"Roman (Tome 1)"

So british

Roman (Tome 1)
d'Lëtzebuerger Land vom 17.02.2017

Très inspiréspar les arts vivants et les textes, le chorégraphe Nasser Martin Gousset nous plonge avec Roman (Tome 1), dans les destins parallèles de quatre personnages renvoyant au roman de l’écrivain D.H Lawrence Women in love, interdit par la censure en 1912. Pendant une heure, un carré sentimental s’installe : des conversations dansées, évoquant le quadrille (ou contredanse) de bal et de salon du XIXe entre ou pendant des projections d’extraits du livre parfois trop denses et trop fréquentes. La danse certes intervient en contrepoint de la narration, mais peut-être parfois en contrepoint trop discret.

La bande-son est intéressante mêlant, les voix off du film Love de Ken Russell de 1969, mais aussi la reprise par le guitariste (guitare acoustique) sur scène de la chanson If you leave me now du groupe Chicago, et l’on croit même reconnaître dans les morceaux joués ceux du groupe rock alternatif Kim Crimson (Robert Fripp).

Les couples sont présentés : Ursula, Gudrun, et Rupert, Gerald. Ils voyagent au gré de leurs espoirs, déceptions dans une géométrie variable côte à côte ou parallèlement dans un rite initiatique se mettant sentimentalement à nu. Pensées intimes et immorales de deux sœurs qui souhaitent s’émanciper et s’engagent dans des liaisons avec deux hommes très proches. La tension est exacerbée, alors qu’ils en viennent dans un combat de lutte corps à corps à révéler les prémices de leur homosexualité.

À travers l’autre, ils se découvrent aussi dans une société anglaise conservatrice de la région des mines des Midlands ante Première Guerre mondiale dans le livre et ici intemporelle. Fraîcheur, ivresse des sentiments, surprenantes pensées intimes et relations immorales sont bien transposées sur le plateau, mais la place consacrée à la présence de l’écrit aurait méritée d’être réduite à l’essentiel pour garder cette atmosphère sophistiquée à la manière d’Ingmar Bergman, simple et efficace.

La mise en scène est minimaliste, des phrases projetées, des images, un guitariste et pas de costume d’époque et pourtant le cadre étouffant d’une société ennuyeuse est parfaitement retranscrit. Les figures chorégraphiées sont distillées avec subtilité et délicatesse en retenue et en laissant un flottement faisant penser que tout peut encore basculer vers le mieux ou vers le pire. Gudrun et Gerald s’enfoncent dans une relation destructrice. Les regards puis la valse déclenchent la vitesse des mouvements et des conflits dans des scènes plus sexuelles. La valse rompt avec la structure traditionnelle d’une danse de société – le Quadrille, très encadré pour libérer l’ivresse et les pulsions de quatre couples et non point deux. Divers mouvements, déclinaisons, angles, interactions, figures découlent de ces possibles interactions humaines, tourmentées ou apaisées par la recherche ou la perte de l’amour. Alors que la salle se vide, des élèves présents dans le public discutent sur ce qu’ils en retiennent et l’un d’entre eux de conclure un « spectacle synesthésique » !

Emmanuelle Ragot
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