Salut, Yvan !
Merci d’être venu me voir dans mon spectacle dans le off en Avignon. Qu’est-ce qu’on s’est marré avec toutes ces vieilles au premier rang qui ont caché leurs bijoux sous leur siège sous prétexte qu’il y avait deux Arabes dans la salle. Deux malheureux Arabes, tu te rends compte. Et même pas un seul black.
Décidément, ici en Avignon, on est loin de Bagnolet. Les Juifs, comme d’habitude, se terrent et rasent les murs. Faut dire qu’on a du mal à les repérer sous l’avalanche des affiches de spectacle qui défigurent les enceintes d’Avignon comme de vulgaires affiches électorales du Front National. Remarque, à y penser, c’est plutôt sympa, des murs d’enceinte austères et graves qui se cachent derrière des affiches rigolotes invitant à aller s’éclater de rire avec Molière, Aristophane, Anouilh, Bossuet (non là, je m’emmêle). As-tu remarqué que les 1 300 spectacles quotidiens sont un condensé de l’actualité ? Couscous aux lardons : et vlan dans la gueule des fachos racistes ! La dette expliquée à mon banquier, Plus rien à perdre, Les dessous d’Aphrodite : c’est vrai quoi, ils se sont fait complètement déshabiller les Grecs.
En fait, il est passé où votre Juncker ? Il m’a bien laissé tomber, moi qui dans mon spectacle fais mes tomates grasses avec les politiques. C’était la star des médias de l’Europe entière, il tenait le haut de l’affiche dans mon spectacle, et puis paf, depuis le référendum grec il est passé sous la table. Mais il paraît qu’il vous faisait déjà ça, du temps de sa splendeur grand-ducale. Mais si on a perdu Juncker, on a gagné, et c’est tant mieux, les deux gazelles de Luxembourg dont la Gazette de Sète loue leur « énergie, sincérité, passion ». Je passerai bien La Nuit de la Cucaracha avec elles. Peux-tu en glisser un mot à Marja-Leena Junker, leur entremetteuse en scène ?
Et puis, t’as vu, il y a même un spectacle sur Lacan qui affiche complet presque tous les soirs. Le psychiatre Thierry Vincent y campe un Lacan plus vrai que nature face à deux patients plus fous que permis. Je peux donc te rassurer, la psychanalyse n’est pas morte et d’ailleurs, en ce mois de juillet, Avignon est un énorme divan où s’expriment nos peurs, nos rêves et nos phantasmes. Ici, je ne cède jamais sur mon désir, surtout celui de faire des vannes politiquement incorrectes. Quoi de plus drôle qu’un islamiste, un calotin, un handicapé ou un fou ? Mucoviscidose et psychose, même glose ! Remarque, là on est entre nous et on peut donc rire de tout. Mais parfois, il est vrai, j’ai la trouille, quand les applaudissements dans la salle viennent du mauvais coin. Et puis merde, je continue le combat. Comme les homéopathes et comme Coluche, je combattrai jusqu’au bout le mal par le mal et le mâle par la femelle.
Peace, Mathieu (par son nègre Yvan)