Sur proposition de la Commission, le méthane a été approuvé le 6 juillet par le Parlement européen, en même temps que l’énergie nucléaire, comme étant éligible comme investissement contribuant à la neutralité climatique visée par l’Union d’ici trente ans. Une récente étude sur ce qui cause la brusque augmentation de la concentration dans l’atmosphère de ce gaz au puissant effet de serre ajoute un nouvel éclairage inquiétant à cette funeste décision.
Simon Redfern, un scientifique de l’université technique de Nanyang, à Singapour, a cherché à comprendre les causes de cette hausse. En particulier, il voulait comprendre pourquoi la concentration en méthane, déjà près de trois fois plus importante qu’à l’ère préindustrielle, s’est fortement accrue au cours des deux dernières années, c’est-à-dire pendant la période de la pandémie, dont on assumait qu’elle devait correspondre à une baisse des sources anthropogéniques.
Le méthane se décompose plus rapidement dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, mais durant ses vingt premières années de présence, il y a un effet de serre environ 80 fois plus élevé que ce dernier : une véritable bombe. Les scientifiques estiment que quarante pour cent des émissions de CH4 proviennent de sources naturelles telles que les zones humides et soixante pour cent de sources anthropogéniques telles que l’extraction de produits fossiles, l’élevage et les décharges. L’augmentation des émissions de méthane peut être expliquée par une intensification de ces activités humaines, ainsi que par une croissance des émissions des zones humides tropicales et par la fonte des toundras arctiques.
Mais comment expliquer la concentration galopante de ces deux dernières années ? Redfern soupçonnait que la principale réaction chimique par laquelle le méthane est résorbé est ralentie par la présence accrue dans l’atmosphère de monoxyde de carbone, résultat notamment des incendies de forêts, qui lie les mêmes radicaux responsables de cette résorption, les hydroxyles (OH). Lui et son collègue Chin-Hsien Cheng ont compulsé quatre décennies de mesures de méthane et de données climatiques. Leur étude, publiée par Nature Communications, suggère qu’en plus d’une hausse des émissions de CH4, la multiplication des incendies a effectivement réduit la disponibilité de radicaux hydroxyles et a donc eu pour conséquence une longévité plus importante du méthane dans l’atmosphère. Une fois de plus, le réchauffement s’avère être une redoutable arme à double tranchant. « Cela a vraiment été un résultat choquant, qui montre que les effets du changement climatique peuvent être encore plus extrêmes et dangereux que nous ne le pensions », a-t-il dit au Guardian.
En plus de réduire les émissions de CO2, il va falloir agir sur le méthane : mieux contrôler les installations d’extraction de gaz, sources de fuites, les brûlis et les décharges, et tout faire pour empêcher les incendies de forêts. Aberrante, la décision de promouvoir le méthane comme source d’énergie dans le cadre de la taxonomie l’était déjà. Avec la découverte de cet effet d’emballement, elle l’est encore plus. Les institutions européennes feraient bien de se réveiller.