Uber

Uber affûte ses outils en Chine

d'Lëtzebuerger Land vom 25.09.2015

La société californienne Uber vient de subir un revers en France, dont le Conseil constitutionnel a décidé cette semaine de confirmer l’illégalité de son service Uberpop, qui fait appel à des chauffeurs non professionnels. Le Conseil constitutionnel a écarté une question préalable de constitutionnalité (QPC) introduite par les avocats d’Uber, l’éditeur de l’app de mise en contact de chauffeurs et de passagers qui fait peur aux taxis du monde entier. Uber contestait une loi française de 2014 taillée sur mesure pour la combattre. L’entreprise, qui est connue pour être particulièrement coriace face aux tribunaux qu’il a à affronter un peu partout où elle opère, n’a pu que reconnaître platement que la décision de la juridiction française était « évidemment décevante ». On aurait tort cependant de conclure de cette défaite, et d’autres similaires que le service a encaissées dans plusieurs pays ces derniers temps, que l’horizon s’obscurcit pour Uber. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder vers la Chine, qui fait aujourd’hui l’objet de toutes ses attentions. Cela commence par un tour de table de financement d’un montant de 1,2 milliard de dollars annoncé il y a quelques jours par UberChina. Certes, ce financement est à la taille de l’enjeu, mais Uber est loin d’être le mieux placé actuellement en Chine, ses concurrents locaux ayant réussi à s’y emparer de parts de marché significatives. Vient ensuite l’annonce que Uber va s’efforcer de développer dans ce pays son activité de covoiturage en tant qu’activité à part.

Hors de Chine, Uber rend possible le covoiturage pour les utilisateurs de son service de courses à la demande, sous l’appellation UberCommute. Deux ou plusieurs passagers qui se rendent vers la même destination à bord d’un véhicule loué par le biais de Uber peuvent se partager la course, chacun payant sa quote-part. En Chine, c’est un service distinct des autres services Uber qui est proposé, sous le nom Uber+, voué exclusivement au covoiturage. Les chauffeurs qui s’y inscrivent peuvent décider d’accepter d’embarquer des passagers intéressés par leur trajet que leur propose l’application et ainsi empocher l’argent d’une course. En plus du service Uber standard dans lequel des chauffeurs s’inscrivent pour effectuer plusieurs courses à la demande, comme s’ils étaient chauffeurs de taxi, il s’agit ici davantage d’attirer des chauffeurs occasionnels attirés par la possibilité d’un extra ou peut-être aussi, comme le suggère la nation du « commute », de pérenniser des courses partagées par des salariés se déplaçant sur les mêmes trajets à des horaires précis. C’est en tout cas pour Uber une façon d’ajouter un nombre potentiellement élevé de chauffeurs participants et donc l’offre disponible par le biais de son app.Le paradoxe de ce développement est que lors de la discussion devant le Conseil constitutionnel sur la QPC de Uber, l’avocat de ce dernier a évoqué le risque, en cas d’interdiction du service Uberpop par les Sages, que celle-ci s’étende aux services de covoiturage – alors que la loi Thévenoud cherche expressément à favoriser ceux-ci. Il ne saurait en être question, a tranché le Conseil. Blablacar, la startup française de covoiturage sur longue distance qui a le vent en poupe et vient de lever 160 millionsde dollars, peut donc continuer d’opérer en France (et dans seize autres pays) sans crainte que les tribunaux ne l’assimilent à la bête noire des taxis. Si sa formule de covoiturage permet à Uber d’affirmer sa présence en Chine et de mieux tenir tête à ses concurrents locaux, il décidera vraisemblablement par la suite d’étendre cette offre à d’autres pays. Certes, le covoiturage semble a priori moins adapté aux courses urbaines qui sont sa spécialité que les autres services d’Uber, mais ce nouveau service pourrait sensiblement renforcer son offre en y agrégeant des chauffeurs occasionnels et en créant des habitudes auprès de navetteurs séduits par des coûts de transports fortement réduits.

Jean Lasar
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