Le directeur de l’ABBL, Jerry Grbic, au sujet de la politique des banques en matière de crédits immobiliers et de leurs rapports aux clients

« Plongée dans l’inconnu »

Jerry Grbic le 24 juillet 2023 dans les locaux de l’ABBL qu’il dirige
Photo: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land du 28.07.2023

D’Land : La Banque centrale européenne remonte les taux directeurs comme jamais elle ne l’a fait. Cela profite à la rentabilité des banques, mais cela pénalise énormément les gens qui veulent acheter un bien, surtout les primo-accédants.

Jerry Grbic : Tout d’abord précisons que la Banque centrale européenne (BCE) est à l’initiative, de manière directe, dans la fixation des taux à court terme (qui permettent aux banques de se refinancer, ndlr). Nous sortons d’une décennie de taux bas. Une bonne partie des emprunteurs, jusqu’à quarante ans, n’ont jamais connu de taux élevés. Ils sont peut être devenus propriétaires d’appartement ou de maison avec des taux bas. Là, en l’espace de huit mois, on a multiplié par trois et demi les taux d’intérêt. Une bonne partie de la population active est plongée dans l’inconnu.

En 2007, les taux étaient plus élevés qu’aujourd’hui...

On a connu un environnement de taux similaire avant 2008 avec une inflation importante. La situation s’est inversée à cause de la crise financière. Aujourd’hui ce sont l’inflation et l’incertitude géopolitique qui freinent les investissements. D’aucuns anticipent en outre un ralentissement économique et que la BCE baisse ses taux dans les prochains mois, après très probablement les avoir encore augmentés de 25 points en automne. Beaucoup veulent acheter et doivent souscrire un emprunt, mais une grande incertitude plane. Les gens ont peur.

Comment a évolué le volume des prêts ces derniers mois ?

Nous constatons une baisse de trente à quarante pour cent de mai 2022 à mai 2023. Elle tient à cette incertitude et au fait que des gens n’ont plus la capacité de financement à cause des taux. En discutant avec leur banquier, ils se rendent compte qu’ils doivent revoir leur projet à la baisse. « Vous regardiez un bien à un million, mais envisagez plutôt 800 000 », peut dire le banquier. À la fin de l’année dernière le marché était atone. Depuis quelques semaines les clients reviennent prendre la température auprès de leur banquier, discutent de nouveau de projets immobiliers. C’est positif.

Les banques seraient aussi plus attentives au prix et à la qualité du bien là où, pendant dix ans, elles ne regardaient pas ou peu.

Ce n’est pas vrai. Avant de devenir CEO de l’ABBL, j’ai moi-même été banquier. Les banques ont toujours eu une approche conservatrice au Luxembourg. Elles n’ont pas attendu 2020 et les recommandations du Comité du risque systémique pour appliquer certaines mesures préventives, notamment au niveau des apports personnels pour se protéger elles-mêmes et leurs clients. Puis les banques doivent gérer la dispersion des échéances de remboursement et la gestion des liquidités. Par exemple, la Silicon Valley Bank a mal agi ici. Les banques en Europe et au Luxembourg doivent respecter divers ratios de liquidité et produire des rapports sur les risques liés aux taux d’intérêts qu’elles encourent dans leurs livres. Aussi bien du côté actif que du côté passif. Elles doivent aussi faire attention à qui elles accordent des crédits et comment.

Nous faisions ici référence au bien acheté…

Les banques veillent à la capacité de remboursement et à la valeur du bien avec le ratio loan to value. C’était vrai il y a cinq ans, ça l’est toujours aujourd’hui et cela le sera demain. Le problème maintenant est la valorisation. Les transactions du marché subissent une décote de vingt pour cent par rapport à 2021.

