Perpetuum Mobile

d'Lëtzebuerger Land vom 09.06.2023

« Fabienne », « Lana », « Anouk »… Si les meubles dessinés par Ruth Lorang portent des noms de femme, c’est bien pour honorer les personnes à l’origine de ses créations très personnelles, inspirées du style mid-century vintage. En effet, la fondatrice de l’atelier Ruth s’inspire des besoins mobiliers de ses proches pour penser des pièces parfaitement user friendly et surtout qui restent adaptables au fur et à mesure des évolutions qui ponctuent la vie. L’objectif est de créer de belles pièces qui durent dans le temps, et qui ainsi, ne contribuent pas à ruiner la planète davantage. L’ensemble de tables « Fabienne » (avec le jeu de mémoire « Lana » qui peut également être utilisé en tant que sous-verre), fait partie des premières créations de Ruth Lorang. Elle les a présentées au show room de Parquet Böhm, avec qui elle a établi un partenariat. Il s’agit d’un set de tables basses qui peut orner un salon avec chic et couleur. Il est adaptable en hauteur et offre plusieurs possibilités d’assemblage. Au-delà de la table basse, cet ensemble ludique peut faire fonction de tabouret pour petits et grands ou de table de jeu pour enfants, avec ses angles arrondis pour plus de sécurité.

La création « Anouk », qui est en attente de commercialisation, se penche sur les besoins du parent. Il est constitué d’un meuble évolutif à la fois table à manger, en y superposant une plateforme, et commode quand l’enfant n’est plus bébé. C’est la sœur de Ruth qui l’a « commandée », ne trouvant pas ce qu’elle cherchait sur le marché conventionnel.

« Mon idée découle du fait que ma génération dispose d’un espace de vie limité », explique la jeune femme à la frange blonde, arborant de pimpantes lunettes vertes. « Parmi les amis de ma génération, nombreux sont ceux qui habitent chez leurs parents même à trente ans. Quand ce n’est pas le cas, ils habitent un appartement plutôt petit où il est impossible d’installer beaucoup de meubles ».

Ruth Lorang choisit ses matières avec soin, ses critères étant l’origine locale et le caractère durable. Les détails sont exécutés minutieusement. L’approche de Ruth est celle d’une lente gestation créative menant à l’exécution d’un, voire de deux prototypes, avant de faire lancer la fabrication des pièces. « Comme il n’y a pas de maison d’édition de meubles au Luxembourg, et comme je ne peux pas prendre le risque de préfinancer de série, je fonctionne avec des précommandes », remarque Ruth. D’où l’importance d’une bonne visibilité pour accroître sa notoriété. Sa présence au marché design « Augenschmaus » à Hollerich le week-end dernier aura permis de faire grossir son carnet de commandes… Les prix, qui correspondent à la valeur d’une fabrication artisanale et locale, peuvent paraître élevés, mais Ruth a confiance : « Je suis optimiste qu’il y ait des clients qui apprécieront cette façon durable de travailler et qui sont prêts à investir un pécule dans un meuble fait main, qu’ils peuvent garder toute leur vie ».

« En sortant du lycée, j’ai eu du mal à me décider entre les études d’architecture intérieure et les sciences politiques, ce qui n’a rien à voir », sourit-elle. Elle opte pour le design intérieur et entame des études à La Cambre à Bruxelles, qu’elle termine avec l’obtention d’un master en arts visuels, plastiques et de l’espace en 2018. Elle acquiert sa première expérience professionnelle auprès de Mad trix, un collectif d’artistes luxembourgeois spécialisé en installations interactives et arts des nouveaux médias. En parallèle, elle fait partie de l’équipe de « Sites et Monuments », expérience enrichissante qui la convainc de la valeur du patrimoine. Elle reste tout autant attirée par l’illustration ou le design de produits. Elle présente la variété de services proposés par l’atelier : espace (architecture intérieure, scénographie), volume (design de meubles, de produits ou d’accessoires) et concept (illustration, design graphique). Elle nourrit sa vocation « sociétale » en forgeant des partenariats avec par exemple la Ligue HMC dont les employés fabrique certaines de ses pièces. Son e-shop ouvrira bientôt pour recevoir des commandes en ligne.

Béatrice Dissi
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