La Shoah et Auschwitz, événements fondateurs
L’extermination de six millions de Juifs par les nazis est un élément-clé de l’Histoire européenne et continue à être un sujet de recherches. Elle est enseignée dans les écoles dans de nombreux pays occidentaux et des cérémonies commémoratives ont lieu, y compris au Luxembourg, le 27 janvier, jour anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. Un tel génocide, dont les Roms et Sinti ont été des victimes eux aussi, est tellement insensé qu’on se demande aujourd’hui encore comment il a pu se produire au cœur de l’Europe, berceau de la civilisation occidentale moderne. En plus des recherches historiques qui continuent à mettre à jour les complicités, des films et des photos, souvent pris clandestinement, permettent de mieux appréhender les conditions dans lesquelles s’est réalisé ce génocide. Les témoignages des survivants ont été d’autant plus importants que les documents disponibles sont assez limités, les nazis ayant pris soin d’en détruire un maximum. Les mécanismes qui ont amené à cette catastrophe doivent nous servir d’avertissement et forcer un engagement contre tous les totalitarismes.
Six millions de personnes c’est aussi six millions d’hommes, de femmes et d’enfants, des individus qui ne demandaient qu’à vivre. Il faut signaler le courage et l’abnégation de tous ceux qui ont risqué leur vie pour sauver quelques juifs, des hommes et des femmes dont beaucoup ont été récompensés par l’attribution du titre ‘Juste parmi les Nations’, décerné par l’Institut ‘Yad Vashem’ de Jérusalem.
Le camp d’Auschwitz est devenu un symbole de la Shoah. Sur les 1,1 million de personnes qui y ont été exterminés, on compte environ 1 million de personnes juives de toutes nationalités, y compris des luxembourgeois. Toutes n’ont pas été assassinées dans les chambres à gaz et brûlées dans les fours crématoires, certains sont décédés des suites des conditions de vie inhumaines comme les sévices, la malnutrition, les maladies, les expériences médicales. Les rares personnes qui ont survécu à Auschwitz, mais aussi dans les autres camps de concentration ou d’extermination, ont été marqués à vie par cette expérience. On peut dès lors comprendre que les blagues douteuses, les amalgames faits autour de la Shoah et d’Auschwitz choquent les survivants et leurs descendants.
Il est important de rappeler qu’il y avait tout un réseau de camps à travers l’Europe, que beaucoup de juifs sont morts dans des ghettos, car il n’y avait pas qu’Auschwitz. Et il faut aussi réaliser que plus de deux millions de juifs ont été assassinés en Europe de l’Est lors de la « Shoah par balles », jetés dans des fosses communes soigneusement recouvertes pour cacher ces crimes. Et il faut mentionner que des recherches récentes ont mis en évidence le rôle de Luxembourgeois incorporés dans le Reserve-Polizeibataillon 101.
Nous aimerions exprimer notre reconnaissance aux nombreuses Institutions luxembourgeoises qui font un travail remarquable, en particulier auprès des jeunes, aux historiens-chercheurs, aux responsables qui programment des expositions et autres manifestations culturelles, aux acteurs de la Mémoire et aux individus qui œuvrent pour que ce passé difficile ne soit pas oublié.
L’IHRA et ses avancées récentes
L’IHRA, en toutes lettres International Holocaust Remembrance Alliance, a été créée en 2000. Nous ne pouvons pas publier, dans cet article, tous les détails pertinents de l’action de l’IHRA dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de la Mémoire, et recommandons donc vivement de consulter leur site web (www.holocaustremembrance.com). Nous saluons en particulier, dans le cadre de cet article, l’initiative et la priorité de la présidence allemande de l’IHRA d’identifier les moyens d’agir contre les mensonges dangereux, la déformation des faits et la banalisation de l’Holocauste en public, sur les sites de commémoration et en ligne. « Non seulement la déformation de l’Holocauste est tout aussi amorale que la négation de l’Holocauste, mais elle empêche également les sociétés et les individus de se confronter au passé. La négation et la banalisation de l’Holocauste reflètent toujours un état d’esprit antisémite et peuvent préparer le terrain pour d’autres formes d’idéologies inhumaines.
