Ticker du 5 avril 2024

d'Lëtzebuerger Land vom 05.04.2024

Risque de réputation

Des pneus de camion fabriqués dans l’usine de Colmar-Berg auraient provoqué des centaines d’accidents à travers l’Europe au début des années 2010 : C’est l’accusation à laquelle Goodyear fait face aujourd’hui. Le Monde vient de sortir une très longue et très fouillée enquête (parue en quatre parties) sur « l’affaire Goodyear ». Celle-ci avait déjà défrayé la chronique il y a quatre ans, puis donné lieu à une série, diffusée cet été sur Arte. Après avoir regardé ce documentaire, deux lanceurs d’alerte ont chacun fait parvenir au Monde une clef USB, dont une contient des documents « ultraconfidentiels » de chez Goodyear : Emails internes, stratégie de communication, transactions secrètes menées avec les victimes, tableaux Excel listant des centaines d’accidents causés par les pneus Goodyear…

Ces documents démontrent les tentatives de minimiser le problème de la part du fabricant de pneus, alors que les accidents se multipliaient à travers l’Europe, que les premières plaintes étaient déposées et que les expertises mettaient en cause une « défaillance intrinsèque du pneumatique ». En automne 2013, Goodyear réagit, et lance un premier « customer satisfaction program » (CSP). Cette opération d’échange commerciale, basée sur le volontariat, doit surtout éviter une procédure officielle de « rappel de produit défectueux ». Plusieurs réunions de crise ont lieu avec l’Ilnas (Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services). L’autorité est informée en détail du projet CSP (baptisé « Tango » en interne). « Il y a eu cet été des conditions [météorologiques] particulières », explique, en 2013, un cadre de Goodyear à Romain Nies, alors chef du département surveillance du marché de l’Ilnas. Il n’y aurait donc pas de raison de sonner l’alerte générale et d’ordonner un rappel de produit.

En octobre 2014, l’autorité luxembourgeoise se montre satisfaite : « Compte tenu des résultats obtenus, l’Ilnas est d’accord pour considérer que le CSP [customer satisfaction program] est efficace », note Goodyear dans un compte-rendu. À ce moment, seulement la moitié des pneus avaient été retirés du marché. Les documents internes cités par Le Monde montrent des managers de Goodyear hantés par le risque d’image. Ils pensent surtout à « assurer une publicité neutre, factuelle et non négative sur la question » et « minimiser l’impact sur [leur] entreprise et la réputation de [leur] marque. »

Contacté par Le Monde, l’Ilnas se défend : « Notre action s’était limitée à enregistrer les informations reçues, qui nous semblaient pertinentes ». Face au Tageblatt, le directeur de l’Ilnas, Jean-Marie Reiff, a réitiéré sa position la semaine dernière : « Wir hatten nichts in der Hand, das uns erlaubt hätte, aktiv zu werden. Was tatsächlich der Fall ist, weiß auch heute noch niemand ». Le directeur adjoint de l’autorité, Claude Liesch, prend ouvertement la défense de Goodyear dans le Tageblatt : « Goodyear ist mit seinem eigenen Aufruf zum Reifen-Austausch in die Offensive gegangen, als Versuch einer Vertuschung sehe ich das nicht ».

Des pneus continuaient d’éclater, des routiers continuaient de mourir. Le Monde décrit la réaction de Goodyear : « D’abord, contester toute mise en cause du processus de conception puis de fabrication des pneus issus de son usine luxembourgeoise ; ensuite, éventuellement, si les faits deviennent trop têtus, indemniser la victime, en échange de son silence, le tout ficelé au mot près dans des contrats assortis de clauses de confidentialité. » bt

« Ses besoins propres »

« Ma ech hätt se mat der Hand geholl a bei d’Tankstell bruecht a gesot : Allez-y! Allez-y ! Profitez ! », s’est récemment exclamé le député ADR Fred Keup à propos des touristes du tabac. Les ventes aux stations-services battent de nouveaux records, tout comme les accises encaissées par l’État luxembourgeois : Elles dépassent désormais le milliard d’euros. Bonne nouvelle pour ce business florissant : Vendredi dernier, la France a aboli les seuils d’importation de tabac. Le gouvernement Attal y a été forcé par le Conseil d’État qui estimait que la règle française d’une cartouche par voyageur contrevenait au droit européen.

