CD Lungwork d'Everywaiting Serenade

Recettes de grand-mère

d'Lëtzebuerger Land du 30.04.2009

Label luxembourgeois fondé en 2008, Granny Records fait doublement parler de lui en ce début de printemps. En effet, les sorties à intervalles serrés du Lungwork d’Everwaiting Serenade et de The one with the strongest heart, a conscience of innocence and no hesitation of dying will leave this battlefield alive de Lincoln Hawk font plus qu’indiquer les affinités ou plutôt les velléités affichées par cette structure. Des guitares acérées et de l’énergie à revendre.

Tout le monde aura noté l’accointance du patronyme d’Everwaiting Serenade avec leurs pairs d’Eternal Tango. Mais où les deuxièmes, après des débuts emocore, flirtent de plus en plus avec la pop mainstream à la manière de Fall Out Boy, les premiers évoluent dans un registre autrement plus puissant, un metalcore à placer entre Pantera, The Dillinger Escape Plan et Misery Signals. Depuis 2006, Everwaiting Serenade a vite gravi les échelons de la scène métal locale et revendique, de juste droit, maintenant un rang de formation dominante. 

Mais si le chant rauque et guttural de Julien Primout est caractéristique d’un genre musical oppressant et rageur, il émane, néanmoins, de ses hurlements une mélancolie au bord du désespoir, qui rappelle par moments (avec, entre autres, Motion unleashed) les excellents nippons d’Envy et leur postcore dépressif. Parmi les autres éléments qui démarquent cette formation du troupeau metalcore, on remarquera sur cette deuxième plaque la propension de nuancer ses compos avec, notamment un duo de guitares complémentaires : l’une tout en staccatos, tandis que la deuxième offre des ouvertures vers un rock plus alternatif (l’outro de Motion unleashed, qui invite les voix de Mutiny on the Bounty) voire carrément postrock (comme sur Miles ahead the pioneers, sur l’intro de The driving rephlex), avec un jeu tantôt aérien, tantôt épique. 

Ainsi, la plupart des compositions bénéficient d’inserts reflétant un groupe qui aime sortir des chemins balisés, tout en gardant un fil rouge. Il faut dire que le martèlement caractéristique de double bass assurée par la batterie remplit parfaitement son rôle. Travailleur sans être besogneux, Everwaiting Serenade arrive à ses fins avec une œuvre ambitieuse qui montre une formation ouverte et avide, une bénédiction dans un genre où le cloisonnement intra-muros est monnaie courante.

En ce qui concerne Lincoln Hawk, ce deuxième signe de vie montre un power trio au jeu compact et sans fioritures. Un brin fétichiste, comme le souligne leur étrange fascination pour les icônes cinématographiques reaganiennes que furent Sylvester Stallone (le groupe tire son patronyme du personnage qu’interprète Sly dans le grandiose Over the top) et Chuck Norris (samplé ici et inoubliable Braddock dans la serie des Missing in Action), le trio propose une musique sombre aux riffs lourds et denses aux confins du stoner rock, mais surtout du grunge première mouture avant que les chemises à carreaux type bûcheron ne deviennent le degré ultime de la coolitude, plein de fiel et de bile comme le maîtrisaient si bien Tad, Soundgarden, forcément Nirvana période Bleach, mais aussi le jusqu’au-boutisme désespéré de God Machine. Les vocaux sont rocailleux à souhait, rappelant le sulfureux Al Jourgensen de Ministry et respirent la morve nihiliste, cependant il est dommage que le bassiste, aussi chanteur dans Falc{er}o et l’un des organes les plus expressifs de ce petit pays, ne vienne contraster un peu les débats. 

… Battlefield Alive de Lincoln Hawk dévoile un groupe efficace qui ne se prend pas vraiment au sérieux (cf. les samples de Schlager allemands en bonus), mais qui, ce faisant, laisse aussi apparaître un sens de la composition répétitif et un peu dissipé.

En conclusion, avec ces deux solides livraisons, peu avares de décibels, Granny Records devient une affaire à suivre.

www.myspace.com/granny­records, www.myspace.com/everwaitingserenade, www.myspace.com/lincolnlovesyourmum

David André
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