La déformation de l’Holocauste est une rhétorique, un travail écrit ou tout autre média qui excuse, minimise ou déforme le dossier historique connu. Cela peut être intentionnel ou non intentionnel. Cependant, toute distorsion, qu’elle soit intentionnelle ou non, alimente les récits antisémites et peut conduire à des formes plus violentes d’antisémitisme. »
Les comparaisons inacceptables
Certaines personnes semblent avoir ce besoin impérieux de tout ramener à la Shoah et l’instrumentaliser pour une cause qui n’a strictement rien à voir avec l’Holocauste. Chez certains, c’est sans doute par ignorance totale, alors que d’autres le font parce qu’ils ont un agenda politique ou autre. Les caricatures et les mèmes (un concept (texte, image, vidéo) massivement repris, décliné et détourné sur internet de manière souvent parodique, qui se répand très vite, créant ainsi le buzz) sont des outils pratiques à cette fin. Nous donnons ci-après un exemple pour illustrer notre propos.
Est-il acceptable qu’un psychologue luxembourgeois engagé à l’extrême-gauche relaie un poste où une amie des animaux roumaine parle des refuges pour chiens dans son pays comme « les Auschwitz des chiens », avec Auschwitz en majuscules ? Et il y a aussi plein d’exemples provenant de la droite populiste conspirationniste, qui est en plein essor au Luxembourg aussi.
Un mème posté par un Julien WDS, repris de la page Facebook Lëtzebuerg Q-ue (ex Q-Anon) montre à gauche deux panneaux du temps du Troisième Reich : « Juden Zutritt verboten » respectivement « Juden werden hier nicht bedient» , et à droite le panneau devant un supermarché allemand avec le texte : « Auch mit einem Attest ist das Betreten nicht erlaubt» posté sous la tête d’une personne ne portant pas de masque. Les mesures de protection prises par nos gouvernements pour endiguer la propagation de la pandémie sont-ils à mettre sur le même plan que la discrimination systématique envers un groupe minoritaire, désigné comme « race inférieure » ?
Une Tanja F. nous propose un détournement de l’étoile jaune imposée aux juifs par les nazis. Elle diffuse ce montage, qui provient d’une page Facebook Corona, Fakten a Meenungen. Comme pour l’exemple précédent, on utilise l’écriture gothique pour insinuer qu’on serait revenu en 1933, année de l’avènement des nazis en Allemagne. Les personnes ne pouvant pas porter de masques seraient le pendant des juifs de l’époque hitlérienne. L’inscription « non-vacciné » n’est pas d’une grande logique. L’élément clé est le détournement du symbole de l’étoile jaune pour faire dans une ironie qui en devient absolument inacceptable. Lire à ce propos l’excellent article de Thorsten Fuchshuber dans Woxx.
Citons en un passage : « Si ‘les Juifs’ sont présentés, notamment sur internet, comme les initiateurs d’une prétendue vaccination obligatoire, cette dernière est assimilée, lors des manifestations, à la persécution des Juifs sous le national-socialisme : ‘La vaccination vous rend libre’, était écrit sur un panneau porté par un manifestant à Fribourg au début du mois de mai. À Villingen-Schwenningen, quelqu’un a porté une affiche portant l’inscription ‘Corona Economic Holocaust’. À Augsbourg, il est dit entre autres ‘Solution finale à la question de la Corona : la vaccination’. »
Tout cela n’est pas de nature antisémite selon les exemples de la définition opérationnelle de l’IHRA sur le sujet. Il n’en reste pas moins que c’est choquant et démontre un énorme manque de respect vis à vis des victimes juives et, par extension, de toutes les victimes du nazisme. Même si on a tendance à classer ce genre d’incidents comme provenant de personnes d’extrême-droite, nous devons bien constater qu’on peut aussi en trouver dans la gebildete Mitte et même à l’extrême-gauche de l’échiquier politique.
