais au fur et à mesure des scènes, des rencontres entre le vieux prêtre apparemment attaché à ses principes et le jeune séminariste idéaliste, on s'aperçoit que le but n'est pas de faire de l'Église catholique la grande farce qu'elle est déjà (aux yeux de ceux qui se disent être modernes). Non le but c'est de suivre l'évolution des deux personnages. Le voyage initiatique pour le séminariste et le retour aux sources pour son mentor. Les spectateurs deviennent alors les témoins d'un affrontement de plus en plus complice.

En fait, on nous met en confiance au début de la pièce. On nous rassure un peu avec des choses que la plupart de nous s'imaginent sur l'Église et ensuite on nous révèle qu'il existe un véritable débat sur cette Église qui ne correspond plus vraiment aux attentes de notre époque.

Et il nous est même permis d'entrevoir la vie intime d'un prêtre, c'est-à-dire sa solitude. Un prêtre qui se plaint de cette atroce solitude et qui refuse catégoriquement le mariage des prêtres. Sacrifice illogique de nos jours !

C'est ainsi que, propulsé dans le monde ecclésiastique assez déchiré et face à des débats sérieux sur ce dernier et quelques blagues par-ci par-là, on se dit : tiens, et peut-être que des jeunes prêtres pleins de volonté à vouloir vraiment faire le bien autour d'eux, ce serait beau à voir ? Peut-être y en a-t-il déjà ? Ou bien, peut-être ce qui compte aujourd'hui, ce ne sont pas les gens dévoués aux gens. Mais les prêtres d'aujourd'hui sont ceux qui montent des start-ups, qui vénèrent l'argent, qui ont du culot...

Cette pièce, qui au début est assez difficile à déchiffrer devient de plus en plus émouvante. Les deux comédiens y sont pour beaucoup. Pierre Bodry et Hervé Sogne sont dans leurs rôles respectifs. En tous cas, leur prestation plaît. La petite salle du Théâtre du Centaure est sans cesse secouée par des rires francs ou des interrogations vocales. On assiste à des moments marrants (humour parfois un peu trop dans le style des récents sitcoms américains, qui fait néanmoins beaucoup rire) : « L'Évangile selon Peanuts » ou bien « dictateur pédophobe borné ». Mais il y a aussi des moments de déchirement intérieur ou d'espoir sincère : « La vrai joie d'un prêtre, c'est d'aider les siens par tous les moyens, même en prenant des risques ! » lance le jeune séminariste dépité au vieux curé soi-disant sage.

Voilà, l'Église, la religion, la foi sont des sujets difficiles ou carrément démodés. Tout ou presque a été dit sur l'Église catholique, le débat en réalité est clos. Et puis, plus personne ne va à l'église ou du moins très peu de gens. Plus personne ne se soucie de ce bateau qui coule loin des yeux de tous. Parfois , on y jette encore un petit coup d'oeil. C'est ce qu'a fait Bill C. Davis : il a constaté les dégâts.

 

L'affrontement de Bill C. Davis, mis en scène par Jacques Herbet, avec Pierre Bodry et Hervé Sogne se jouera au Théâtre du Centaure encore ce soir et les 25 et 29  novembre ainsi que les 1er et 2 décembre à 20.00 heures. La pièce sera également représentée les 26 et 30 novembre ainsi que le 3 décembre à 18.30 heures. Réservations au téléphone 22 28 28.

 

 

Karolina Markiewicz
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