Qu’il me soit permis d’utiliser ce titre quelque peu accrocheur de par sa référence au fameux groupe de blues rock « Ten Years After » mondialement connu dans les années 70, pour illustrer l’historique des mesures et initiatives prises au Grand-Duché durant 70 années afin d’endiguer le fléau national et international des accidents de la route. Sur ces 70 ans, j’aurais en 2025, eu l’honneur d’être impliqué de manière semi-professionnelle durant 45 ans en ce combat parfois ingrat mais souvent couronné de succès.
Pourquoi 70 ans ? Mais parce que ce n’est qu’en 1955 que le Luxembourg s’est doté d’une législation1 édictant les règles à respecter sur la route, le fameux « Code de la Route », qui malgré son énoncé ambitieux, n’était et n’est toujours qu’une simple loi par ailleurs toujours en vigueur mais assortie entretemps, moyennant des règlements grand-ducaux, d’une myriade de mises à jour et ajouts qui en font pour les juristes, mais également pour ses praticiens sur le terrain, les policiers, un texte quasi-hermétique de sorte que la Police s’est employée à en dresser un « vade-mecum » plus digeste et dont La Sécurité Routière édite d’année en année une version « populaire » trilingue constamment tenue à jour, à destination surtout des candidats au permis de conduire.
Notons cependant que même avant cette date, la capacité légale de conduire un véhicule terrestre automoteur n’était pas donnée à tout un chacun. Il fallait pour ce faire, passer une démonstration d’aptitude intitulée « permis de conduire » dont le premier fut délivré le 25 janvier 1907 à un dénommé Joseph Glesener, né en 1863 à Niederwiltz.
À cette époque et malgré la promulgation du code de la route en 1955, il n’existait que peu de textes coercitifs qui régissaient le comportement sur les routes du Grand-Duché et ce jusqu’en 1961 où avec la croissance du parc automobile, fut introduit la limite de vitesse de 60 km/h en agglomération. Mais on savoure alors surtout les bienfaits qu’offre la société de consommation moderne et les prouesses techniques que l’industrie automobile met à disposition d’une population au pouvoir d’achat croissant. Le culte de l’automobile est né et le nombre des accidents de la route s’en ressent avec en 1970 un pic catastrophique de 132 morts !
Cette hécatombe largement médiatisée amena la politique à la prise de plusieurs mesures assorties de peines pénales telles que la limite du taux d’alcoolémie autorisée au volant de 0,8 pour cent, l’introduction du stage pour conducteurs novices, l’obligation du casque pour motocyclistes, les 90 km/h sur les routes nationales et les ceintures de sécurité obligatoires sur les sièges avant des véhicules. Ce fut cette dernière mesure introduite par le Ministre Marcel Mart qui déclencha une vague de protestations allant jusqu’à la menace de mort de Mart.
Durant les années qui suivirent, sous l’influence du credo de l’époque, la « Freie Fahrt für freie Bürger » du tout puissant lobby de l’époque l’ADAC allemand, aucune nouvelle mesure législative ne fut prise. Néanmoins, la sinistralité recula sous l’impulsion d’une décennie de mesures de prévention et de campagnes de sensibilisation, notamment de la part de l’asbl La Sécurité Routière créée en 1960. Rappelons à titre d’exemples les « De Patt an Éieren, ma looss dech féieren ! », le « Kee Promill am Automobil » ou le fameux « Sief keen Déier am Verkéier ». Puis début des années 1990 furent introduits l’obligation des sièges pour enfants, la ceinture obligatoire également sur les sièges arrière mais également et surtout les contrôles systématiques de l’alcoolémie au volant, contrôles ordonnés par le Parquet et rendus possibles sans « signes manifestes d’ivresse ».
Depuis lors il était devenu politiquement plus impopulaire de ne rien faire que d’agir par des mesures même répressives. En 2007, la limite d’alcoolémie au volant tolérée passait de 0,8 pour cent à 0,5 pour cent et finalement en 2015 la loi sur les contrôles automatisés de vitesse fût votée à l’unanimité par le Parlement. Aujourd’hui la ministre en charge, Madame Yuriko Backes, nous a soumis son plan d’action pour les années à venir sous sa responsabilité. Il ne m’appartient pas de le détailler puisqu’à l’heure de la rédaction du présent article la primauté du contenu reste réservée au Parlement pour après être médiatisé par le ministère. N’empêche qu’après la présentation du projet, je me suis autorisé à le qualifier « d’intelligent et d’exigeant ».
Qu’il me soit cependant permis d’assortir cet historique d’une vision sur l’avenir en m’inspirant de la fameuse « Vision Zéro » édictée par la Commission Européenne et que tout un chacun met maintenant en vitrine, sans cependant en connaître la teneur exacte2. La « Vision Zéro » veut que les pouvoirs publics ou autres intervenants en matière de sécurité routière fassent tout, mais vraiment tout, quel qu’en soit le coût, afin de réduire le nombre des morts et des blessés graves au point zéro sur les routes européennes. Nombreux sont ceux qui l’utilisent, rares ceux qui l’appliquent !
Marco te Brömmelstroet, professeur d’Urban Mobility Futures à l’Université d’Amsterdam, récemment conférencier au Luxembourg, fait même remarquer dans son livre Gesellschaft in Bewegung que toute autre activité humaine qui causerait autant de misère humaine que le trafic automobile serait prohibée depuis longtemps ! Dans sa logique il s’oppose même à ce que le casque pour cyclistes devienne obligatoire, tout en connaissant parfaitement les dangers inhérents à la pratique du cyclisme, mais déclamant que la responsabilité de l’usager faible de la route ne devrait plus jamais être actionnée.
Il est dans son idéologie qu’il qualifie lui-même de « Imagine », en s’inspirant de la célèbre chanson de John Lennon, bien plus avancée que le législateur français qui sous l’impulsion de la loi Badinter supprime également la quasi-intégralité de la responsabilité des usagers faibles (piétons, cyclistes, jeunes, personnes âgées, occupants du véhicule).
La Sécurité Routière elle, par contre, réclame dans son cahier de revendication l’obligation du casque puisque La Sécurité Routière ne peut s’offrir le « Imagine » mais plutôt la Realpolitik associée cependant à la « Vision Zéro » à l’horizon 2030 (à consulter sous dossiers de presse du Conseil de l’Union européenne du 16 décembre 2024). Dans ce contexte et connaissant les chiffres des dernières années impliquant des piétons et cyclistes, il appartient à La Sécurité Routière également de revendiquer la limitation de 30 km/h à l’intérieur des agglomérations, c’est-à-dire en tous les endroits où les trois catégories d’usagers de la route se rencontrent, les automobilistes, les cyclistes et les piétons. En ces endroits la limite des 50 km/h actuels devrait être remplacée par 30 km/h à l’instar d’autres agglomérations à l’étranger, telles que Paris, Bruxelles et toutes les villes espagnoles.
« Vision Zéro » oblige !