Appel à LED

d'Lëtzebuerger Land du 04.12.2020

Les ampoules, voilà bien quelque chose qui n’avait pas beaucoup évolué entre Thomas Edison et la fin du siècle dernier. Une bulle de verre remplie de gaz inerte dans laquelle un courant électrique chauffe à blanc un filament métallique. Quoi de plus simple ? Jusqu’au jour où l’on a découvert qu’il serait possible d’économiser de l’énergie en produisant de la lumière autrement. Sur l’emballage, une promesse magique : Douze watts = soixante watts, durée de vie dix ans. Même au triple du prix, le calcul est vite fait. Un peu comme si Goodyear vendait deux fois plus cher des pneus qui ne s’useraient pas et, en plus, réduiraient votre consommation de carburant. Vingt ans après, faisons le bilan : soit j’ai été frappé d’une malédiction, soit il y a eu tromperie sur la marchandise.

Vous vous souvenez des petits tubes fluorescents qui faisaient ressembler votre salon à l’intérieur d’un réfrigérateur grâce à une lumière aussi froide qu’un enterrement en Alaska au mois de février ? La première économie consistait à devoir attendre une vingtaine de secondes avant d’y voir clair, ce qui vous poussait à développer votre sens de la vision dans l’obscurité. Et quand, au lieu des dix ans annoncés, c’est après quelques mois seulement que votre ampoule commençait à donner des signes de désespoir, style SOS en code morse, on vous expliquait : « c’est normal, ces modèles subissent un choc quand on les allume et on les éteint trop souvent » ou alors « tu as dû les toucher avec les doigts, il ne faut jamais faire ça. » Désolé, mais j’ai déjà une adolescente à la maison, je n’avais pas prévu d’user de psychologie AUSSI avec les appareils électriques pour ménager leur susceptibilité.

Moralité de l’histoire, donc, il était conseillé de laisser allumées certaines lampes, mais pas les autres, en fonction de l’équipement de chaque pièce. Et il fallait mettre des gants blancs pour changer ces ampoules précieuses et fragiles comme un vase Ming. OK, on s’habitue à tout, même aux formes biscornues, en spirale, en globe, en tube ou en ogive, et aux cinquante nuances de blancs, qui étaient autant de désagréments mineurs par rapport au gage d’éternité et de sobriété énergétique. Et, alors, que le parc luminaire commençait à retrouver un semblant d’homogénéité, c’était reparti : « Stop ! Le tube fluorescent c’est pour les ramollis du bulbe ! C’est rempli de mercure. Il faut passer aux LED ! » Cette fois, encore plus fort : Deux watts = Soixante watts, durée de vie 25 ans.

Soit. Si je peux encore une fois sauver la planète avec juste un escabeau et un passage chez Hobbi, pourquoi pas. Retour au rayon luminaire. Sauf qu’une fois sur place, outre le choix entre
incandescence, fluorescence ou électroluminescence, il faut se décider entre claire ou matte, froide, chaude ou médium, petit ou grand culot, filament vintage ou classique, dimmable, connectée ? Autant choisir un café chez Starbucks... Pour commencer, est-ce qu’il ne serait pas possible, une fois pour toutes, de se mettre d’accord sur un format unique pour la douille ? La forme que vous voulez, mais pitié, la même chose partout, et si possible dans tous les pays et pour les cent prochaines années.

Le véritable coup de génie avec les LED, c’est que leur petite taille et leur faible consommation ont permis d’en installer partout : téléphones, casques de vélo, semelles de baskets, pommeaux de douche, têtes de perceuse, demain peut-être l’intérieur des sacs à main... Si la petite lampe qui s’allume quand on ouvre son frigo est une des preuves certaines du génie humain, force est de constater qu’on a, depuis, atteint un stade où le degré d’inutilité le dispute à celui de pollution visuelle.

Reléguer Las Vegas au rang d’un village amish sous couvre-feu est désormais à la portée de tous vos voisins grâce aux millions de guirlandes made in China. Ceux qui trouvent un côté positif à l’abandon du Chrëschtmaart devront patienter pour l’interdiction des pulls moches, des films de Noël et de George Michael. Noël 2020 s’annonce, cette année encore, d’un goût aussi douteux qu’une tenue de scène d’Elton John.

Cyril B.
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