Oui et les banques doivent veiller à la valeur des biens dans leurs bilans

La maison qui valait un million il y a deux ans vaut toujours un million. Car après avoir subi une hausse de vingt pour cent, le marché a connu une décote de la même ampleur en deux ans. Grosso modo. Pour effectuer une bonne valorisation, la banque peut s’appuyer sur les dernières transactions qu’elle a elle-même réalisées, ainsi que sur les statistiques publiques. Si la valeur d’un appartement de 60 m2 a diminué de cinq pour cent, la banque va diminuer la valeur des biens équivalents dans son portefeuille. Mais les banques doivent aussi tenir compte de risques théoriques. Là, la banque regarde si ses clients remboursent bien, si leur capacité de remboursement n’est pas trop impactée par la hausse des taux et l’inflation. La banque peut savoir cela, car elle demande que les revenus soient domiciliés chez elle. Cela offre une vue assez détaillée sur le client. Les banques sont sensibilisées à la situation actuelle. Elles ont identifié les dossiers potentiellement à risque et nombre d’entre elles contactent leurs clients de manière pro-active.

Les crédits non-performants ont-il augmenté par rapport au premier trimestre 2022 ?

Non. Au Luxembourg, les non-performing loans représentent 1,6 pour cent des emprunts souscrits. La moyenne européenne se situe à 2,3 pour cent.

La forte proportion de taux variables au Luxembourg, comme en Espagne ou en Suède, n’a pas fragilisé de nombreux emprunteurs ?

Le fait que la proportion de taux variables soit élevée au Luxembourg a des racines historiques. À l’époque du franc luxembourgeois, les marchés n’étaient pas assez profonds pour couvrir un taux fixe à un prix intéressant. L’euro a permis cela. Depuis son introduction, la culture a progressivement changé. En 2022, les banquiers ont recommandé à leurs clients de souscrire à des crédits à taux fixe pour couvrir le risque de hausse des taux. Chaque dossier est analysé individuellement par des credit analysts qui connaissent le marché, le bien, ainsi que les capacités de remboursement.

Oui, mais ceux qui avaient souscrit un emprunt à taux variable avant juin 2022 avec un tiers des revenus consacrés au remboursement se retrouvent aujourd’hui à payer bien plus

Je suis complètement d’accord. Mais quand les banques signent un crédit avec un client qui consacre un tiers de son revenu au remboursement, elles procèdent à un stress test pour voir si le client pourra toujours rembourser son prêt si les taux augmentent. Si le taux spot est à 1,3 pour cent, on simule la capacité de remboursement à un taux de cinq pour cent par exemple. Les banques continuent de faire ces stress tests, mais le chiffre pris en compte n’est peut-être plus cinq mais sept pour cent.

Est-ce que les banques ouvrent leurs portes à leurs clients pour renégocier voire restructurer le crédit ?

D’une manière générale, crise ou pas crise, sur une période de vingt ans, beaucoup de choses peuvent se passer. La famille grandit. Il y a un divorce. Quand il arrive quelque chose, il faut aller voir son banquier. Normalement on trouve une solution. La politique de l’autruche n’est pas à privilégier. Un client ne connait pas forcément toutes les options possibles. Pour l’instant, on n’a pas de problèmes de défaut. Mais chaque banque a identifié une population de clients potentiellement à risque. L’importance de connaitre son client joue. Est-ce qu’on peut se limiter au remboursement des taux d’intérêt ? Parfois il faut vendre un des trois appartements.Y a-t-il d’autres sources de financement à trouver ? Nous sommes très conscients de la difficulté que certains ménages éprouvent pour joindre les deux bouts. Pour une famille qui a des revenus limités, si le remboursement a augmenté de 500-600 euros, plus l’inflation… Dans mon entourage familial, deux personnes m’ont déjà fait part de leur inquiétude. L’un a de l’argent de côté, mais a perdu sa capacité à épargner. La hausse a été tellement rapide qu’elle lui a fait peur. Il se dit « mon taux est passé de 1,5 à cinq. Et si dans six mois c’est à dix ? ». Aujourd’hui, aucun économiste ne prédit des taux à dix pour cent.

Et la deuxième personne de votre entourage ?

Il s’agit d’une autre population qui risque d’être perdante. Ceux qui ont entrepris voilà deux ans de construire une maison et qui voulaient partiellement financer cette construction par la vente de l’appartement qu’ils occupent actuellement. Ils avaient prévu dans leur business case de le vendre 600 000 euros. Aujourd’hui le prix espéré est plus près des 550 000. Il manque 50 000 euros au membre de la famille en question. La banque a proposé de restructurer le crédit pour qu’ils gardent leur maison. On cherche des solutions.

