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d'Lëtzebuerger Land vom 09.06.2023

Après Lost In Translation (2019) et Kaboom (2021), tous deux parus sur le label de jazz allemand Double Moon Records, le Michel Meis 4tet a récemment fait paraître en indépendant son troisième album Lollipop Moment. Sur la pochette du disque, d’un rose profond, on retrouve une photographie signée Holger Kiefer présentant des bulles dans un liquide qui semble être en ébullition. On imagine donc les 10 titres du projet prêts à éclater près de quarante minutes durant. Les deux premiers disques de la formation étaient, pour rappel, des petites pépites inabouties sur certains aspects mais de bonne facture. Le batteur Michel Meis, qui est en passe de changer son statut de rookie du jazz autochtone à celui de tête d’affiche, fait donc à nouveau alliance avec la tromboniste Alisa Klein, le claviériste Cédric Hanriot et le contrebassiste Stephan Goldbach.

Enregistré en un temps record au studio Holtz Sound et en grande partie improvisé, l’opus s’ouvre sur Blue Hour, une courte pièce nébuleuse qui fait penser à du William Basinski en surrégime. De l’ambiant qui bouillonne, mais la solennité ressentie est fracassée illico par Puff Puff Puff et son rythme fou. Le cuivre unique sonne comme toute une fanfare tsigane et l’usage du synthétiseur, grande nouveauté du disque, sied particulièrement bien à la musique de la formation. Bye Bye Balloon revient à un son plus traditionnel. Du jazz sec qui peut rebuter et qui ne s’envole jamais vraiment. Silberfell marque le retour des effets du meilleur effet. Le titre est contrebalancé par le morceau suivant Heyday, sensible et qu’on imagine introspectif. S’ensuit Embrace, un interlude redoutablement planant et sur lesquels Michel Meis reste en retrait. Il reprend du service sur Track the Crack sur lequel on peut entendre le chaos et l’harmonie de l’improvisation. Sentiment partagé pour les compositions/sessions d’improvisation suivantes, The madness, Joker et Euphoria, qui s’entrecroisent et se répondent.

Le titre du projet fait référence à une formule de développement personnel imaginée par le conférencier nord-américain Drew Dudley. Un « lollipop moment » se matérialise lorsqu’une personne influence positivement la vie d’une autre. Un concept assez bateau, mais par lequel on peut se laisser embarquer. Et après tout, il vaut mieux citer un conférencier ou un influenceur et faire de la bonne musique plutôt que de se reposer sur un grand auteur et pondre une galette inutile de plus.

Quarante minutes durant, le leader de la formation mène sa troupe à la baguette, mais ne laisse transpirer aucune velléité de mise en avant. Michel Meis n’est pas un batteur m’as-tu-vu et m’as-tu-entendu, préférant développer la cohésion du groupe et réservant les effets de manche aux concerts. Justement, le quartet a présenté Lollipop Moment sur la scène du Gudde Wëllen le jeudi 25 mai devant un public multigénérationnel. La musique a sonné sur scène comme elle sonne sur le disque, qui semble déjà rodé.

Lollipop Moment est disponible sur toutes les plateformes de streaming. Plus d’informations sur michelmeis.com

Kévin Kroczek
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