Ces artistes n’ont pas trente ans et font déjà parler d’eux. Portraits d’une génération montante avec, dans cet épisode, le chanteur Chaild

L’enfant-roi de la scène luxembourgeois

d'Lëtzebuerger Land vom 12.11.2021

« J’ai 5 ou 6 ans… et je saute sur le lit de ma sœur en fredonnant une chanson que j’ai « écrite ». Je ne me rappelle plus vraiment de la mélodie, mais à l’époque, je trouvais ça trop bien ! » (rires) Voilà le premier souvenir d’enfance de Chaild en rapport avec la musique. Il ajoute : « D’ailleurs, à l’époque, je pensais que chaque chanson devait avoir un titre unique et qu’il était impossible d’avoir deux chansons avec le même titre ; du coup, je me cassais la tête pour trouver quelque chose. Je me souviens aussi vouloir jouer de la trompette, mais mes parents qui me disaient : « Non ! On un piano à la maison, tu joueras du piano ! » Ce fut la meilleure décision ! Thanks, mum and dad ! » Chaild, de son vrai nom Adriano Lopes Da Silva, est l’étoile montante de la scène musicale luxembourgeoise. Une ascension fulgurante pour ce garçon de 23 ans qui, il y a peu, officiait encore, de manière assez timide, sous le pseudonyme de Adrian.

La musique, on peut dire qu’il est tombé dedans quand il était petit. Il se rappelle : « J’ai commencé à faire des petites performances à Strassen, lors d’auditions organisées par Kathy Hénon, la prof de guitare de ma sœur. Elle était géniale car, au lieu de rester figée sur le programme, elle poussait les élèves à exprimer leur potentiel créatif. » Kathy Hénon, elle, s’en souvient très bien : « Il a en effet participé de nombreuses fois aux auditions de notre classe de guitare. Sa sœur m’ayant raconté que, durant les vacances, ils interprétaient parfois ensemble des chansons devant leur famille, j’avais donc invité Adriano à chanter lors de nos auditions ; il devait avoir treize ans je pense et, déjà, une très jolie voix. Il est d’abord venu interpréter des covers et, progressivement, de plus en plus de compositions personnelles. Nous réfléchissions seulement ensemble aux arrangements. Je me souviens de deux moments en particulier : quand il a invité son ami Maz aux percussions… et aussi d’une reprise un peu décalée d’une chanson d’Adèle où il utilisait l’accordéon de son grand-père ! Je me souviens d’un garçon doué, drôle et brillant. Son succès me réjouit ! »

Sa voix, justement, parlons-en : Du véritable velours. Grave, chaude et emplie d’émotion, elle glisse littéralement sur les nappes de piano. Lui, sa voix, il l’observe de loin. Il n’a compris que tard que sa voix était unique. « En fait, j’ai toujours cru avoir une voix… disons banale et pas très jolie. Et puis, quand je chantais devant des amis pendant les années de lycée, on me traitait de pédé. Ce qui ne m’a pas trop aidé pour mon développement personnel ! », ironise-til. « Mais avec le temps, de plus en plus de gens venaient m’encourager et surtout, j’ai remarqué que je faisais parfois pleurer ceux qui m’écoutaient. Là, je me suis dit qu’il y avait quelque chose, finalement. Ce qui est marrant, aussi, c’est que à l’époque, ma mère refusait d’être la maman « fofolle » qui trouve que son enfant est le meilleur au monde alors qu’il est en réalité plutôt moyen. Du coup, au début, elle n’osait pas vraiment montrer son enthousiasme, surtout en public, jusqu’au jour où elle s’est dit : « Non, c’est bon… je ne suis pas dingue de penser qu’il a du talent ! »

On en revient à la scène, un endroit où Chaild se sent comme chez lui, arpentant celle-ci d’un côté à l’autre, pliant son corps de manière lascive et jouant facilement avec son public. Il se souvient néanmoins de sa « toute première fois » : « Ma première scène ‘officielle’ était en tant que première partie du groupe luxembourgeois Austinn, à la Kulturfabrik. Je jouais avec des amis, histoire d’avoir un vrai groupe. C’est un super souvenir, surtout parce qu’on ne s’attendait pas vraiment à avoir la place… et quand on a été choisi, on n’avait, pour être honnête, même pas de set de prêt. Je ne savais même pas ce qu’était un Tech Rider, et je n’avais même pas de câble pour brancher mes instruments ! Les gars de la Kufa ont fait preuve d’une énorme gentillesse à mon égard et m’ont beaucoup aidé. Toute cette équipe a d’ailleurs une place toute particulière dans mon cœur. Je me rappelle aussi toujours du mal de ventre que j’ai eu à cause de l’angoisse… mais une fois sur scène, c’était juste génial ! » À l’époque, il s’était présenté sous son prénom pour en faire un nom de groupe (Adrian), même s’il corrige : « Adrian, c’était mon premier projet. Pas vraiment un groupe sur le devant de la scène, mais on fonctionnait comme tel. Mais en fait, j’ai toujours considéré mon projet comme « solo ». C’est moi qui organisait les répétitions, les fringues, les sets,… C’est moi aussi qui allait chercher les opportunités pour jouer. »