La France veut désormais s’appuyer sur « un faisceau d’indices » pour déterminer si la marchandise est destinée pour les « besoins propres » ou s’il y a une « présomption de commerce ». Parmi les douze éléments pris en compte figurent « la quantité de produits », « le lieu où se trouvent ces produits ou, en cas de transport, leur emplacement dans le véhicule », « la destination du détenteur lorsqu’elle diffère de son lieu de résidence habituelle ». Pour les plus maladroits, il s’agira de « l’existence sur les produits ou leur conditionnement d’un signe désignant, même implicitement, un destinataire autre que le détenteur ». Tout sera donc une question de l’appréciation des douaniers français. bt

Un jour sur LinkedIn

C’est un épisode parmi d’autres sur LinkedIn, mais il est symptomatique d’une certaine radicalisation patronale. Ce mercredi, Jérôme Bloch, PDG de 360Crossmedia, a ouvert la danse : « I arrived in Luxembourg in 1996. It was a different country: You could call a Minister or the Administration des Contributions, talk to someone and get a quick result. » Son précepte : « Discuss, decide, do. Alain Kinsch style » (photo : sb). Le fondateur de l’autoproclamée « most disruptive and effective growth agency in Luxembourg » s’est spécialisé dans la confection de « magazines » pour des associations (hyper-sectorielles) liées à la place financière : celle des family offices (Lafo), du private equity (LPEA), des trésoriers d’entreprise (Atel), des courtiers en assurance (Apcal), des responsables de la conformité (Alco)…

Jean Diederich, président de l’Association des professionnels de la société de l’information, a illico repris le refrain de Bloch, en l’amplifiant : « There is a Luxembourg ‘laissez-aller’, as under Gambia II the objective was the ‘Gutmensch’ of the future with empty pockets and an economic decline to save the planet. »

Le député CSV Laurent Mosar a joint sa voix aux appels des publicistes/lobbyistes : « Des investisseurs se plaignent également de plus en plus de devoir patienter souvent longtemps avant d’obtenir des rendez-vous auprès des décideurs. Je crois qu’il est important que nous redevenions dans les années qui viennent de nouveau ce pays aux ‘chemins courts’ ».

Ces appels à un retour aux pratiques pre-Luxleaks ont pour déclencheur les fonds négociés en bourse (ETF), marché en pleine expansion sur lequel le Luxembourg s’est fait voler la vedette par l’Irlande. L’Alfi mène actuellement campagne pour une exemption fiscale de ces fonds. Dans son accord de coalition, le gouvernement a promis d’analyser « la possibilité de réduire la taxe d’abonnement pour des fonds OPCVM-ETF gérés activement ». bt

Sanction record pour Lombard

Le bancassureur Lombard International a écopé la semaine passée d’une amende de 1,7 million d’euros. Un record de la part du Commissariat aux assurances, historiquement chiche en mesures administratives contre ses ouailles. Lombard a été sanctionné pour des manquements en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). La sanction est consécutive à un contrôle sur place intervenu entre le 24 novembre 2021 et le 16 février 2022. La promesse du régulateur a été tenue. Dans le Land du 19 novembre 2021, le nouveau patron du CAA, Thierry Flamang, annonçait : « Vous allez voir dans les prochaines semaines. Des sanctions vont apparaître sur notre site », y compris pour des défaillances dans les dispositifs LBC/FT. En 2017, Lombard international apparaissait dans une affaire de détournement avec des transferts d’argent sale entre des comptes ouverts au nom de l’établissement dans des banques à Luxembourg ou en Suisse (d’Land, 13.12.2019). Pso

Guggel

Der ehemalige Wirtschaftsminister Etienne Schneider war bekannt für pompöse Projekte, er versprach Rendite durch Asteroidenbergbau und ab 2017 eine Google-Serverfarm. Für Google kümmerte sich der Staat um den Erwerb von 33 Hektar Land in Bissen. Die Felder lagen in der Grünzone, doch die Gemeinde Bissen widmete sie innerhalb von 18 Monaten um. Anschließend wurde vor Gericht über das „Memorandum of Understanding“ gestritten. Attraktiv seien für Google die „kompetititv Energiepräissen“, erläuterte Schneider im Juli 2029 gegenüber RTL. Mit dem Beginn des russischen Angriffskriegs 2022 schnellten die Energiepreise in die Höhe und die Serverfarm schien sich erübrigt zu haben. Vergangene Woche verlautbarte Wirtschaftsminister Lex Delles (DP) im Interview mit RTL-Radio, dass Google weiterhin Interesse zeige und die Regierung „ganz zuversichtlich“ auf die Machbarkeit des Projektes blicke. Der Energiebedarf der Farm könnte bei etwa 12 Prozent des nationalen Stromverbrauchs liegen. Mitte Februar meldete ein BBC-Beitrag, die Firma Digital Reality arbeite an Serverfarmen, die ihre eigene Energie über modulare Nuklearreaktoren herstelle. Wird in Luxemburg künftig vielleicht also Strom aus Kernenergie hergestellt? SM

Bernard Thomas
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