L’ambassadeur de Chine au Luxembourg, Hua Ning, sur le réchauffement des relations avec le Luxembourg, l’immixtion américaine et le retour de Trump

« Une grande sagesse »

L’ambassadeur de Chine, Hua Ning, vendredi dernier à Dommeldange
Foto: Olivier Halmes
d'Lëtzebuerger Land vom 17.01.2025

D’Land : Monsieur l’ambassadeur, le ministre des Finances Gilles Roth (CSV) vient d’achever une semaine de mission de promotion en Chine. Le vice-Premier ministre, Xavier Bettel (DP) et le ministre de l’Économie, Lex Delles (DP), s’étaient également déplacés en novembre de l’année dernière. Est-ce le signe que les relations Luxembourg-Chine regagnent en intensité sous le gouvernement de Luc Frieden (CSV) ?

Hua Ning : Nous sommes heureux de ces nombreux échanges à haut niveau. En juin dernier, notre vice-Premier ministre, Ding Xuexiang, est aussi venu à Luxembourg pour mener des discussions très constructives. Son homologue, Xavier Bettel, a voyagé avec une grande délégation. Le ministre Roth a rencontré les plus hauts représentants du ministère des Finances, des institutions réglementaires et des principales banques chinoises, lesquelles ont d’ailleurs des bureaux ici. C’est une tradition. Nous avons toujours bénéficié de visites très amicales. Je me souviens que l’ancien Premier ministre luxembourgeois puis président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait dit une fois que du temps investi à mieux comprendre la Chine était du temps bien investi. Ce temps aide à réduire les incompréhensions et la défiance. Cet échange honnête dans le respect de nos différentes cultures et civilisations permet aux liens diplomatiques entretenus depuis plus de cinquante ans de se raffermir.

Partagez-vous donc le sentiment d’un regain d’intensité depuis l’avènement du nouveau gouvernement ?

Oui. Certainement.

L’accord de coalition consacre un paragraphe aux relations avec la Chine. Elle y est considérée comme « un partenaire, un concurrent et un rival systémique de l’Union européenne ». Le Luxembourg souhaiterait en outre maintenir de bonnes relations bilatérales avec la Chine « en accord avec nos valeurs et nos intérêts, y compris les droits de l’Homme ». Que pensez-vous de ce positionnement ?

J’ai conscience que la relation Chine-UE est devenue plus compliquée. Notamment à cause de considérations géopolitiques. Cela pourrait donc avoir un impact sur la relation bilatérale entre le Luxembourg et la Chine. Mais j’ai aussi remarqué que le Premier ministre, Luc Frieden, a souligné, dès son premier discours à la Chambre, l’importance de maintenir de bonnes relations avec notre pays, prenant en compte sa puissance économique et son influence mondiale. Il a aussi dit qu’il était dans l’intérêt du Luxembourg de consolider ces relations. J’ai aussi rencontré le Vice-Premier ministre Bettel il y a quelques jours. Il m’a dit qu’il fallait continuer le dialogue. Il s’oppose à ce que certains pays ou certaines personnes diabolisent ces échanges.

À quelle diabolisation faites-vous référence ? Vous parlez de l’immixtion américaine ?

Le Luxembourg est un petit pays mais il est beau et intelligent. Il dégage une grande sagesse et produit beaucoup d’idées. Comme en atteste le rôle qu’il a joué dans l’intégration européenne. À plusieurs carrefours historiques, le Luxembourg a aidé l’UE à atteindre un consensus sur des sujets déterminants. Pour nous, le Luxembourg est un partenaire unique. Et nous n’envisageons, ni le Luxembourg, ni l’Union européenne, comme des rivaux systémiques. Il peut y avoir de la concurrence, c’est vrai. Il y en a depuis que nous nous sommes ouverts au commerce mondial à la fin des années 1970. À l’époque, les entreprises américaines et européennes étaient bien plus compétitives que les nôtres. La compétition nous a inspirés. Nous avons réussi à travailler avec nos partenaires internationaux et avons grandi avec eux. Des groupes chinois se sont implantés en Europe. Des entreprises européennes ont fait de même en Chine, notamment via des joint ventures. On ne peut pas se perdre sur la route. L’Europe est un grand marché. La Chine est aussi un grand marché.

Il y aurait donc un réchauffement des relations après des épisodes tendus sous le ministère de Franz Fayot (LSAP) à l’Économie, notamment le volte-face sur le recours avorté à Huawei pour le développement de la 5G, sous pression américaine ?

