CD Ton cd de moi de Sug[r]cane

My digital dreams

d'Lëtzebuerger Land vom 17.04.2003

L'homme est multiple, un univers musical à lui tout seul. Ce qui s'exprime entre autres par une multitude de noms et de pseudonymes sous lesquels on peut rencontrer Victor Ferreira a.k.a. Cut dans de nombreuses formations et de projets solo. Ainsi, il était bassiste chez Tiger Fernandez et est un des membres fondateurs du label de musique indépendant Own Records avec lesquels il vient de commencer un nouveau groupe, Paso Doble, qui présentera son premier disque ce soir dès 20 heures à la Kulturfabrik. «Je crois qu'en musique, j'ai tout fait, tout essayé,» dit-il à trente ans, et se souvient de ses premières tentatives de hip-hop vers quinze, seize ans. 

En 1998, il lança un projet de groupe, Sug[r]cane, une formation très trip-hop à l'époque, c'était dans l'air du temps à ce moment-là. Ils ont connu un certain succès assez rapidement, assurant les premières parties de Hooverphonic ou Smoke City. Mais après deux mois, le groupe s'est déjà séparé, Cut découvrit la musique électronique, et depuis lors, Sug[r]cane, c'est lui. Tout seul avec son ordinateur. 

Sous ce nom, il vient de sortir son cinquième disque, intitulé Ton cd de moi, complètement différent de ce qu'il a pu faire jusqu'ici. Si ses précédents albums furent extrêmement entêtants mais mélodieux, assez «classiques», Ton cd de moi est tout à fait à l'opposé, extrêmement éclectique, éclaté, complètement digital. Faites de samples montés en boucle, de sons digitaux qui s'y incrustent, qui sonnent tantôt comme s'ils étaient montés à l'envers, tantôt comme s'ils venaient d'une autre galaxie, puis de beats «sales», les neuf chansons de ce disque sont extrêmement intrigantes. Comme par exemple Hard times to focus, qui commence avec quelques sons de synthé, auxquels viennent s'ajouter des beats électroniques, de plus en plus, jusqu'à atteindre une atmosphère extrêmement dense. Dans la présentation on-line, il l'appelle lui-même «a low-fi opium machine».

Cut produit une musique très érudite, enrichie de toutes sortes d'influences musicales. Et pour cause: il travaille dans un magasin de disques dans lequel il consomme tout ce qui passe. Sa musique, il la compose tout seul sur son laptop, durant les pauses de midi majoritairement, dans un bar très triste de l'espace commercial dans lequel se situe le magasin. «Normalement, je travaille à base d'un sample que je manipule alors sur mon ordinateur, puis j'écoute le résultat dans ma voiture, et c'est là que je sens pour quel projet je vais l'utiliser,» raconte-t-il. Car Victor participe à d'autres formations et projets encore: stereOneric avec Emre Sevindik, nequi:bo, un tout nouveau groupe, et My Digital Valentine, projet solo ainsi nommé en hommage à une de ses inspirations majeures, My Bloody Valentine bien sûr. 

Plus ça va, et plus Cut s'éloigne de l'organique pour rejoindre un monde musical entièrement «synthétique», digital, et ouvre par là de nouvelles perspectives, de nouveaux univers sonores. Sans textes, ses chansons sont comme une quête du moi dans un cyberspace illimité. Et comme si toutes ces formations plus la gestion de Own Records ne suffisaient pas, Cut a participé au lancement d'un deuxième label, «alternatif à l'alternatif» pour ainsi dire: Soundz from Nowhere est un label de CD-R, non-commercial - les disques sont vendus 2 euros! - qui se veut une alternative au marché du disque, une possibilité de faire un disque avec zéro budget. Onze titres sont déjà en vente on-line, dont une compilation et des collaborations avec les collègues d'evenement0.

Sug[r]cane: Ton cd de moi, est paru chez Own Records (n°25) et est en vente 10 euros chez les disquaires ou par correspondance sur leur site web: www.ownrecords.com; voir aussi: www.soundzfromnowhere.tk et www.matamore.net

josée hansen
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