Je crois qu’il m’aura fallu 33 ans moins quelques jours pour réaliser que la magie de Noël était peut-être bel et bien un concept marketing comme un autre. Les chansons de Mariah Carey et de Michael Bublé n’y changent rien : cette année, Noël ne prend pas chez moi.
Je continue d’écouter le dernier Biolay en boucle depuis cet été et lève les yeux au ciel dès que résonnent les premières notes de « It’s beginning to look a lot like Christmas ». Je n’aime pas le pain d’épices, ni le vin chaud, ni le lait de poule, ni la crème au beurre, ni les marrons glacés. Normalement, je compense le tout avec des fournées de biscuits à la cannelle que je savoure avec un thé fumant devant un Christmas movie, plaid en fourrure sur le canapé, grosses chaussettes en pilou aux pieds et bougies partout autour de moi. Mais cette année, rien de tout ça.
Pas de biscuits : car hors de question de mettre sans dessus dessous ma cuisine que j’ai eu tant le temps de ranger, laver, réorganiser, compartimenter, repeindre même, au point qu’elle concurrence désormais celles de Pinterest et qu’on sait tous qu’on ne cuisine pas dans une cuisine Pinterest. Pas de thé : en réalité je n’aime pas trop ça, le cérémoniel me plaît mais ça s’arrête là, et clairement, le bruit de la glace pilée dans un shaker me fait bien plus d’effet. Pas de chaussettes pilou non plus, parce que j’ai chaud, qu’il n’y a pas de neige, qu’il ne fait pas froid, pas assez en tout cas, et que mon vernis coloré est un peu près la seule chose qui vient actuellement pimper mes soirées. Et puis surtout pas de Christmas movies. Les histoires d’amour qui naissent à l’heure actuelle par hasard et sans Tinder, au coin d’une rue d’un village enneigé exempt de couvre-feu, et qui aboutissent sur un baiser passionné, dans un bar bondé, légalement ouvert, faisant fi de toute distanciation sociale... Beaucoup trop irréaliste à mes yeux. Où sont vos masques, bon sang ?!
Non, décidément, l’esprit de Noël ne me gagne pas. Même l’histoire des cadeaux a été réglée en deux temps trois mouvements, quand d’habitude elle nécessite une grande organisation, d’intenses réflexions voire de lointaines expéditions. Pas de lèche-vitrines à Paris cette année, pas de marché de Noël à Strasbourg non plus, pas de shopping tout court en fait. Quelques commandes auprès de créateurs locaux, des bons cadeaux pour quand on pourra retourner au resto, et du click and collect efficace et rapide pour le reste. La seule file d’attente fréquentée aura été celle chez Alinea – un samedi à 15h, quelle idée aussi me direz-vous – mais attendre chez Alinea, ce n’est jamais vraiment désagréable, surtout quand les cadeaux en question sont pour moi.
Et puis, bien trop longue pour être innocente, il y a eu cette grasse matinée qui m’a bizarrement été accordée. Un drôle de remue-ménage a fini par me réveiller. J’ai entendu des cris de joie étouffés et des petits pas très pressés de me tirer hors du lit. Puis j’ai senti cette odeur boisée et ces épines sous mes pieds nus, sur le carrelage et tout le long du couloir qui mène à mon salon. Pile devant ma bibliothèque et plus grand que jamais, un sapin me toisait : Noël avait fini par pénétrer mon domicile. Sachez qu’en temps normal, j’aurais râlé : pourquoi ce sapin a-t-il été acheté sans moi, pourquoi cette taille, cette variété, n’est-il pas trop gros, trop peu fourni, légèrement tordu ? Bref, j’aurais trouvé quelque chose à redire juste parce que je n’étais pas à l’origine de l’initiative – oui, les défauts ça s’assume, parfois.
Vous savez-quoi ? Noël semble visiblement vouloir me faire un pied de nez : ce sapin est parfait. Comme quoi lâcher prise, ça mène parfois à de belles surprises. J’en suis à tel point convaincue que j’ai même laissé mon fils accrocher à l’arbre des décorations confectionnées de ses propres mains d’enfant de trois ans – vous visualisez ? Mais là encore, étonnamment, le résultat est plutôt joli. Pas digne de Pinterest, certes, mais pas mal quand même. Puis la nouvelle qu’on redoutait tous est tombée : les fêtes devront être célébrées en petit comité. Alors certes, c’est pas très chouette. Et je comprends que ça peut en attrister certains. Mais entre nous, soyons honnêtes. Avouons que parmi les habituels invités, il y a forcément au moins une personne à laquelle on sera content d’échapper, pas vrai ? À croire que bien qu’elle ait du mal à s’installer, la magie de Noël finit quand même par opérer.