Gaydamak pousse la justice à accélérer

d'Lëtzebuerger Land vom 21.02.2025

Le jeune Conseil national de la Justice (CNJ) a publié à la toute fin du mois de janvier ses premières recommandations. Elles émanent d’une doléance de l’homme d’affaires franco-israélien d’origine russe, Arcadi Gaydamak, qui s’inquiète de la stagnation de l’enquête sur les soupçons de détournement d’une partie de sa fortune (plusieurs centaines de millions d’euros) opéré depuis le Luxembourg. Plainte a été déposée en 2013. L’enquête a été officiellement ouverte en 2016. Ses anciens partenaires d’affaires, des dirigeants de fiduciaire et son ancien homme de confiance en Israël, chef des opérations clandestines de Tsahal au Liban, ont été inculpés entre 2017 et 2021 (d’Land, 25.02.2022).

L’instruction est officiellement toujours en cours, mais Arcadi Gaydamak, 72 ans, n’a toujours pas retrouvé son argent et les auteurs du détournement n’ont pas encore été condamnés dans cette affaire qui expose le centre financier luxembourgeois. Arcadi Gaydamak a acquis une notoriété entre les années 1990 et 2000, homme de réseau pour les oligarques russes et pour une partie de la classe politique française, notamment en relation avec l’Angola.

Les recommandations du CNJ visent « les délais exorbitants » constatés dans le cadre des instructions pénales et notamment dans le cadre de la criminalité financière. Les plus hautes autorités judiciaires se sont réunies (tribunaux correctionnels, parquets, cabinets d’instruction) et ont formulé des propositions à l’attention de la ministre de la Justice, Elisabeth Margue (CSV), et à la Chambre des députés. Il s’agit par exemple de limiter la saisine des juges d’instruction aux affaires les plus complexes et de privilégier les « mini-instructions ». Ou encore de permettre au parquet d’accéder directement au registre des comptes bancaires (CRBA), une recommandation en ligne avec celles du Gafi. Est aussi proposé d’instaurer « un certain contrôle de la durée de l’instruction », de limiter les demandes de complément d’instruction après sa clôture, d’assouplir la procédure de jugement sur accord (le plaider-coupable local) ou d’introduire une convention judiciaire d’intérêt public. Cette procédure existant en France permet un règlement de l’affaire avec les personnes morales (entreprises), sans inscription au casier ni reconnaissance de culpabilité, mais avec un gros chèque à signer. Le CNJ préconise enfin de recruter encore et encore, notamment à l’administration judiciaire et au sein de la police judiciaire. Au rythme actuel et si les nouveaux dossiers cessaient de tomber, il faudrait à peu près trois ans à la police économique et financière pour écouler les dossiers en stock. Et puis il faut bien sûr digitaliser. De bonnes intentions et de l’inspiration pour le législateur, mais est-ce que cela va aider Gaydamak à retrouver son argent vingt ans après sa disparition ? Rien n’est moins sûr.

Pierre Sorlut
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