CDIndication de Squares on Both Sides

Rondeurs bienvenues

d'Lëtzebuerger Land du 19.03.2009

Avec Squares on Both Sides, pseudonyme de Daniel Buerkner, jeune homme oscillant entre Berlin et Mu­nich, l’écurie eschoise Own Records accueille enfin à nouveau en son sein un Européen ! Après les âpres débuts en tant que microlabel, où les projets musicaux des responsables du label et de groupes locaux apparentés trouvaient refuge, la structure s’est tournée, ces cinq dernières années, vers l’autre côté de l’Atlantique où son nez fin et éclairé nous a dégotté de multiples sources de plaisirs auditifs. Or, comme la qualité ne connaît pas de frontières et que les dogmes, fussent-ils apparents, sont là pour être brisés, cette exclusivité Nord-américaine prend fin !

Mais musicalement, on reste tout de même sur les terrains de chasse de prédilection de la structure grand-ducale, où règnent apesanteur et introspection. Dans le cas de Squares on Both Sides (SOBS), pour qui Indication constitue le troisième album, ces deux critères se développent sous la férule d’un folk intimiste tout en retenue auquel viennent s’ajouter des greffons aussi discrets que réussis d’electronica ou de field recordings (comme sur The lines we seize). 

Évoluant dans un registre où les notes comme le temps semblent se dilater et rester comme suspendus dans les airs, comme ces étirements de l’espace-temps que l’on doit à Mark Hollis et son Talk Talk dernière période ou encore le Gastr Del Sol d’avant Camofleur, SOBS y imprime également une mélancolie insidieuse mais jamais envahissante ou résignée. De subtiles touches de mélodica estival ou de glockenspiel, une basse timorée, une rythmique rachitique complètent discrètement la trame guitare-voix de départ.

Son timbre brisé possède une chaleur stoïque réminiscente de Mark Kozelek des Red House Painters, mais le phrasé, entre chant à la voix blanche et susurrements, lorgne vers Robert Wyatt. Si les premiers morceaux naviguent dans un esprit folk épuré, il y a des cassures comme sur Presence, après une entrée en matière simple classique sa voix et sa guitare se voient rejoindre par un piano en mode mineur, le morceau est volontairement scindé par une boucle où se développe une mécanique dansante et répétitive lorgnant vers un certain postrock.

Sans être vraiment guilleret, ce qui pourrait être austère et pesant au premier abord, prend chez SOBS une dimension primesautière, un peu comme si l’on regardait en accéléré l’éclosion printanière de fleurs répondant aux premiers rayons de soleil qui marquent la fin de la période hivernale. Tout l’album instille, d’ailleurs, cette es­pèce de sortie de léthargie paradoxalement vivifiante, symbolisant renouveau saisonnier que l’on retrouve dans tout un pan du règne animal et végétal. 

Sans artifice et sans autre prétention que de nourrir l’exigence musicale et la sensibilité de Daniel Buerkner, Indication offre un moment de quiétude et d’humilité dans un monde affolé qui, tête baissée, ne prend plus vraiment le temps de s’arrêter, de contempler le temps qui passe, ne fut-ce que quelques secondes.

 

David André
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