Le questionnaire de Proust est devenu célèbre par les réponses que Marcel Proust y a apportées adolescent.
Ce jeu anglais datant environ des années 1860 était nommé Confessions. Les 33 confessions d’artiste s’en inspirent

33 confessions d’artiste : Eric Schumacher

d'Lëtzebuerger Land vom 23.10.2020

Ce que je prends au petit-déjeuner

Un café noir fort. Des légumes avec de l’huile d’olive, du sel, du persil et du pain. Parfois du tahini. À propos sel, je suis snob : j’en ai plusieurs sortes.

Ma première œuvre d’art

Un de mes premiers souvenirs est quand j’ai rempli les trous d’un mur en crépi gratté au marqueur indélébile. Je devais avoir trois ou quatre ans. Ma mère n’était pas impressionnée. En y pensant aujourd’hui, cela était probablement une œuvre réussie : c’était une approche conceptuelle d’une architecture existante, ce qui en fait aussi une œuvre in situ. C’était une œuvre controversée.

La raison pour laquelle je fais de l’art

C’est marrant, je me suis posé exactement la même question. Je suppose que je suis encore porté par ma première œuvre.

Ce que je fais mis à part de l’art

J’aime beaucoup cuisiner. J’ai construit ma propre cuisine, c’est mon espace personnel. Je commence ma journée en pensant à ce que je vais cuisiner. La cuisine est comme un contre-espace par rapport à mon studio.

Les rapports entre mon art et ma vie

Je suis une personne très DIY. J’aime comprendre comment les choses sont faites et les faire moi-même. C’est cette curiosité que je traduis dans ma pratique artistique : l’acte de trouver une solution à un problème (ce qui souvent génère d’autres problèmes).

Ce que j’aime le plus dans le processus créatif

Je suis un flâneur et un observateur. Je prends beaucoup de photos et suis surtout intéressé par les bizarreries de l’intervention humaine dans tout espace. Mais la traduction de cette recherche visuelle dans mon travail peut devenir un processus bipolaire. C’est gratifiant quand j’atteins, à travers ce processus, une sorte de conclusion ou d’excitation.

Ce que j’aime le moins dans le monde de l’art

L’arrogance, l’ignorance, la fausseté. Ce qui par ailleurs se retrouve dans toute la société.

P.S. Mes excuses à toute personne que j’aurais involontairement offensée dans le passé.

Est-ce que l’art a des limites ?

Globalement parlant probablement pas. Mais qu’en sais-je ? Personnellement, dans mon processus créatif je fais tout le temps face à des limites. Tel est, je suppose, le défi de la création.

Mon occupation préférée

Ais-je mentionné que je suis un bon cuistot ?

Mon drink préféré

Une bonne Orval.

Ce que je fais quand je ne suis pas inspiré (e)

Je me promène, je cuisine et/ou je bois une Orval.

Ma drogue préférée

Je considère très sérieusement l’idée d’intégrer les drogues psychédéliques dans mon assiette. Y aurait-il une chance pour que les champignons magiques soient légalisés au Luxembourg ? Ils seraient, dit-on, bons pour le bien-être. Informez-vous à ce sujet ! Je suis curieux de découvrir comment ma créativité en bénéficierait.

Mon mot préféré

Eh...

Le mot que je déteste

Préféré.

Ma langue préférée

Cela dépend de l’accent.

Mon rapport au temps

Je suis un grand procrastinateur, ce qui peut parfois être un problème. Je me demande très sérieusement où sont passées les dix dernières années.

Le rôle du corps dans mon travail

Je travaille dans l’espace. Je dois donc automatiquement considérer la relation de l’espace au corps humain. Je pense ergonomie.

Le rôle de la politique dans mon travail

J’intègre dans mes installations des éléments relatifs aux besoins humains vitaux, pense beaucoup à l’inégalité et questionne les relations de l’être humain à un monde conçu pour le capital. Ceci, je suppose, rend mon travail politique.

Le rôle de la couleur dans mon travail

Difficile. J’utilise beaucoup de couleur dans mon studio, mais souvent n’en garde que des traces, car j’élimine beaucoup vers la fin. C’est un défi continu. Simultanément, j’aime référencer la couleur dans mon travail avec des nuanciers et des petits objets que je trouve. Ceci maintient les œuvres dans un processus relativement ouvert. Les couleurs que je choisis proviennent d’un corpus architectural ou domestique.