Depuis ma prise de fonction à Luxembourg il y a un peu plus de deux ans, je me suis toujours senti chaleureusement accueilli dans tous les ministères et auprès des dirigeants d’entreprises. Pareillement dans les communes et auprès de la population en général. Je n’ai ressenti de rejet à aucun endroit. Il y a des désaccords, bien sûr, dans certains dossiers. Mais nous sommes toujours en mesure d’en discuter. À l’inverse de ce que l’on peut vivre dans d’autres pays européens, le canal de la communication est maintenu ici. Il arrive que des amis ne soient pas d’accord sur certains sujets. Il ne faut pas laisser les différences prendre le pas sur nos relations. Même si cela n’est pas facile parfois. Je comprends le Luxembourg, un petit pays en nombre d’habitants. Il peut lui être difficile de résister aux pressions ou interférences extérieures. Certains pays peuvent exiger du Luxembourg de faire ou de dire certaines choses dans leur relation avec la Chine. Mais je sais le Luxembourg un pays de principes, de sagesse et de courage. Nos relations datent de plus d’un siècle. Le Luxembourg a joué un rôle déterminant dans notre modernisation récente. ArcelorMittal a aussi tout récemment étendu son investissement en Chine (avec China Oriental, ndlr). Je dirais que notre relation, dans l’ensemble, est forte et très chaleureuse. Il ne faut laisser personne l’éroder, dans notre intérêt et dans ceux du Luxembourg et de l’UE.

Citons un dernier désaccord. En 2021, l’UE avait sanctionné des responsables locaux pour des atteintes aux droits de l’Homme sur les Ouïgours. Le Parlement européen avait également condamné la Chine. En représailles, celle-ci a, interdit de territoire plusieurs personnalités, dont Isabel Wiseler-Lima, députée européenne et épouse du président de la Chambre des députés, Claude Wiseler. Est-elle toujours persona non grata ?

Le sujet du Xinjiang est probablement le plus compliqué dans la relation UE-Chine. Parce qu’il y a trop de fake news. De nombreuses accusations de torture ou de génocide sont formulées à l’adresse du gouvernement chinois. Ces allégations sont totalement infondées. Si vous vous rendiez au Xinjiang, vous verriez que les rues sont pleines de vie, de gens de différentes origines ethniques. J’y suis moi-même allé une ou deux fois et c’est une région prospère. Des histoires sont inventées dans les médias. Plusieurs gouvernements les utilisent pour conduire leurs politiques avec la Chine. De telles sanctions nuisent au bien-être de nos populations, y compris les Ouïgours. Il y a moins d’échanges, moins d’opportunités de travailler… notre gouvernement fait son possible pour soutenir les personnes issues de minorités ethniques dans la quête de travail décent, afin de nourrir leurs familles.

Et concernant le couple Wiseler ?

Nous ne visons pas des personnes en particulier, mais la sous-commission du Parlement européen pour les droits de l’Homme qui a voulu des sanctions contre des officiels chinois. Il nous faut défendre notre dignité et notre souveraineté. C’est pourquoi nous avons adopté des contremesures. Elles visaient la session précédente du Parlement européen. Nous savons qu’une nouvelle session a démarré au sein de l’institution. Pareil pour la Commission et le Conseil. Nous espérons que tout le monde pourra dorénavant écrire une nouvelle histoire ensemble.

Sur une page blanche ?

Oui. Nous espérons que les membres du Parlement européen obtiendront cette fois les bonnes informations et ne seront pas influencés par de mauvaises. Nous pouvons créer les conditions pour que les deux parties trouvent un terrain d’entente et avancent à nouveau ensemble. Il faut laisser ces sujets derrière nous. Il est important que le Parlement européen soit ouvert d’esprit et n’impose plus de limite aux échanges avec les délégations chinoises.

Vous parlez de « diabolisation ». En 2022, les États-Unis avaient aussi attiré l’attention du gouvernement sur Spacety, la filiale luxembourgeoise d’une entreprise chinoise soupçonnée d’avoir fourni de l’imagerie à la milice Wagner au service du président russe Vladimir Poutine dans sa guerre en Ukraine. Pensez-vous que l’interventionnisme américain s’accentuera encore sous la mandature de Donald Trump ?