Après un passage par l’Angleterre, Chaild est aujourd’hui installé à Bruxelles. Il raconte : « Je voulais ‘sortir’ et l’école était vraiment top (LIPA, Liverpool Institute of Perfoming Arts). J’ai été sélectionné, ce qui était assez incroyable. J’ai enfin pu m’épanouir dans un milieu qui ne jugeait pas la différence et où je pouvais être la personne excentrique que je suis. Aujourd’hui je suis à Bruxelles, Covid et Brexit oblige, mais je me sens bien ici aussi. C’est une ville super connectée et en même temps très accueillante. »

L’excentricité : voilà le mot lâché ! Parce que Chaild a définitivement décidé d’être lui, que ça plaise ou non. Son image, il la façonne, la développe et l’embrase complètement. « Pour moi, aujourd’hui, le full-package est important. On n’est plus au temps où les musiciens ne font ‘que’ de la musique. On est entré dans une ère ou l’image et le marketing est tout aussi important que le produit. J’ai toujours eu des aspirations internationales et je pense que le côté image m’est venu très naturellement. Je bosse énormément dessus, c’est hyper important pour moi et je pense c’est surtout ça qui m’aide à attirer des partenaires à l’étranger. »

Ah… l’étranger ! Le graal pour la plupart les musiciens et artistes locaux. Et même si rares sont ceux qui y réussissent, ça ne semble pas l’effrayer le moins du monde : « Non, absolument pas ! (rires) J’ai confiance en mon projet et j’ai déjà mis un pied à l’étranger. J’ai eu la chance de travailler avec des gens de l’industrie musicale un peu partout en Europe ces derniers mois. Des gens qui bossent avec des artistes internationaux que j’écoute tous les jours sur Spotify. Ça m’a fait grandir et le fait d’avoir bossé avec eux me prouve que j’ai bien ma place à ce niveau. Après tout, si moi-même je ne crois pas en mon projet, personne ne le fera à ma place ! Il n’a y pas de place pour le doute ! »

Chaild, en dix questions

Le premier disque que tu as acheté ?

Le single J’en ai marre ! d’Alizée. J’adore !

Qui rêverais-tu de rencontrer ?

Beaucoup de monde ! (rires) J’ai eu la chance de faire la première partie de mon idole, Mahmood. Donc ça, c’est fait ! On a beaucoup parlé backstage… J’aimerais aussi rencontrer Dua Lipa, Florence Welsh ou Lady Gaga.

Qu’est-ce que tu voulais faire quand tu étais petit ?

Pédiatre ! Et avant ça, astronaute ou magicien.

Ton chanteur préféré ?

Mahmood ! Et j’ajoute encore Woodkid et Troye Sivan.

Ta chanteuse préférée ?

Rosalia… et Dua Lipa, Julia Michaels, Sevdaliza, Noah Cyrus.

En qui (ou en quoi) aimerais-tu te réincarner ?

Idéalement, en rien ! J’ai toujours espéré qu’après cette vie, je pourrai peut-être aller dans d’autres « sphères ». Mais sinon, je dirais qu’en fait, je m’en fiche… du moment que je suis heureux et que je ne souffre pas.

Le dernier livre que tu as lu ?

Une biographie de David Bowie

Maz, pour toi, que représente-t-il ?

Mon meilleur ami, un exemple à suivre et la raison pour laquelle j’ai eu le courage de me lancer. Je me suis toujours dit : « Si lui peut le faire, alors moi aussi ! »

Représenter le Luxembourg à l’Eurovision, ça te dirait ?

Oui ! C’est un rêve. J’aimerais tellement représenter mon pays. L’industrie luxembourgeoise a aujourd’hui, tout ce qu’il faut pour justifier cet investissement. Vous m’entendez, RTL ? Monsieur Bettel ? Quelqu’un… ?

Quelque chose de drôle qui te soit arrivé en concert ?

À Hambourg lors d’un festival, mon pantalon s’ouvre ! Mon petit moment Lil Nas X ! Alors, je dis à tout le monde que c’est le signal pour qu’ils ouvrent le leur ! Ah, aussi, lors d’un concert en tête d’affiche au nord du Luxembourg, trois fans montent sur scène pendant une chanson. J’ai fais de mon mieux pour gérer le truc.

Romuald Collard
© 2024 d’Lëtzebuerger Land