Le rôle de la nature dans mon travail

Notre éloignement de la nature et notre manière d’adapter le monde naturel à notre confort personnel ont toujours fait partie de mes recherches. Je m’intéresse aux comportements archaïques que nous adoptons dans les environnements stériles que nous fabriquons – je suppose que cette préoccupation renvoie également à la nature. Faire un BBQ est en ce sens un bon exemple – comme si nous étions des hommes des cavernes.

Le rôle du monde des idées dans mon travail

Je suis très intéressé par l’inauthenticité, par la dévolution de l’authenticité artistique en quelque chose de général, ennuyeux, produit en masse. Les maisons luxembourgeoises contemporaines en sont un bon exemple, il suffit de regarder le bling-bling que les gens mettent chez eux, ces choses abstraites, chromées et fabriquées en série qu’ils achètent dans des magasins de meubles.

Le rôle des modes du monde de l’art dans mon travail

Comme celui de ces choses chromées que je viens de mentionner ?

La matière avec laquelle je n’ai jamais osé faire d’œuvre

Cette question me rappelle un étudiant quand j’étais au Edinburgh College of Art. Il a fait une installation avec des poulets. Comme une performance de Hermann Nitsch, mais avec du poulet. Qu’il soit béni.

Mes artistes favoris

Si vous êtes artiste-amateur et avez toujours rêvé d’exposer dans un contexte professionnel, envoyez-moi votre portfolio (info@ericschumacherartist.com). Je suis à la recherche de nouveaux collaborateurs.

Mon son préféré

En ce moment précis je prends un sacré plaisir à écouter Elizabeth Fraser des Cocteau Twins. Le groupe a été formé à Grangemouth, ville industrielle déprimante pas loin d’Édimbourg. Je la traverse parfois en vélo – elle a l’odeur d’aggloméré humide, ceci la rend sympathique.

Le son que je déteste

Le trafic automobile.

Ma proposition artistique dans la perspective de l’histoire de l’art

J’ai toujours aimé m’approprier et personnaliser de l’art existant en l’utilisant dans ma propre pratique. J’ai une relation d’amour-haine avec les minimalistes et je suis intrigué quand je vois du design que je peux relier à Tony Smith, Sol Lewitt, Carl Andre et le reste de la bande. Encore une fois, je suis très intéressé par cette inauthenticité et dévolution artistique.

Les fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence

Il y a plusieurs années j’ai créé un ensemble de sculptures qui étaient d’une couleur similaire au sol de l’espace sinistre où elles ont été exposées, donc difficilement remarquables. C’était une expérience terrible.

La manière de faire ou la chose faite ?

Je fixe parfois pendant quatre heures une composition, après avoir bougé un élément de 2 cm ; je décide ensuite de le remettre à sa place et de dormir dessus. Ceci se répète. C’est un processus douloureusement lent. Le temps n’est définitivement pas mon meilleur ami.

Ce qui pour moi est inacceptable

Il y a beaucoup de choses inacceptables qui se passent actuellement. Des mentalités égoïstes ou qui divisent font leurs rondes … vous voyez de quoi je parle. Personnellement, je souhaiterais un monde moins haineux, avide, ignorant et inégal. Puis, ce que nous humains avons créé par rapport à l’environnement, n’est-ce pas horrible ?

L’animal ou la plante dans lequel je voudrais être réincarné(e)

Certainement en chat.

Le lieu où je ferais une œuvre si j’avais une baguette magique

Quelque part où il n’y a pas de voitures et où il y a beaucoup de chats. Si par hasard vous avez une maison de vacances dans le Sud et que voulez soutenir les arts, n’hésitez pas à m’écrire.

Mon état d’esprit actuel

Comme le nouvel emoji pathétique de Facebook, celui avec le cœur et les gros yeux ridicules : maltraité et piétiné.

Eric Schumacher est actuellement en résidence au Künstlerhaus Bethanien à Berlin. Son exposition come high go low sera ouverte jusqu’au 25 octobre

Sofia Eliza Bouratsis
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