Luxemburgensia

Le terrain glissant de la diplomatie

d'Lëtzebuerger Land du 14.02.2020

La biographie de Paul Schmit raconte l’histoire détaillée d’un homme luxembourgeois important du XXe siècle : Hugues Le Gallais. Né à Dommeldange en 1894, actif d’abord au Japon et en Inde comme représentant du Columeta (Comptoir Métallique luxembourgeois) de l’Arbed, puis comme diplomate aux États-Unis, Hugues Le Gallais agit aux côtés de la famille Grand-Ducale en exil et se manifeste comme acteur représentatif et politique important. De sa biographie racontée dans cet œuvre découle un portrait des bouleversements historiques du XXe siècle et des répercussions de la Deuxième Guerre mondiale sur le Grand-Duché. C’est la biographie d’une vie turbulente, témoignant d’une grande habileté sur des terrains et sujets sans précédent.

En 1940, Le Gallais est désigné chargé d’affaires aux États-Unis – et devient ainsi le premier envoyé diplomate luxembourgeois à Washington, se faisant représentant des nombreux Luxembourgeois ayant émigré aux États-Unis à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. L’ambassade luxembourgeoise, à travers les interventions de son épouse italienne Pisana Velutti, se fait une renommée favorable dans la presse et parmi les représentants internationaux. Avec le début de la Deuxième Guerre mondiale, la présence d’un représentant permanent aux États-Unis se montre aussi un facteur décisif sur le plan politique : le gouvernement en exil de 1940 à 1945 et la défense des intérêts du Grand-Duché trouvent écoute. La famille grand-ducale résidant auprès des Le Gallais durant leur exil aux États-Unis, Hugues Le Gallais participe aux discussions sur les démarches à prendre. Il s’avère un soutien important de la famille grand-ducale, condamnant et luttant contre le régime nazi et son invasion du Grand-Duché. Il soutient ses convictions et critiques à voix haute, même si ceci est estimé par quelques-uns de ses contemporains comme manque de respect envers ses « maîtres ». (Plus tard, en 1955, participant aux festivités de l’inauguration comme président de la République Batista à Cuba, il se montrera moins critique.)

Des personnalités luxembourgeoises importantes en relation avec la famille et le couple Le Gallais ainsi qu’avec leur fonction publique sont introduites aux lecteurs et lectrices. Même les lieux, les différentes adresses familiales ou officielles sont rendues tangibles par les descriptions détaillées. Ainsi se crée un portrait du milieu social des Le Gallais. Cette précision peut submerger un public non spécialisé, car elle privilégie parfois la méthodologie d’un historien sur une réécriture chronologique ou littéraire. Occasionnellement, l’explicité de la provenance et des détails des sources consultées domine. Des détails qui, par la suite, ne se révèlent qu’accessoires dans la biographie de Le Gallais même et qu’on aurait pu négliger afin de faciliter l’accessibilité de cette biographie intéressante.

La narration est régulièrement interrompue par des références à des passages à suivre, ce qui peut rendre la lecture fragmentaire et embrouille la compréhension du portrait général, comme les lecteurs découvrent cette vie avec ce livre, de page en page. Suite à cette procédure, les différents sujets sont strictement séparés, que ce soit la fascination pour l’art asiatique ou le portrait d’un personnage ayant accompagné les Le Gallais durant toute leur vie (ce que l’on aurait pu inclure dans une narration chronologique et permettant au politique et privé de se mêler). Cependant, la vie de Hugues le Gallais est intéressante à suivre dans ce livre, qui témoigne d’une grande précision méthodologique et d’une profonde connaissance du sujet.

Paul Schmit : Un diplomate luxembourgeois hors pair. L’ambassadeur Hugues Le Gallais dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale ; Éditions Saint-Paul, Luxembourg 2018 ; 464 pages 25 euros.

Claire Schmartz
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