Simplification administrative

Nessie reloaded

d'Lëtzebuerger Land vom 03.06.2010
Ça a fait mal côté CSV. Dans une interview publiée mardi 1er juin au Tageblatt, le président du groupe parlementaire socialiste Lucien Lux accuse le partenaire de coalition chrétien-social d’avoir échoué en matière de simplification administrative: « Les plus grands problèmes que le Luxem­bourg a désormais en matière de compétitivité sont d’ordre bureaucratique et procédural,» dit-il, et que la responsabilité des ressorts concernés se situe quasi exclusivement auprès du CSV, auquel il reproche de l’immobilisme dans ce dossier. Riposte aussi bien que prévention – le Premier ministre Jean-Claude Juncker (CSV) a chargé le ministre de l’Économie socialiste Jeannot Krecké de trouver une solution sur la question de l’indexation des salaires pour cet automne –, la sortie de Lucien Lux s’explique peut-être, mais sa virulence en a brusqué plus d’un au CSV.

La semaine prochaine, quatre de leurs ministres se sentant plus ou moins directement visés – Claude Wiseler, ministre du Développement durable et des infrastructures (MDDI), Marco Schank, ministre délégué en charge des questions environnementales au même ministère, Octavie Modert, ministre déléguée à la Simplification administrative auprès du Premier ministre et responsable de la réforme administrative et Françoise Hetto, ministre des Classes moyennes – veulent indirectement y répondre, en prouvant que ces accusations sont fausses et qu’ils y travaillent. Car après que les patrons se soient sentis brusqués et frustrés que le gouvernement refuse de les suivre dans leur revendication de moduler l’indexation automatique des salaires dans les conclusions de la dernière tripartite, la pression monte encore d’un cran dans les autres domaines dans lesquels les entreprises voient un besoin de réformes pour améliorer la compétitivité de l’économie luxembourgeoise. « De fait, au lieu d’être ‘par tradition’ le site avec des chemins courts et simples, écrivent-ils dans leur brochure Comment sortir ensemble de la crise ?, le Luxembourg devient de plus en plus compliqué et lent (autorisation d’établissement, d’exploitation, d’extension, attraction de grands groupes étrangers... ) » (p.48).

Vendredi dernier, le gouvernement en conseil a adopté trois plans d’action parallèles adjacents au thème et qui s’étendent tous les trois sur les quatre années restantes de la législature : le premier sur la simplification administrative des procédures et formalités de l’État, le deuxième sur la réforme administrative et le troisième sur la gouvernance électronique de l’administration publique. Ce sont ces plans directeurs qui seront au centre de la conférence de presse commune prévue la semaine prochaine, et plus particulièrement le premier, dont une grande partie des mesures concerne le MDDI et le ministère de l’Intérieur pour le volet aménagement communal. « D’ailleurs, nous avons déjà avancé sur deux grands dossiers de procédures comme l’aménagement communal et les enquêtes commodo/incommodo, où des projets de loi de réforme visant une accélération des procédures ont passé le conseil de gouvernement, affirme Octavie Modert jointe par le Land. Mais il est clair que nous ne visons pas une coupe nette dans les procédures qui impliquerait que plus rien ne doive être autorisé. Il ne peut y avoir d’insécurité juridique. » Car parfois, la dichotomie entre l’économie qui veut un maximum de libertés (d’établissement, d’exploitation...) et une partie de la politique et des citoyens, qui veulent une réglementation stricte, par exemple dans la protection des travailleurs, des citoyens, de la santé, de la nature ou contre les nuisances pour éviter des dérives, semble presque caricaturale. Octavie Modert a promis une baisse de quinze pour cent de la charge administrative durant cette législature, une charge qui a aussi un prix pour les entreprises. Multiplier les procédures qui peuvent être introduites et traitées électroniquement – comme actuellement la déclaration d’impôts – serait une des possibilités pour y arriver.

Christiane Mangen est commissaire à la simplification administrative, attachée avec son service de quatre personnes au ministère d’État depuis les élections de 2009 – après que le Premier ministre ait déclaré la simplification administrative comme prioritaire pour lui. Car si les déclarations d’intention, états des lieux, programmes, brochures en quadrichromie, sites internet et logos ne manquent pas, même déjà durant la précédente législature, ce sont des résultats concrets qui sont désormais attendus. « Nous sommes actuellement en train d’analyser les procédures existantes dans quatre domaines et voulons établir une modélisation qui permette d’en arriver à une procédure unique, » explique-t-elle.

Ainsi, avec l’aide d’une société externe qui sera notamment chargée de l’enquête sur l’existant, quatre grands cas de figure seront regroupés et modélisés – reclassement d’une zone verte en zone artisanale et économique ; établissement d’une société dans une telle zone artisanale et économique ; création d’un nouveau quartier dans une ville ; autorisation de construire dans un tel quartier –, permettant ensuite de publier les procédures nécessaires sur un site web, par exemple le portail www.guichet.lu. Ces quatre modèles concernent donc aussi bien les entreprises que les citoyens, les administrations communales et l’administration de l’État. Le service vise à faciliter la vie des demandeurs en clarifiant les procédures à suivre et les papiers nécessaires.

