Contexte Le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est entré en vigueur dimanche. Les otages israéliens qui ont survécu à la détention depuis le 7 octobre 2023 commencent à être libérés. L’accord en trois étapes prévoit le retour de tous, à terme. Le quotidien israélien Haaretz prédit cependant que le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, torpillera l’accord à la fin des six semaines de la mise en œuvre de sa première phase. 33 des 94 otages qui sont encore officiellement retenus dans la bande de Gaza auront alors normalement été progressivement rendus à leurs familles. Des ministres israéliens annoncent en effet déjà que la deuxième phase censée installer la paix dans l’étroite bande de terre le long de la Méditerranée ne sera pas mise en œuvre. Le 5 février devraient s’ouvrir les négociations sur ses termes. Elles porteraient notamment sur l’administration de la bande de Gaza pour sa reconstruction. Israël exclut que le Hamas y soit associé.
Or, depuis dimanche, l’organisation islamiste démontre qu’elle est encore puissante à Gaza. La semaine passée, le secrétaire d’État américain sortant, Antony Blinken, a fait savoir que le Hamas a enrôlé autant d’hommes qu’elle en a perdus pendant le conflit, des recrues trouvées parmi les orphelins assoiffés de vengeance. Le gouvernement Netanyahu sacrifierait donc une partie des otages (les services de renseignements israéliens estiment qu’une trentaine sont décédés) encore détenus par le Hamas et se dirigerait vers une guerre de colonisation définitive de la bande de Gaza pour satisfaire les vœux des partenaires de coalition extrémistes. Il trahirait ainsi le président américain, Donald Trump 2, qui a poussé Netanyahu à signer ce texte qu’il avait déjà rejeté en juillet. L’attitude du nouveau locataire à la Maison Blanche déterminera l’avenir de cette paix précaire. À moins que l’Union européenne ne joue enfin un rôle ?
Ici Dans un entretien accordé en fin de semaine dernière à Virgule, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Xavier Bettel assure que ce qu’il « faut aujourd’hui, c’est arriver le plus vite possible à une situation à deux États. Pour que la paix palestinienne soit la sécurité israélienne. » À l’inverse de l’Espagne, de la Slovénie, de la Norvège ou de l’Irlande, le Luxembourg n’a pas reconnu l’État palestinien au cours des quinze derniers mois de pilonnage de Gaza, réponse du gouvernement Netanyahu à l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, ayant causé la mort de 1 200 Israéliens, principalement des civils. Ces représailles et les morts qu’elles ont engendrés, plus de 40 000 dont une grande majorité de femmes et d’enfants, ont replacé au cœur des débats politiques internationaux le sort réservé aux Palestiniens à Gaza, mais aussi en Cisjordanie. Un sort qui n’est autre que leur disparition progressive de ce territoire qui leur était pourtant voué après le plan de partage des Nations-unies en 1948. Ce jeudi encore, le Comité pour une paix juste au Proche-Orient (CPJPO) alerte les autorités luxembourgeoises sur l’opération menée par l’armée israélienne à Jénine en Cisjordanie. « La situation est désespérée pour les 3 000 familles du camp (soit 15 000 habitants), pour les responsables, et pour l’association Not to Forget que nous soutenons depuis bientôt vingt ans », écrivent les administrateurs de l’ONG aux hauts fonctionnaires du MAE en charge (le ministre n’apparaît pas parmi les destinataires du courrier).
Des initiatives émergent à la Chambre pour briser le sort réservé à la population palestinienne. Une pétition demandant des sanctions contre Israël est sortie la semaine passée des limbes de la commission des pétitions où elle stagnait depuis juillet dernier. « La pétition n’a pas été bloquée, mais la commission a demandé à l’auteure de reformuler le texte à cause de citations fausses et d’allégations non prouvées », répond sa présidente Francine Closener au Land. Selon l’auteure Dalia Khader, l’expression « crimes de guerre » a été rejetée car aucune Cour internationale n’avait condamné de telles accusations. Or, une pétition demandant à sanctionner la Russie pour des allégations similaires a été validée par la Commission.
S’en sont suivis des problèmes de traductions. Puis l’auteure a mis du temps à répondre à un courrier de la Chambre. La pétition demande que le Luxembourg prononce des sanctions contre Israël pour sa politique à l’égard des Palestiniens. Selon le texte soumis par Dalia Khader (qui s’était exprimée à la Chambre en juin dernier pour la reconnaissance de la Palestine), de telles sanctions contraindraient Israël à se conformer au droit international (et donc à restituer les colonies) pour installer une paix durable dans la région.
La pétition mise en ligne en même temps qu’était signé le cessez-le-feu ne recueillait ce jeudi, après une semaine, que quarante pour cent des voix nécessaires à un débat public à la Chambre. Une progression honorable mais loin du succès-éclair rencontré par la pétition qui, l’an passé, avait demandé au Luxembourg de reconnaître la Palestine (d’Land, 23.2.2024). Au début du mois de janvier, les députés socialistes, Franz Fayot et Yves Cruchten, ont d’ailleurs interrogé le gouvernement sur ce qu’il fallait dorénavant attendre de la « solution à la luxembourgeoise » sortie du chapeau par Xavier Bettel pour retarder la reconnaissance de la Palestine promise à un « moment jugé opportun » déjà depuis plus de dix ans. La réponse de Xavier Bettel est pendante.
En attendant, les demandes de sanctions économiques émanant de la société civile rencontrent des premiers succès. Des appels au boycott de produits israéliens sur les réseaux sociaux avaient ému la députée Nathalie Morgenthaler. L’élue CSV avait fait dire à sa camarade ministre de la Justice, Elisabeth Margue, que de telles incitations à la discrimination étaient passibles de peines de prison (d’Land, 3.1.25). Étaient notamment citées parmi les produits israéliens disponibles au Luxembourg des dattes distribuées par le grossiste en fruits et légumes, Grosbusch.
Le dirigeant de l’entreprise familiale, Goy Grosbusch, a entretemps accepté de rencontrer la militante de la cause palestinienne, Fatima Kurtic. Cette dernière, qui se voit plutôt « comme quelqu’un qui se bat contre l’injustice qu’elle constate », remercie le grossiste de bon cœur sur Instagram. L’entrepreneur a entendu les doléances et a accepté d’être mis en contact avec un exportateur de dattes Medjool en Cisjordanie. Après cela, Goy Grosbusch a changé de fournisseur pour ce fruit importé en des volumes « conséquents » (l’entreprise tait la quantité pour ne pas informer la concurrence). La datte Medjool est l’un des best sellers de Grosbusch. Pas seulement auprès des communautés originaires du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient. « On utilise de plus en plus la datte dans les recettes sur Instagram », relate Goy Grosbusch face au Land. Le jeune dirigeant explique son changement de fournisseur pour des raisons « éthiques et morales », sans toutefois vouloir prendre parti politiquement. « On avait aussi eu des soucis de qualité avec les dattes israéliennes. On retrouvait parfois des petits vers dedans », justifie Goy Grosbusch. En 2015, Cactus avait écouté le CPJPO au sujet du risque que la chaîne commercialise des fruits étiquetés made in Israël alors qu’ils pourraient être cultivés et récoltés dans les colonies, sur le territoire palestinien. Cactus avait appliqué le principe de précaution et retiré ses produits israéliens des rayons. Puis la polémique avait atteint la Chambre (via le député ADR, Fernand Kartheiser) et le champion national de la grande distribution a retourné sa veste. La datte sera-t-elle fruit de la concorde ou de la discorde ?