Victoire

Tu m'agaces, je te tue

d'Lëtzebuerger Land du 19.02.2004

La semaine passée s'est terminé à Esch-sur-Alzette le tournage de Victoire, premier long-métrage de l'actrice Stéphanie Murat, connue de films comme Les nuits fauves de Cyril Collard ou 24 Heures de la vie d'une femme de Laurent Bouhnik. L'équipe de Samsa Films s'était installée dans les anciens locaux d'une quincaillerie, où chaque étage abritait un décor différent. 

Le film raconte l'histoire de Victoire, jeune célibataire, qui un jour abat sa femme de ménage pour une bagatelle. Lorsque la fille veut confesser son acte, personne dans son entourage ne la prend au sérieux et, pire encore, les meurtres s'enchaînent. Ainsi, Victoire liquide une à une toutes les personnes qui lui paraissent agaçantes et avec lesquelles elle croit avoir un compte à régler.

Or, contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'un thriller ou d'un drame mettant en scène une serial-killer. C'est le ton comique que la réalisatrice à choisie. Mais Stéphanie Murat nous explique que son but n'est pas de créer une comédie noire, avouant qu'en même temps l'effet du film est difficile à prédire. «Il y a des choses qui étaient drôles au départ, qui ne le sont plus à l'arrivée, et d'autres qui le deviennent. J'ai l'impression que l'inconscient dans la mise en scène prend une place énorme. Vous engendrez une quantité de choses sans même le savoir. Le scénario n'est plus qu'une base, et au fur et à mesure, il y a des évidences qui s'imposent qui n'étaient pas évidentes à l'écrit.» Sylvie Testud, qui interprète Victoire, nous confirme cette vue du film: «Il ne s'agit pas d'une comédie noire. On a seulement la clé du film quand on a vu la fin.»

En tout cas, l'intrigue n'était pas destinée au grand écran dés le départ, comme nous l'apprend la réalisatrice: «Au début, l'idée était conçue pour devenir un one-man-show et ce n'est qu'après que c'est devenu un film,» nous dit-elle à propos du scénario qu'elle a écrit en collaboration avec Gilles Laurent (Le Raid, 2002).

Par rapport aux impressions retenues par sa première réalisation, Stéphanie Murat se dit à la fois contente et effrayée. Elle voit une grande différence par rapport à son activité habituelle d'actrice: «Devant la caméra, on a plutôt un plaisir narcissique, alors que derrière, on fait travailler son imaginaire au sein d'une équipe.»

À la question si un premier film requiert plus d'implication de la part des acteurs dans la mise en scène, Sylvie Testud affirme que, à partir du moment où un réalisateur a un but et de la détermination, il n'a pas besoin d'une intervention de la part des acteurs. «Je ne pense pas qu'un acteur puisse faire un film. S'il n'y a pas de cerveau derrière, la caméra on est mort.»

Comme elle a également interprété une tueuse dans Dédales de René Manzor, la question s'impose si l'actrice se sent attirée par ce type de rôles. Mais Sylvie Testud de nier: qu'ici il ne s'agit pas d'une tueuse dans le sens d'une malade mentale et nous renvoie une fois de plus au film. Le choix de ses rôles ne s'effectue pas en fonction de genres. «Il faut que le personnage me surprenne. Je ne crois pas dans les personnages droits et réguliers. On est tous bourrés de paradoxes et je ne vois pas pourquoi les personnages au cinéma seraient meilleurs.»

Avec une réalisatrice déterminée, une ambiance chaleureuse sur le plateau et une actrice principale loin d'être superficielle, Victoire a donc toutes les chances de plaire au public. S'ajoutent à cela l'expérience de Mylène Demongeot et de Pierre Arditi dans le rôle des parents de Victoire ainsi que de Catherine Samie incarnant une psychanalyste.

Fränk Grotz
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