La banque n’a pas intérêt à avoir un client faire défaut…

La banque a une double responsabilité. Une par rapport à ses clients qui lui confient leur épargne. Une par rapport aux clients qui demandent un crédit. L’épargne qui lui est confiée, la banque va l’utiliser pour faire crédit. Et elle doit protéger les avoirs de ses clients et ne peut donc pas prendre des risques inconsidérés au niveau des crédits qu’elle octroie. Et la banque n’a aucun intérêt à mettre un client dans une situation dans laquelle il ne pourrait pas rembourser son crédit. On sait qu’un cinquième de la population est vulnérable financièrement. Ils ne sont pas tous propriétaires et endettés. Mais il y a aussi des clients avec crédit dans des situations tendues. Ils limitent leurs dépenses, coupent dans leur budget vacances. Les gens essaient de s’adapter pour garder leur domicile. C’est une des explications pour lesquelles on a un taux de défaut si faible.

Comment les banques ajustent-elles leur politique commerciale ?

Après de longues années de taux bas voire négatifs, la marge d’intérêt s’est normalisée. On commence à toucher des intérêts sur l’argent que l’on place en dépôt auprès de la Banque centrale, alors qu’on en payait parfois ces dernières années. L’augmentation des taux à certes rapporté, mais sa rapidité a posé des problèmes aux banques. Regardez l’augmentation de 400 pour cent des provisions. Tout ça, c’est l’ajustement des portefeuilles. Viennent ensuite des provisions en vue de dossiers en défaut potentiel. Bien qu’on ait une augmentation de 39 pour cent de la marge d’intérêt, le bénéfice net n’augmente que de deux pour cent.

Oui, mais les provisions, ce n’est pas de l’argent perdu. Ce sont des sommes mises de côté qui ne sont pas ou peu taxées

C’est maintenant une obligation règlementaire de comptabiliser ainsi. Toutes ces réglementations visent à la stabilité. Tant qu’elle est assurée, on a la confiance du client. Si la confiance est ébranlée, aucun ratio ni règlement ne peut protéger d’un bank run, potentiellement fatal. D’autant plus que la digitalisation entraîne un phénomène nouveau. Regardez la rapidité avec laquelle la Silicon Valley Bank a connu un outflow de 42 milliards. Ce qui dans les années 80 prenait des journées et impliquait de longues heures de queue devant une agence bancaire, nécessite quelques clics aujourd’hui. Mais contrairement, à ce qui s’est passé aux États-Unis, il y a unanimité sur la qualité de la réglementation européenne en termes de solidité. Est-ce qu’il faut réglementer davantage sur la liquidité ? Je ne crois pas que cela arrivera. La croissance des coûts de conformité a augmenté de seize pour cent par an entre 2016 et 2021. Cela représente parfois plus de la moitié des charges pour les petites banques.

Cela a notamment provoqué une vague de consolidation...

À un moment donné cela devient problématique pour l’Europe. Si nous n’avons plus de banques rentables, les investisseurs ne vont plus investir. Un grand fonds a quitté le secteur bancaire européen pour investir en Asie et aux États-Unis. On doit garder un secteur bancaire rentable pour financer l’économie. Une grande partie de la transition énergétique et digitale passe par le prêt bancaire.

Est-ce que les banques gardent le même spread entre le taux directeur et le taux commercialisé aujourd’hui par rapport à début 2022 par exemple ?

Plus ou moins, oui. Cette marge brute tourne autour de un pour cent, entre 90 et 115 points. Elle comprend un certain nombre de charges comme des ressources humaines, une partie de la salle de marché, l’infrastructure. On peut jouer sur les taux, oui, pour quelques points de base, mais il faut veiller à la concurrence. Et à Luxembourg, l’activité de détail est très concurrentielle.

Avec les revenus d’intérêts élevés, les banques n’ont plus tant besoin des crédits pour assurer leur rentabilité...