Il s’agit encore d’une sanction prononcée par l’Union européenne contre un groupe chinois. Nous constatons que c’est lié à la crise ukrainienne. Or, nous entretenons de bonnes relations avec la Russie et l’Ukraine. Nous ne voulons pas de cette guerre et ce n’est pas la Chine qui l’a engendrée. Nous voulons une Europe stable et en paix. Nous comprenons l’anxiété européenne causée par cette guerre. Nous avons-nous même connu plusieurs guerres au cours du siècle passé. Nous savons combien cela peut nuire aux populations. C’est pourquoi nous soutenons les efforts de médiation internationale. La Chine a eu des contacts avec l’Ukraine et la Russie aux plus hauts niveaux. Et nous avons clairement établi que nous ne voulons pas d’escalade militaire. Nous ne voulons pas que d’autres pays souffrent d’effets de débordement. Nous avons imposé des contrôles et des restrictions sur les technologies militaires et celles à double usage. Par exemple, nous produisons les meilleurs drones du monde, mais nous interdisons leur exportation. Nous maintenons par ailleurs des relations économiques normales avec Russie et Ukraine. Il serait trop simpliste d’agir selon un principe ami ou ennemi. La plupart des pays entretiennent des relations normales avec la Russie, pays qui reste le principal fournisseur d’énergie (fossile, ndlr) de l’UE. Notre volume d’affaires avec l’UE est trois fois plus important que celui que nous avons avec la Russie. Nous ne pouvons pas punir les gens ordinaires. Or, il n’y a pas de mandat de l’ONU pour sanctionner la Russie. L’UE, l’Ukraine et la Russie sont tous nos partenaires. Nous voudrions entretenir une relation stable avec eux. En plus, les gens se focalisent maintenant sur la guerre elle-même. Mais que s’est-il passé avant ? Que se passera-t-il après ? La géopolitique engendre parfois des guerres. Et ces sanctions de l’UE contre des entreprises chinoises ne sont basées sur aucune preuve de leur implication dans le conflit. Si tel était le cas, nous investiguerions. Mais il semble qu’il s’agisse surtout du résultat de pressions des États-Unis.

Et avec le nouveau président américain, à partir du 20 janvier prochain, est-ce que vous vous attendez à ce que cette pression se fasse plus grande encore ?

Je constate que de nombreux pays sont nerveux face à la rhétorique du président-élu. C’est compréhensible vu le haut degré d’incertitude. En tant que diplomate, je ne vais pas spéculer sur ce qui n’est pas arrivé. Nous avons toujours voulu entretenir une relation saine et stable avec les États-Unis. Nous pensons que les deux premières puissances mondiales ont des responsabilités accrues pour garantir la paix et la stabilité dans le monde. Nous répétons à l’envi que nous n’avons pas besoin de confrontation avec les États-Unis, mais il nous faut défendre nos droits quand ils sont attaqués, que ce soit au sujet de Taiwan, de la Mer de Chine méridionale ou des questions commerciales. Nous devons sauvegarder les règles du droit international. Dans le cas inverse, personne ne survivra. C’est pourquoi l’UE et la Chine ont tout intérêt à respecter les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Sacrifier les relations avec la Chine en échange de la pitié des États-Unis serait une grande erreur. La Chine ne disparaîtra pas. Nous avons survécu au premier mandat du président Trump. Si nous sommes touchés (« hurt ») par les tarifs douaniers, alors je crois que personne ne gagnera cette guerre. Celle-ci appauvrira tout le monde.

Vous dites ne pas spéculer. Un professeur de relations internationales chinois l’a fait dans Foreign Affairs en décembre. Selon Yan Xuetong, les doutes des alliés sur la politique que mène Trump va les inciter à se couvrir en se rapprochant de Pékin. En d’autres termes, le retour du fantasque milliardaire à la Maison Blanche pourrait conduire à un approfondissement des relations UE-Chine. Qu’en pensez-vous ?

C’est effectivement une conclusion possible. Mais nous envisageons les relations UE-Chine d’un point de vue stratégique et sur le long terme. Il ne s’agit pas d’un mariage de convenance dans lequel on affronterait ensemble des défis temporaires et où l’on se quitterait ensuite. Il nous faut bâtir une relation solide et mature. De nombreux défis se dressent, pas seulement les droits de douane : le changement climatique, la santé, le bien-être des populations, la stabilité économique mondiale, etc. Ces grands dossiers requièrent l’alliance de la Chine, de l’Union européenne, mais aussi des États-Unis.

Vous dites que le Luxembourg est un pays de l’UE en lequel vous avez confiance. Quel rôle peut jouer le Luxembourg pour la Chine au sein l’UE ? C’est la gateway to Europe comme l’ancien ministre Jeannot Krecké (LSAP) aimé l’appeler ?

Plusieurs pays européens se revendiquaient porte d’entrée de l’Europe. Mais bien sûr le Luxembourg a un avantage par sa localisation, sa robustesse financière, ses ressources humaines ou encore sa stabilité gouvernementale et sociale. Le Luxembourg est une plateforme majeure pour les entreprises et investisseurs qui veulent accéder à l’UE. C’est la destination numéro un pour les investissements chinois à l’étranger. Mais le Luxembourg est aussi important pour les investisseurs européens qui veulent investir en Chine. Les investisseurs chinois ressentent toutefois une incertitude quant au futur des affaires entre les deux zones. L’année dernière, l’UE a imposé quarante mesures restrictives visant le commerce et l’investissement chinois. Les milieux économiques sont nerveux. Par exemple, les surtaxes sur le photovoltaïque chinois a retardé de nombreux investissements chinois en Europe. Quand il y a de l’incertitude, les investisseurs fuient. Le facteur politique explique pour beaucoup le ralentissement des investissements chinois. La chaîne industrielle est perturbée par des influences géopolitiques. On a été contraints d’augmenter les coûts de fabrication. Les entreprises européennes font face à une hausse des coûts, notamment pour la main d’œuvre et l’énergie. Il faut une chaîne industrielle avec des tâches réparties entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. La première qualité du Luxembourg est son adhésion à une économie ouverte. C’est sa principale force et je crois que le gouvernement va la préserver.

