Il y a de tout dans Requiem pour un poulet, roman policier de Jean-Claude Sacerdot paru aux Éditions Saint-Paul : un mariage, un meurtre qui en cache d’autres, de bons et de mauvais flics, un truand de longue date rôdé aux procédés da la police, une discothèque glauque avec de jolies serveuses plus ou moins prostituées, de l’alcool et du sang coulant à flot, un homme politique véreux et un richissime patron pris dans l’engrenage. Tout cela est évidemment lié et ces liens se découvrent au fil de la lecture.
Pour élucider ces meurtres et pour mettre derrière les barreaux tous ces personnages mystérieux diversement impliqués, il faut, ingrédient indispensable pour lier la sauce, l’homme de la situation. Cet homme, c’est Gonzague Lorenz, chef de la section criminelle de la deuxième Brigade spéciale de la Police judiciaire à Paris. Fils d’une mère française et d’un père luxembourgeois, son surnom et son nom de code sont, bien entendu, « le lion rouge ». Comment le décrire, ce lion rouge ? C’est beau gosse, un esthète, un judoka accompli, un fin raisonneur, un séducteur redoutable, un bon musicien, et surtout, il a toujours un pas d’avance sur les autres. Bref, Gonzague Lorenz est un savant mélange entre Sam Spade, Casanova, David Douillet, Miles Davis et Dorian Gray. Ses amis l’adorent et l’admirent, ses ennemis le craignent et le détestent.
Mais pour que les ressources inépuisables de ce flic pas comme les autres puissent se déployer, Jean-Claude Sacerdot fait disparaître les frontières entre le bien et le mal. Les amis et les ennemis se trouvent des deux côtés. L’auteur, étant policier lui-même, maîtrise parfaitement son sujet. Les dialogues sont réalistes, les détails improbables abondent. Les descriptions des armes (tout un arsenal), de la musique que Lorenz écoute de préférence dans sa voiture, des meurtres (souvent sanglants), d’une autopsie, des procédures administratives au sein de la police judiciaire, des femmes, sont toujours précises sans être fastidieuses ou ennuyantes.
De plus, Sacerdot parvient admirablement à faire participer le lecteur à l’enquête : il sème des indices, brouille les pistes, accumule les suspects et les cadavres. Le doute s’insinue, mais Lorenz ne décourage pas. Le lecteur le suit dans son périple haletant à travers Paris et sa région sans jamais bâiller. La seule faiblesse de Lorenz, ce sont les femmes. Il ne peut s’empêcher de les séduire et d’être séduit à son tour. Lorsqu’il rencontre au Sérénos (discothèque glauque) la sublime Joëlle (serveuse plus ou moins prostituée), il cède trop facilement. En effet, cette beauté indescriptible mène un double jeu, car elle travaille pour un certain Bomans, appelé « Riton le Hollandais » (truand rôdé aux procédés de al police). Mais le doute ne quitte jamais Lorenz, cette conquête est trop facile, ça sent le roussi et le lecteur saura, à la fin du roman, que Lorenz, même s’il se trompe, n’est jamais trahi par son flair.
Le seul reproche qu’on pourrait faire à Requiem pour un poulet, c’est le dénouement trop rapide. Lorsque le traître à l’intérieur de la police est démasqué, les choses s’enchaînent un peu trop rapidement. La fin du roman tient du final showdown digne d’un film avec Bruce Willis. Ça tire de partout, les corps tombent un à un, c’est un vrai carnage. La belle villa en région parisienne où a lieu cette ultime bataille baigne dans le sang. Le seul qui surnage, et le lecteur n’en est pas surpris, c’est Lorenz. Oui, sacré Lorenz qui fait tomber les femmes et les gangsters sans scrupules en même temps.
Requiem pour un poulet est un policier sans prétention avec une histoire pleine de suspense, un héros auquel on ne peut s’empêcher de s’identifier et beaucoup d’action. Il y a un film à faire, mais il faut trouver un acteur qui soit à la hauteur du personnage principal. Peut-être Humphrey Bogart aurait fait l’affaire ?
Maurice Magar