Si. Si vous avez aujourd’hui une baisse de la production de trente à quarante pour cent. En tant que banque, vous êtes en face d’un budget que vous n’allez pas réaliser. Certes la hausse des taux a été bénéfique, mais la production diminue. La grande crainte aujourd’hui réside dans la perspective d’une crise économique. Le cas échéant, on pourrait avoir une baisse du taux d’emploi. Aujourd’hui, des clients particuliers freinent leurs dépenses d’eux-mêmes, mais s’ils perdent leur boulot… C’est pour cela que nous disons que le gouvernement doit notamment faire quelque chose pour éviter les faillites dans le secteur de la construction.

Les banques luxembourgeoises sont de plus en plus concurrencées par les fonds de pension allemands , selon un courtier d’athome Finance. Qu’est-ce-que cela vous inspire ?

Je crois que, d’une manière globale, la concurrence sur le marché luxembourgeois est assez intense pour que les banques offrent les meilleurs taux possibles. Maintenant si les clients sont refusés ici et vont à l’étranger, il faut savoir qu’un bailleur de fonds qui intervient pour l’acquisition d’un bien à Luxembourg, doit respecter la réglementation luxembourgeoise. J’ignore si ces structures ont un agrément pour faire ce business au Luxembourg et si elles respectent nos règles. Je ne peux qu’inviter les clients à bien vérifier les conditions générales, car il me semble qu’elles ne soient pas les mêmes qu’au Grand-Duché. Par exemple, si tout se passe très mal, la vente forcée est le dernier outil que la banque luxembourgeoise utilise ici. De l’autre côté de la frontière, les ventes forcées sont déclenchées plus systématiquement. Le courtier veut faire le deal pour sa commission. Rien d’autre ne l’intéresse.

Comment l’ABBL envisage-t-elle l’évolution du marché immobilier ?

L’attrait du Luxembourg reste intact. On a un solde migratoire positif. L’augmentation des taux a fait chuter la demande et l’offre. Ceux qui peuvent se permettre de ne pas mettre en vente un bien attendent. Cela permet une stabilisation. À la fois les acquéreurs et les vendeurs vont à terme revenir sur le marché. Au niveau des prix, il va y avoir des ajustements selon les régions, mais surtout en qualité. Un bien de 100 m2 classe énergétique G non rénové va maintenant coûter beaucoup moins cher qu’un bien de la même taille en classe A dans la même rue. Les gens ne seront plus prêts à payer le même prix.

Un marché normal en somme...

Tout à fait. Avant chaque crise tout le monde investit dans l’immobilier si bien que n’importe quel bien dans un petit patelin vaut le même prix qu’à Bonnevoie ou à Merl. Le banquier va dire mais qu’achetez-vous ? Est-ce que c’est rénové etc.? Ils l’ont toujours fait. Mais là, un ajustement va se faire.

Comment les banques pourraient-elles jouer un rôle dans la politique du logement ?

Via le Klima-prêt qui est mis en place et que les banques soutiennent. Mais pour aller encore plus loin nous revendiquons du futur gouvernement une diminution du besoin de fonds propres pour des prêts immobiliers en rénovation. Le cas échéant les banques pourraient consentir des prêts moins chers aux clients. C’est, dans l’absolu, une bonne chose pour le portefeuille des banques au niveau de leur expositions aux risques environnementaux et pour l’écologie. Si vous souhaitez que les banques participent à cette transition énergétique, il faut nous donner les moyens pour ce faire.

Que demande l’ABBL à ce sujet en cette année électorale ?

On propose un partenariat public-privé pour construire des logements abordables et loger les jeunes talents. Le terrain serait mis à disposition par l’État. La banque financerait la construction. Celle-ci serait remboursée par le loyer par les jeunes talents qui y habitent. Il s’agit de créer du logement abordable pour toute l’économie. Tous les secteurs ressentent un besoin de main d’œuvre. Après, les revendications tournent principalement autour de l’attraction et la formation des talents.

Mais tout ne va pas si mal. Bank of London vient d’annoncer sa venue et le recrutement de 300 personnes.

Vous avez raison, mais il faut garder à l’esprit que cette banque a dans ses rangs quelqu’un de très influent qui milite pour le Luxembourg (Norbert Becker, ndlr). Puis il y a Bank of America, qui se déploie en Europe, y compris au Luxembourg. Les banques suivent les clients corporate et privés. Le Luxembourg a une carte à jouer en tant que place financière en Union européenne. Mais nous sommes en concurrence avec d’autres pays.