D’autres exemples diffusés au Luxembourg représentent un détournement de symboles liés à Auschwitz, toujours en relation avec la pandémie du coronavirus, dont l’illustration ici est emblématique : l’image appelle à ne pas croire les paroles lénifiantes de nos gouvernements, à ne pas se comporter comme des moutons, mais à se révolter contre une vaccination obligatoire contre le Covid 19.
Il n’y a évidemment pas que des représentations graphiques sur les réseaux sociaux, mais aussi beaucoup d’écrits offensants, en particulier sur des pages Facebook dédiées comme Corona Meenung a Fakten. Un poste provenant d’un Luxembourgeois d’extrême-droite, Guy M., qui écrit : « Wann werden in Deutschland statt Konzentrationslager Gulaggs nach Solschenizin gabaut. Naja ist das Gleiche. Damit haben Politiker in Deutschland viel Erfahrung.Vielleicht für Leute wie mich die sich nicht beugen, wieder Zyklon B. » Mais pourquoi donc ce besoin de railler la Shoah et d’évoquer le Zyklon B, le gaz utilisé pour assassiner les Juifs dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
Rial ne considère pas ce genre de détournements comme nécessairement antisémite, mais cette banalisation de la Shoah est perçue comme très dérangeante, car elle constitue une injure à la mémoire des victimes. À force de laisser banaliser la Shoah – ou d’autres génocides - sans réagir, ne court-on pas le risque de laisser la porte ouverte à toutes sortes de dérives ?
Les mots ont leur importance
Les mots ont leur importance, et d’autant plus que ce sont des personnalités politiques ou des journalistes qui les utilisent à mauvais escient. C’est assez rare au Luxembourg, mais on en trouve très occasionnellement des exemples, comme dans un article du Luxemburger Wort publié fin août 2020 sous le titre « Corona circus » et « mascarade ». Du scepticisme au complotisme, les opposants au masque dans la lutte contre le virus – Analyse d’une déraison. L’article au demeurant est très pertinent, et nous reproduisons ci-dessous un passage : « Du scepticisme au complotisme la route parfois est très courte, elle est plus courte encore du complotisme au négationnisme : l’opposition au masque prend une expression particulièrement inquiétante quand lors de certaines manifestations, comme à Madrid et Bruxelles le 16 août, des pancartes donnent à lire ‘Le masque tue’, ‘Corona Circus’ ou, plus consternant, ‘Le virus n’existe pas’. Le corona ne serait qu’une façon de ‘couvrir les méfaits de la 5G pour la santé’ ou une invention de Bill Gates dans le but de réduire la population mondiale et de tirer d’immenses profits d’un vaccin. Pour les complotistes, le virus, s’il existe, est une création de laboratoire. »
Rien à redire sur le fond de ce texte, qui attire fort justement l’attention sur le problème des théories conspirationnistes qui fleurissent sur les réseaux sociaux à propos de la pandémie du coronavirus.
La négation de l’existence du virus existe bel et bien dans une partie de la population. Mais s’agit-il là d’un négationnisme ? Le terme de négationnisme a pourtant une définition très claire et corroborée par les dictionnaires que nous avons consultés. Celle du Larousse a l’avantage d’être très courte : « Doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis, notamment l’existence des chambres à gaz. ». Celle de l’Encyclopaedia Universalis est plus détaillée : « En raison de sa nature et de son ampleur, le génocide perpétré par le régime nazi contre les juifs a profondément marqué l’histoire contemporaine. La manifestation la plus paradoxale de cette empreinte est fournie par l’entreprise qui consiste à nier la réalité de ce génocide. Qualifiée de « révisionniste » par ses promoteurs à partir des années 1970 pour lui donner un semblant de scientificité, celle-ci est désignée à juste titre comme négationniste par les historiens. Réactualisant une longue tradition antisémite de l’Occident, les négationnistes dénoncent un prétendu complot juif international qui aurait fabriqué de toutes pièces cette « escroquerie du XXe siècle » dans le but de justifier l’existence de l’État d’Israël et d’extorquer de scandaleuses réparations à une Allemagne innocente. »
On commence certes à voir le terme négationnisme utilisé à mauvais escient dans certains journaux français, placé entre guillemets, en général. C’est dommage, et même dommageable, de détourner de la sorte un terme qui décrit un délit inscrit dans le code pénal de nombreux pays européens.
