Jeudi dernier, je suis allé voir Ben Mazué à la Rockhal. Je suis allé le voir pour deux raisons. La première s’appelle Quand je marche, premier extrait de Paradis, son quatrième et nouvel album ; un morceau qui, à sa sortie, m’a littéralement retourné le cerveau, le cœur et l’âme. La seconde, c’était surtout histoire de voir comment ce chanteur, jusque-là plutôt discret sur la scène médiatique, allait pouvoir mettre le public de la Rockhal dans sa poche.
En fait, aller à un concert en ne connaissant qu’un seul morceau, c’est un peu comme jouer au poker : soit on reçoit les bonnes cartes et on récolte la mise… soit on perd ! Jeudi dernier, moi, j’ai gagné ! Ben Mazué est un mec incroyable. Ancien médecin en soins palliatifs, il se met à la chanson pendant ses heures perdues et hésitera un moment avant de finalement choisir le côté musical de sa « drôle de double vie ». Il écrit pour lui mais aussi pour les autres (Fréro Delavega, Pomme, Grand Corps Malade, Aldebert, Patricia Kaas,…). On lui reconnaît une qualité d’écriture rare et incroyablement sincère.
On pourrait continuer à vous raconter sa vie mais, finalement, sa vie, c’est encore lui qui en parle le mieux. Son concert, il l’imagine comme un voyage, une tranche de vie. Il vous raconte d’abord pourquoi il a quitté Paris pour l’Île de la Réunion il y a quelques années, en prenant femme et enfants sous le bras… et pourquoi il est rentré, ses enfants sous le bras, mais sans sa femme devenue, entre temps, son ex-femme… Voilà, le mot est lancé : divorce !
Son divorce, Ben Mazué l’a pris pleine face. Alors, pour se purger l’esprit, il a écrit Paradis. Et c’est justement avec Quand je marche qu’il débute le concert. Scène sobre et musiciens discrets, Ben Mazué joue sur l’épure et sur ses textes. Il parle aussi, beaucoup ! Il raconte comment naissent ses chansons (Mathis, Tu m’auras tellement plu, J’écris…). Il nous offre également deux duos « virtuels » : un avec Pomme, un peu son équivalent féminin, un autre avec Anaïde Rozam sur le très beau Semaine A/Semaine B. Ben Mazué évoque ses blessures et ses coups de cœur avec la même justesse, toujours dans la sincérité, jamais dans le pathos. Ses chansons, il les chante – ou les susurre, comme autant de poèmes finalement. Dans J’écris, il dit notamment ceci : « J’écris, pour expliquer, parce qu’en expliquant j’éteins un malaise, qui veut pas me lâcher, depuis le matin. J’écris, tant pis si c’est mauvais, et tant pis si c’est perdu ; c’est une question d’équilibre et c’est pas toujours pour être lu. Le sort est un poème, le destin est un roman, avec la mort comme emblème, pour que chaque moment compte. » C’est beau…
Il parle donc. Beaucoup. Parle de son proprio, « toujours heureux et qui s’auto-amuse », de sa mère, décédée il y a deux ans et pour qui il a « écrit une chanson… mais trop tard », de son père, « toujours vivant et d’une grande humilité » et avec qui il aime débattre des sujets de société, ou du foot » et, bien évidemment, de ses enfants. Enfin, il sourit aussi. Beaucoup. Et le sourire de Ben Mazué, c’est juste le plus beau sourire de la chanson française.
22h40, tout a été dit. Le concert, assis, est terminé et le public, lui, est debout. En sortant, on glanera encore quelques confidences, comme celle d’Ariane, qui regrettera un public luxembourgeois « qui a quand même toujours du mal à se laisser aller », ou Marie-Christine et sa sœur qui, elles, resteront sous le charme encore un bon moment. Un t-shirt, une photo et une coupe de crémant plus tard, elles sont toutes rentrées heureuses. Heureuse d’avoir vécu ce moment magique avec un artiste qui, tôt ou tard – au gré d’une chanson, d’une phrase ou d’un regard – arrivera, soyez-en sûr, à vous toucher en plein cœur. Juste « pour que chaque moment compte ».