On retrouve des capitaux chinois dans de nombreuses entreprises luxembourgeoises comme BIL, Cargolux, Enovos ou IEE. Doit-on s’attendre à l’arrivée de nouveaux fonds ou à un reflux ?

Il ne faut pas être trop ambitieux, mais donner la pleine mesure de notre coopération. Nous accueillons surtout de nouvelles entreprises chinoises : des start-up et des PME dans la tech comme Pony.ai (conduite autonome, ndlr). Le Luxembourg se positionne comme incubateur. L’économie chinoise passe à un niveau supérieur. Le Luxembourg change aussi de modèle d’affaires, se diversifie. La clientèle des banques évolue avec plus de développeurs immobiliers, d’entrepreneurs, de start-up. Il faut voir comment transformer notre coopération financière ou soutenir la finance verte, faciliter la transition d’une énergie fossile vers le renouvelable. Le gouvernement luxembourgeois est intéressé par les véhicules électriques. Nous sommes forts en batteries et très forts en photovoltaïque.

Il faut s’attendre à l’arrivée de nouvelles entreprises chinoises dans ce secteur ?

Oui. Après la visite de Xavier Bettel en Chine, de nombreuses entreprises ont montré de l’intérêt. Le Luxembourg a fait une excellente promotion. Nous avons déjà des groupes de paiement électronique ici comme PingPong ou LianLian. Peut-être que d’autres les rejoindront. Puis il y a Cargolux. Cette infrastructure (logistique, banques et vol passagers hebdomadaire) peut jouer un rôle pour attirer de nouvelles sociétés et faire plus facilement des affaires.

Que peut faire le gouvernement luxembourgeois au niveau européen dans l’intérêt de la Chine ?

L’UE compte 27 États-membres. Dans ce contexte, pas facile pour un seul pays de changer l’ensemble des politiques. Mais le Luxembourg peut partager son expérience. La Chine entretient par ailleurs des relations au plus haut niveau institutionnel européen. Nous espérons que la nouvelle mandature enverra davantage d’émissaires et délégations en Chine pour faire en sorte qu’elle soit vue comme un partenaire et non comme un rival. Si l’UE perçoit un problème, alors il faut en parler.

Quel rôle joue la Chine dans la guerre d’Ukraine ?

Nous essayons de participer à l’élaboration d’une solution. Il faut reconnaître l’intégrité territoriale de chacun, mais aussi prendre conscience des inquiétudes en matière de sécurité. La crise ukrainienne a beaucoup à voir avec ces considérations de sécurité. Nous militons pour une désescalade, mais il revient aux deux parties de trouver une solution. Il ne nous revient pas de la dicter.

La Chine jouera-t-elle davantage un rôle de faiseur de paix sous la nouvelle administration américaine ?

Nous allons en discuter avec les États-Unis et voir ce qu’ils proposent. Mais cette proposition doit être acceptable pour les Ukrainiens et les Russes.

Ouïghours/Xinjiang

Des ONG et organisations internationales alertent depuis plusieurs années sur le traitement réservé par la Chine à la communauté ouïghoure, majoritairement musulmane, dans sa province du Xinjiang. Dans un rapport publié en 2022, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme a conclu que des « crimes contre l’humanité » sont commis à l’encontre de la minorité, notamment concernant des détentions arbitraires. En 2018, l’ONU avait déjà dénoncé le recours à des camps d’internement dans lesquels un million de Ouighours étaient détenus. Le 10 octobre 2024, le Parlement européen a une nouvelle fois voté une résolution pour dénoncer les cas des Ouïghours « injustement emprisonnés en Chine ». PSO


CV

Hua Ning, né en 1971, a pris ses fonctions d’ambassadeur de Chine au Luxembourg le 21 septembre 2022. Il était auparavant ambassadeur au Soudan du Sud. Hua Ning est diplomé de l’Université du Sichuan, avec une spécialisation en anglais et en littérature, et est titulaire d’un master en politique internationale de l’Université John Hopkins. Il a rejoint le ministère des Affaires étrangères en 1994. Il en a notamment été le porte-parole pendant quatre ans.

Pierre Sorlut
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