Génocide en Palestine ?
La définition du génocide d’après Larousse est comme suit : « Crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ; sont qualifiés de génocide les atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, la soumission à des conditions d’existence mettant en péril la vie du groupe, les entraves aux naissances et les transferts forcés d’enfants qui visent à un tel but. » Le dernier génocide reconnu par les experts est celui des Yézides, perpétré par des islamistes djihadistes. On y trouve bien tous les éléments de cette définition. La Shoah est un génocide qui répond lui aussi à tous ces critères, et qui n’est contesté en occident que par une poignée de faussaires de l’histoire, pour la plupart des néo-nazis, et qu’on appelle des négationnistes. En France, ce sont des personnages comme Faurisson, Soral, Ryssen ou Dieudonné, qui ont d’ailleurs été condamnés à de nombreuses reprises.
Existe-t-il une situation comparable dans les Territoires palestiniens ? Si tel était le cas, cela se saurait ! Alors, lire que les Israéliens se comportent comme des Nazis, ou même pire, est tout simplement inacceptable. Et pourtant, on trouve des personnes au Luxembourg pour professer et publier de telles théories. Ceci se retrouve aussi dans les mèmes qui établissent une équivalence entre Le Premier ministre israélien, Netanyahu, et Adolf Hitler. La nazification d’Israël va dans le même sens. De nombreux exemples sont décrits dans les rapports de Rial ; notamment le rapport 2019. Un post parmi d’autres : « Stink of Zionazis is over the world. They are NOT Jews, but are the Nazis of 21st century dressed in blue and white flags (les couleurs du drapeau israélien), posté par Clément F, l’auteur d’un cyberharcèlement sous le pseudo Thomas Gauthier.
Dans leur zèle quasi missionnaire à dénigrer l’État d’Israël, et la mise en équivalence de la situation des Palestiniens avec les juifs victimes de génocide par les Nazis, ils minimisent gravement la Shoah. A notre avis, de telles approches n’aident pas les Palestiniens et ne contribuent certainement pas à la paix au Proche-Orient. De tels écrits proviennent principalement de personnes d’extrême-gauche, et dont certains affirment même combattre l’antisémitisme.
Comme indiqué plus haut, et selon l’IHRA, « toute distorsion, qu’elle soit intentionnelle ou non, alimente les récits antisémites et peut conduire à des formes plus violentes d’antisémitisme. »
Des cas de négationnisme au Luxembourg
On trouve aussi, occasionnellement, des cas de négationnisme explicite au Luxembourg. On peut classer ces cas, sans hésitation, dans une extrême-droite populiste conspirationniste.
C’est ainsi qu’un Luxembourgeois occupant un poste élevé au PID (Partei fir integral Demokratie) et qui anime plusieurs pages sur Facebook en plus de son compte personnel, et qui nous a habitués à des postes de nature antisémite, a franchi le pas vers ce que nous appelons du négationnisme « hard », assumé sans complexe, de toute évidence. Il publie ainsi une vidéo titrée Auschwitz-Prozess-Krakau – 1948, et sous-titrée Deutsche Geschichte Augenöffner. L’image ci-dessous est tirée d’une vidéo diffusée dans les réseaux révisionnistes, et dans ce cas particulier sur un site nommé Donnersender.ru. Rien que le nom de ce site enregistré en Russie devrait faire mettre la puce à l’oreille du lecteur-spectateur averti.