Banques résilientes, ménages vulnérables

La Banque centrale européenne a annoncé (BCE) ce jeudi relever ses taux directeurs de 25 points de base, accentuant encore sa hausse des taux historique. La CSSF et la BCE opèrent « un suivi rapproché » du risque lié à l’exposition des banques à ce brusque changement des taux d’intérêts, informe Claude Wampach, responsable de la supervision bancaire route d’Arlon. La part des crédits immobiliers pèse quarante pour cent du volume total, soit 16,5 milliards d’euros. Selon les derniers chiffres de la CSSF, les crédits sont majoritairement souscrits à taux variable, 55 pour cent au deuxième semestre de l’année dernière. « Leur part a augmenté dans les flux, signe que les nouveaux emprunteurs sont souvent réticents à fixer leurs taux d’intérêt à des niveaux élevés plus longtemps et optent pour le choix un peu plus attractif mais incertain du taux variable », explique Claude Wampach au Land.

Le directeur « supervision » dit ne pas observer, « pour l’instant, de matérialisation significative du risque en termes d’expositions non performantes ». Le ratio des non-performing loans serait tout juste passé à 1,4 pour cent pour les ménages, soit à peine trois points de base du dernier trimestre de 2022 au premier de cette année. Claude Wampach précise que les banques maintiennent des coussins de fonds propres « élevés » pour faire face à une nouvelle probable détérioration du risque de crédit liée à la hausse des taux, l’inflation et à la dégradation de la conjoncture, synonyme de nouvelle baisse des taux. Et faut-il craindre la situation sur le marché de l’immobilier professionnel ? Fin 2022, les prêts accordés aux promoteurs représentaient trente pour cent de l’ensemble des prêts destinés à l’acquisition de biens immobiliers commerciaux, soit 6,4 milliards d’euros empruntés aux établissements de crédits locaux. 18 pour cent sont des prêts portant sur des biens immobiliers, existants ou non, acquis pour exercer l’activité commerciale de l’acquéreur. 51 pour cent sont des prêts visant l’acquisition de biens immobiliers déjà existants. Au cours de la deuxième partie de l’année dernière, seuls 1,02 pour cent des prêts destinés à l’acquisition de biens immobiliers étaient non-performants.

La CSSF ne s’inquiète pas d’un retournement du marché immobilier et d’un effondrement des prix. En tout cas pas pour les banques. Le régulateur estime une surévaluation des prix des logements autour de 7,4 pour cent (selon une modélisation interne). « Bien qu’une forte correction des prix nous semble peu probable, compte tenu du déficit structurel de l’offre, nous pensons qu’une modération peut être souhaitable car elle augmentera l’accessibilité au marché », écrit Claude Wampach au Land. Selon le règlement européen sur les exigences de fonds propres, les banques doivent surveiller la valeur de la propriété de manière « fréquente », avec un minimum d’une fois tous les trois ans pour ce qui est de l’immobilier résidentiel. Elles ont aussi l’obligation d’effectuer une surveillance plus fréquente lorsque les conditions de marché changent fortement. En outre, la CSSF effectue un test de résistance pour les banques actives sur le marché immobilier résidentiel domestique. Même sous des scénarios extrêmes (par exemple une baisse de prix nominal de 25 pour cent accompagnée d’une augmentation à dix pour cent du taux de défaut), les banques luxembourgeoises se montreraient résilientes, principalement en raison de leurs ratios de capitaux propres élevés ainsi que des ratios loan-to-value plus stricts à l’octroi des prêts qui ont été introduits à partir de 2021. Claude Wampach s’inquiète toutefois d’un risque du côté de certains de leurs clients. : « Des poches de vulnérabilités peuvent exister pour les ménages avec un levier important et/ou des revenus faibles », dit-il. Les difficultés rencontrées par les ménages pour financer un bien provoquent une chute de la demande. « Les bilans des banques ont tendance à diminuer tandis que les provisions pour couvrir les pertes de crédit devraient augmenter, mais ce risque ne s’est pas matérialisé », complète la CSSF.

Pierre Sorlut
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