Marie Alexandre allume le collège

Allumés

d'Lëtzebuerger Land du 16.11.2000

Une heure et un comédien pour remplir la minuscule salle de théâtre du Carrousel Villon. Ce petit théâtre est aménagé pour l'occasion : des chaises bien rangées, les unes derrière les autres, sur les chaises des petites tablettes dotées de stylos. Nous l'avons bien compris, c'est une salle de cours.

Le spectacle commence, et tout de suite, projection dans le monde virulent de l'éducation. Des profs, des élèves, un principal, un conseiller pour l'éducation, une assistante sociale et même un ministre. Nous y voilà, un des sujets préférés des Français : l'Éducation nationale. Mais, comme dans la réalité, il est accompagné de ses amis, la violence, l'intolérance, le manque d'intérêt, le conflit des générations ainsi que le petit conflit du monde des enseignants avec celui de leur patron institutionnel, le ministre de l'Éducation nationale. Tout ce microcosme évolue dans un collège - probablement un peu celui dans lequel travaille Ariel Cypel, l'auteur de Marie-Alexandre allume le collège. 

Dans la réalité, Ariel Cypel exerce la fonction de conseiller pour l'éducation (CPE) dans un collège parisien. Il doit se délecter tous les jours à voir s'articuler tous ces individus qui sont forcés de coexister. Ariel Cypel, tout comme le comédien de ce one-man-show explosif, Marie-Alexandre Ferrier ont dû longuement observer tout ce petit monde et en tirer leurs conclusions. Seulement, ils ne nous les livrent pas comme ça.

C'est vrai, cette pièce est un bombardement de clichés : les professeurs pleins de bonne volonté, d'autres nevrosés, le ministre complètement déconnecté de la réalité, l'assistante sociale désintéressée mais vivement concernée, les élèves plus préoccupés par l'apparition de leur acné que par l'orthographe, cela n'en finit pas de défiler. Mais n'est-ce pas en dédramatisant la forme qu'on réussit à fixer le fond ?

Parce que c'est un peu ça le but de ce spectacle. Une énorme caricature, oserions-nous dire « mammouthesque » ? Le thème cependant est bien réel, d'une gravité pesante. L'école en France subit des mutations, de soi-disantes améliorations, et ce chaque année. Le résultat est toujours le même : ça ne fonctionne pas !

Certains prétendent même que d'année en année, ou mieux de génération en génération tout se dégrade. Plus de respect et plus d'intérêt pour l'école. Mais n'est-ce pas tout simplement un manque d'adaptation de part et d'autre ?

Il n'y a pas vraiment de réponses. Le fait est que toute cette situation est parfaitement dépeinte dans le spectacle. Peut-être est-ce grâce à la performance de l'acteur. Il nous propose mille et une façons d'envisager le problème, et c'est le cas de le dire. Il commence en Monsieur Tachon, professeur de français, il enchaîne avec le principal, ensuite il se transforme en Lolita, élève extrêmement dissipée - il finit même par jouer tout le monde en même temps. Il faut convenir que c'est assez époustouflant. En tout, ce spectacle propose quinze sketchs, le comédien, lui, transforme son visage et son corps une trentaine de fois afin de représenter tous les personnages. Ajoutons à cela un décor sobre qui laisse libre cours à l'activité intense du comédien ainsi que des moments musicaux, bien choisis, qui permettent de souffler.

Mais n'oublions surtout pas l'ingrédient surprise : l'interactivité. Ce n'est bien entendu pas obligatoire, mais il semble que c'est bien reçu par le public. Sûrement est-ce dû à la rapidité et à la légèreté des sketchs. On ne se rend pas bien compte, et voilà qu'on participe au spectacle. Cela dit, le décor de salle de classe y prépare un peu.

Le texte lui, n'est pas ce que l'on pourrait qualifier de « beau langage ». C'est très contemporain, donc populaire. Par moment ça vire même un peu au vulgaire (pour certains), mais il ne faut pas oublier que c'est une pièce qui est principalement composée d'images et de phrases qui semblent exagérées mais qui sont issues de la réalité. D'un point de vue linguistique, il faut se mettre à la page... franco-française, voilà tout.

Marie-Alexandre allume le collège pose les bonnes questions et sans doute au bon moment. Un moment, où plus personne ne sait plus qu'inventer de nouveau, d'insolite, une sorte de déclic pour sauver l'école. Des cours de théâtre, en passant par les cours de kick-boxing pour en arriver même à la police scolaire, on a déjà tout essayé en France. Et maintenant, qui dit mieux ?

Karolina Markiewicz
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