Puis, le Comité à la simplification administrative (CSA), renforcé par un juriste depuis deux mois, est en train d’analyser la possibilité d’introduire une procédure d’autorisation tacite (« silence administratif vaut accord »), déjà annoncée dans le programme gouvernemental. L’idée en est d’accélérer les procédures par une règle de délai contraignant : dans un certain nombre de cas, que le CSA est en train d’établir, l’absence d’une réponse de l’administration endéans les trois mois qui suivent la demande équivaudrait alors à une autorisation.

Or, sur un certain nombre de questions, plus complexes, comme notamment le commodo, où une décision précipitée pourrait nuire à des tiers, cette règle ne peut pas être applicable. Ces thèmes seront énumérés et un délai contraignant pour une réponse de l’administration y sera alors introduit. Dans tous les cas, les administrés, citoyens et entreprises, auront droit à un accusé de réception de leur dossier, ainsi que, le cas échéant, une liste des pièces qui manquent. Mais des pièces justificatives supplémentaires ne pourront être demandées qu’une seule fois, pour éviter des allers/retours successifs avec toujours de nouvelles demandes de la part de l’administration.

Un autre concept, plus récent, sur lequel le CSA travaille actuellement est la règle de compensation, pour laquelle elle s’inspire de modèles européens existants et selon laquelle chaque nouvelle charge administrative introduite par une décision gouvernementale doit être contrebalancée par une réduction de la charge sur un autre plan, de sorte qu’il n’y ait pas d’augmentation nette. Ces deux mesures, l’autorisation tacite et la règle de compensation n’en sont encore qu’au stade de l’analyse de faisabilité et pourraient faire l’objet d’un projet de loi commun.

Le ministère du Développement durable quant à lui a plusieurs dossiers de simplification administrative sur le métier, qu’il traite en interne, sans forcément passer par le CSA et qui concernent avant tout l’équilibre entre mesures de protection de l’environnement et constructions (publiques et privées). Le président de l’époque du CSV François Biltgen avait d’ailleurs provoqué un tollé dans les milieux écologistes lors de la formation du gouvernement l’année dernière en se réjouissant que désormais, plus aucun biotope ne pouvait arrêter la création d’une nouvelle zone d’activités.

Ce grand principe est pourtant aussi inscrit dans le programme gouvernemental : l’article 17 de la loi de 2004 concernant la protection de la nature « sera modifié de façon à lever l’interdiction formelle de la destruction de biotopes à l’intérieur des périmètres d’agglomération », avec, toutefois, des mesures compensatoires à la clé. Le MDDI réfléchit par exemple à la constitution d’une réserve foncière, qui pourrait notamment regrouper les mesures compensatoires imposées par la loi aux maîtres d’ouvrage publics.

À côté de l’article 17, ce seront encore le 5 (zones vertes dans les plans d’aménagements généraux, PAG) et 12 (évaluation des incidences d’une construction sur l’environnement) de la loi de 2004 qui seront réformés, « ]en dialogue avec les ONG pour la protection de l’environnement » selon le ministère, et toujours dans le souci d’une harmonisation des procédures. Le regroupement des compétences de travaux publics, du transport et de l’environnement sous une seule tutelle a notamment comme objectif de pouvoir faciliter les procédures de demande d’autorisations en n’imposant qu’une seule étude d’impact et un seul dossier – avec le risque d’un conflit d’intérêts entre les deux champs, à voir comment Claude Wiseler réagirait si une telle question se posait (une route ou une forêt, qu’est-ce qui prévaut ?)

Mais cette réforme de la loi sur la protection de la nature serait à voir à moyen terme, alors qu’actuellement, l’urgence d’une amélioration des procédures serait à chercher au niveau des PAG des communes, qui risquent de devenir désuets dans les prochains mois si le ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf (CSV) n’arrive pas à organiser l’application de la loi sur l’aménagement du territoire (d’Land 18/10).

Lors de ses voyages de promotion économique à l’étranger, le ministre de l’Économie Jeannot Krecké (LSAP) vante les chemins courts au Luxembourg – rapidité des visas ou de la demande d’établissement – et le contact direct qu’auraient les investisseurs russes, chinois ou américains avec le ministère, voire même directement avec le ministre. Il leur promet un interlocuteur direct et individuel qui s’occuperait des entreprises intéressées à s’établir ici. Dans ses 65 mesures pour améliorer la compétitivité du Luxembourg, qu’il avait soumises au comité de coordination tripartite (et dont la réforme de l’indexation des salaires n’est qu’une des pistes), tout un chapitre de huit mesures (A.2. Gestion publique et procédures administratives) est consacré au sujet, avec à peu près le même souci de simplifier, réunir et accélérer les procédures des différents ressorts concernés. Il est donc pour le moins surprenant que, au moins en public, les deux partis ne fassent pas cause commune sur un thème apparemment aussi consensuel que la simplification administrative.
josée hansen
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