Gabriel Boisanté

Hobby : taxidermiste. Ou plutôt beau parleur

d'Lëtzebuerger Land vom 20.04.2012

Connaît-on des show men locaux ? Des présentateurs de météo, oui. Des animateurs de jeunesse, quelques modérateurs de conférence peut-être. Les entertainers, c’est plutôt de l’autre côté de l’Atlantique qu’on irait les chercher ; si ce n’est pas en privé qu’on en a l’un ou l’autre en tête. Gabriel Boisanté, 34 ans, teint hâlé et coupe qui passe pour fortuite, était un de ceux-là jusqu’à il y a peu. Un tchatcheur qui emmerdait légèrement ses potes en lançant une vanne après l’autre, ne leur permettant pas d’en placer une. C’est toujours un peu comme ça ; avec Gabriel, il faut être rapide pour y mettre du sien. Après des minutes à ironiser sur ses vacances dont il vient de rentrer, comme pour illustrer sa force rhétorique, il lance avec sa gestuelle entraînante : « En réalité, j’étais un grand timide. J’ai passé mon enfance la tête dans les genoux, avant de commencer à développer des stratégies de répartie. C’est comme un muscle en fait, plus on s’entraîne, mieux on est ! » Les échos de la soirée de gala du Lëtzebuerger Filmpräis que Gabriel a modérée il y a quelques semaines sont unanimes : le garçon a le bagout. Et une saine imagination, qu’il gave de conversations avec quiconque : « Je me nourris beaucoup de l’autre. Toutes les gens m’intéressent ».

Celui qui se définit comme un employé administratif qui a « diversifié ses sources de revenus et de plaisir professionnel (un conseil de réussite personnelle qu’un bon prof m’a donné) » possède plus d’une corde à son arc. Comptable la journée, entertainer à ses heures perdues, il est aussi comédien, ayant joué dans une demi-douzaine de films, comme Nuit Blanche, Plan de table ou La vie d’une autre de Sylvie Testud. « J’ai eu quelques rôles chouettes. Ceci dit, je ne me fais pas d’illusions, dans les castings luxembourgeois c’est aussi le code postal qui compte. Je ne sais pas si, résidant à Metz, j’aurais les mêmes rôles»». C’est lui qui le dit.

Gabriel Boisanté est également restaurateur, fier propriétaire, avec quelques amis, du Mama Loves you route de Hollerich. « La restauration est un de mes premiers métiers ! J’y ai travaillé dès que je suis arrivé à Paris ». Après une jeunesse au grand-duché, il fait ses études dans la capitale française (deux ans de médecine, quoique « la première année, c’était plutôt des études de barman avec spécialisation dans le mojito »), où il obtient finalement un master en management. Retour à la case départ luxembourgeoise, dans des emplois variés : assurances, prestation de service, architecture d’intérieur : « Je peux tout faire tant que ça me correspond éthiquement, je m’intéresse à tout, même si rien ne me passionne pendant longtemps ». Puis arrive un moment où il devient clair : « Je veux faire ce dont j’ai toujours eu envie » tout en gardant son emploi régulier, car « je suis trop... peureux n’est pas le mot.... » en appuyant les deux bras sur la table, il se gratte le menton, « …trop calculateur pour abandonner la sécurité d’un emploi stable, étant père de famille ».

Gabriel est à l’origine de coups ingénieux, comme celui de faire commentateur de matchs de la Coupe du monde de football en 2010, à l’Exit07. « Voir que je peux dire des conneries pendant 90 minutes et encore faire rire a dû en inspirer quelques-uns ». Depuis le Filmpräis, il reçoit des propositions toutes les semaines, pour le cinéma, la pub, des co-écritures. D’ailleurs, il a l’impression qu’enfin « la scène de l’humour se développe au Luxembourg », avec un nombre croissant de spectacles. « Pour faire rire les gens, il faut comme arracher une part de soi-même, ça demande ». Lui, c’est plutôt l’univers humoristique anglo-saxon qui l’inspire, pour son rapport décomplexé envers l’usage de la grossièreté ou pour ses jeux linguistiques, dans la lignée de l’humoriste stand-up américain George Carlin par exemple. Si la mayonnaise prend, une tentative de conquérir des scènes plus grandes sera-t-elle envisageable ? Avec l’esquisse d’un sourire : « Je n’y pense pas. Mais si ça devait continuer, je sais qu’il y aura un moment où je devrai le faire. Au Luxembourg, on arrive vite ; en même temps c’est comme si on ne voulait pas de star locale… ». On se satisfait peut-être trop tôt de ce qu’on a ? Il y aurait en tout cas, un « problème de faim. Il manque quelques locomotives. Et je trouve que les gens ne sont pas assez aguerris à la critique ».

Avoir du style, pour Gabriel Boisanté, c’est « avoir une personnalité et l’assumer. Peu importe ce qu’on fait, qu’on soit le barman qui excelle dans son métier jusqu’à savoir à vue d’œil ce que boira le nouveau client ou autre... Puis le style, c’est aussi les baskets ». Dans son cas, noires et en tissu.

Béatrice Dissi
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