Dans exactement trois jours Donald Trump fêtera sa seconde investiture comme président des États-Unis d’Amérique. Rassurez-vous, il n’y aura pas de troisième, car le nouveau roi Ubu a d’ores et déjà claironné que les Américaines et Américains pourront désormais se passer de la corvée électorale. Et il ne faut pas oublier que Trump est, avec Netanyahou, un des rares politiciens à tenir ses promesses !!! Qu’il est loin le temps des Chirac et Juncker qui admettaient qu’en politique, mentir est parfois le moindre mal!
Pour vous mettre dans la peau de ces veaux qui choisissent avec gourmandise leur propre boucher, je ne saurai trop vous conseiller de lire et relire The Plot Against America. Dans cette glaçante uchronie, le regretté Philip Roth décrit la lente dérive de l’Amérique vers un totalitarisme antisémite qui n’a rien à envier à celui de l’alors contemporaine Allemagne nazie. Le républicain Lindbergh gagne les élections contre le démocrate Roosevelt, sympathise avec Hitler et réforme les États-Unis comme Trump veut réformer et même re-former aujourd’hui le monde.
Quand le président élu a annoncé ses visées sur le Groenland, le Canada et le Panama, j’ai commencé par sourire, et j’ai fini par frémir. Car enfin, qui aura les moyens de s’opposer, sinon moralement et verbalement, aux desseins du futur dictateur ? Les Groenlandais qui n’aiment guère, et pour cause, les Danois, vont applaudir à l’Anschluss, comme le faisaient naguère les Autrichiens. Et les soldats, retirés bien à propos de l’Europe, seront disponibles pour envahir le Canada et, accessoirement, le Panama. En bon totalitaire, Trump sait le poids des mots et réformera, insidieusement, la langue, en commençant à rebaptiser le Golfe du Mexique en Golfe d’Amérique, cette Amérique qui est déjà truffé des golfs de Trump. La LUS, la langue des États-Unis, singera la LTI, la langue du Troisième Reich, si bien décrite par le linguiste Victor Klemperer. Les amis de Trump, au pouvoir ou à ses portes, en France et en Autriche, en Italie et en Hongrie, sans parler de l’Allemagne et de bien d’autres en Europe, applaudiront des deux mains et mettront une croix gammée sur les acquis de la démocratie. Après tout, l’ordre mondial qu’une seule génération tenait pour immuable, n’accuse guère plus de 70 ans.
Gageons que Poutine se sentira libre de phagocyter l’Ukraine, et, l’appétit venant en croquant, ne s’arrêtera pas en si mauvais chemin. Les Chinois seront autorisés à ramener Taiwan heim ins Reich. L’Europe qui compte plus de divisions politiques que militaires assistera impuissant au nouveau partage du monde. À la guerre froide de deux superpuissances succédera l’entente chaude de trois hyperpuissants. Et si le rideau de fer, autrefois, séparait aussi les idéologies, l’ode au capitalisme débridé sera entonnée par les trois maîtres du monde.
Oh, je sais, il y a une autre lecture, plus optimiste et donc moins réaliste, des visées territoriales du futur dictateur. Il négocierait l’incorporation du Groenland pour assurer, dans les régions arctiques, la défense du monde libre face à l’ours russe. Mais de par ma chandelle verte, a-t-on jamais entendu le père Ubu professer des idées pacifistes ? Il y a donc peu de chances pour que cette uchronie ne finisse pas en chronique. Merdre de merdre !