Musique live

Majeurs en l’air

d'Lëtzebuerger Land vom 26.04.2019

Le parvis de l’Atelier est noir de monde. À l’intérieur, Freezy est aux platines pour un long set maîtrisé. Des centaines de personnes, essentiellement jeunes, forment un public paritaire et hétéroclite d’un point de vue vestimentaire. Pour la troisième édition du City Vibes, l’Ultraschall Collective a programmé la crème de la toute jeune génération de rappeurs made in Luxembourg. Il est vrai que le rap luxembourgeois a récemment fait parler de lui, aussi bien dans les médias autochtones que dans les bistrots. Turnup Tun alias Tun Tonnar a relancé, malgré lui, le vieux débat de la liberté d’expression. Inutile de revenir davantage sur la fausse polémique engendrée par son titre FCK LXB, minimaliste et franchement dispensable.

Parlons plutôt musique. Turnup Tun donc et son plus fidèle acolyte musical Skinny J ont développé en quelques années à peine, une œuvre sans doute assez convenue, mais encourageante. Sur leur chaîne Youtube commune Stayfou, des dizaines de clips. Carrées et solides pour la plupart, ces vidéos réalisées et produites par Tun Tonnar lui-même permettent d’avoir un aperçu de leur jeune discographie. Ce sont eux qui se lancent en premier à l’assaut du public. Turnup Tun, veste dorée et banane autour du cou, débarque sur scène d’un pas résolu. Aucun stress mais un brin de détermination dans son attitude. Entre 100k et son refrain insolent, FCK LXB qui provoque une hystérie sous la forme d’un pogo dans la foule et de nombreux majeurs en l’air et Cuba Libre, tentative de hit radio estival et entêtant, le duo remplit son cahier des charges. Les deux jeunes artistes, à défaut d’être des bêtes de scène, car encore trop statiques, arrivent à ambiancer l’audience.

Lorsque leur set se termine, une grande partie du public quitte petit à petit la salle pour prendre l’air, fumer une clope ou bien reprendre un verre. C’est dans ce délicat moment que Maz arrive sur scène. Il doit faire face à un auditoire dispersé, à moitié réceptif. Maz revient du Printemps de Bourges, célébrissime festival français, non pas en tant que spectateur mais en bien en tant qu’artiste invité. C’est que tout semble réussir à ce jeune luxembourgeois de 19 ans. À un moment où la musique urbaine en langue luxembourgeoise refait surface, son rap en anglais, technique et percutant a su se démarquer. Premier représentant du genre à rejoindre l’écurie Music:LX, il est l’artiste rap à avoir enchaîné le plus de dates ces derniers mois. Allemagne, France, Belgique, Finlande et Estonie, sa musique voyage comme jamais auparavant. L’équation est simple en somme, la langue anglaise s’exporte mieux. Mais ces considérations passées outre, Maz excelle sur scène. Flow multiple, gestion de l’espace réfléchie et réactions posées face aux intempéries, notamment lorsqu’une triste personne essaye de lui envoyer des bouteilles d’eau à la figure, le show est contrôlé.

C’est enfin au tour de Brooze, fier représentant du rap Eschois. Son concert en janvier dernier au Melusina était, dit-on, immanquable, provoquant mouvements de foule et communion. Force est de constater que Brooze, ou Bazooka Brooze, sait se mettre le public dans la poche. D’un autre côté, il prêche des convertis puisque ses morceaux sont repris en cœur. Sur les planches, il est entouré d’une douzaine de personnes, plus ou moins à l’aise, qui complètent ses paroles, immortalisent l’évènement sur leurs portables, dansent timidement et assènent des majeurs en l’air à tout va. L’entrain de la troupe est malgré tout communicatif et bien que la prestation laisse un goût de désordre et d’amateurisme, on se laisse prendre au jeu. Du balcon, on découvre une salle pleine à craquer, preuve encore que le rap est définitivement une musique fédératrice.

Kévin Kroczek
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