Rappelons que c’est un tribunal polonais qui a jugé des responsables de différents niveaux hiérarchiques ayant sévi au camp d’extermination lors de ce procès de Cracovie. Il serait intéressant d’analyser les circonstances et l’environnement politique de ce procès. Les autorités soviético-polonaises voulaient mettre en avant le martyr polonais (environ 75 000 Polonais chrétiens ont été assassinés à Auschwitz, surtout au début de l’existence du camp) et essayer de nier ou du moins de minimiser celui des juifs. Toujours est-il que la recherche historique a bien avancé depuis, et que les experts s’accordent à dire que 1 100 000 personnes ont été assassinées à Auschwitz, dont environ 1 million de juifs.
Les personnes qui affirment donc, en 2020, qu’il n’y a eu que 300 000 victimes à Auschwitz sont des faussaires de l’Histoire. Quand ils insinuent qu’il s’agissait de 300 000 personnes, et non pas de juifs, (comme si les juifs n’étaient pas des personnes !), ils émettent un mensonge qui nie le martyr juif. Et quand ils affirment qu’on ne parle pas de six millions de juifs assassinés à Auschwitz à ce procès, c’est tout simplement que cinq millions de juifs ont été assassinés ailleurs, dans d’autres camps, lors de la « Shoah par balles » et dans d’autres circonstances. Sous ce poste, on trouve la contribution d’un certain C.A. qui nous sert la prose du site négationniste Metapedia, essayant d’accréditer l’idée que le nombre de six millions de juifs ne serait que la suite logique de l’utilisation de ce nombre bien avant la Shoah, lorsque des responsables juifs estimaient le nombre de juifs nécessiteux en Europe de l’Est à ce nombre. Et alors ? Ce sont bien évidemment ces populations qui ont représenté une grande partie des victimes de la Shoah. L’objectif de ces personnes est de nier l’extermination de six millions de juifs dans la Shoah. Et cela s’appelle du négationnisme.
L’abjection ne connaît pas de limites
« Joe Le Corbeau » nous a habitués au détournement du graphisme de Charlie Hebdo, qui devient sous sa plume Shoah Hebdo. Il détourne aussi des caricatures, comme nous le montrons ci-après. Que sa version se situe à Auschwitz, représenté par l’inscription Arbeit macht frei qui se trouvait à l’entrée du camp d’extermination, ne fait qu’ajouter à l’abjection.
Nous voilà donc arrivés au judéo-nazisme, alors que nous avons été plutôt habitués au terme de « zio-nazi ». Soyons clairs : franchement, la similitude des concepts entre judéo-nazisme et zio-nazisme est tellement frappante que nous n’y voyons guère de différence
Nous n’avons pas encore vu de caricatures de Joe le Corbeau au Luxembourg. Par contre, nous avons bien rencontré des messages parlant de zio-nazi, en 2019 comme en 2020. Le Rapport Rial 2019 en parle en page 47 comme suit :
« Quelques remarques sur les NAtional ZIonisten : Le concept de ‘zio-nazis’, décidément, semble être à la mode et avoir beaucoup de succès chez des personnes venant de bords politiques très différents. Et si c’était leur haine envers les Juifs et les Israéliens qui serait leur dénominateur commun ? Ces convergences sont particulièrement intéressantes. Retrouver le même concept chez Mourad A., originaire du Maghreb (dossier 17), chez le négationniste ‘Shamael’, chez le cyberharceleur ‘Thomas Gauthier’ , très engagé pour la cause palestinienne avec le CPJPO (dossier 31), et puis chez LD, qui semble originaire du Proche-Orient (dossier 39), doit nous interpeller. Rappelons la définition de l’antisémitisme selon l’IHRA : « L’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui peut s’exprimer par de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non juifs et/ ou leurs biens, contre les institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives ». Un des exemples de cette définition définit comme antisémite : « l’établissement de comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des Nazis ». Les termes’ NAtional ZIonisten’ et ‘zio-nazis’ ne sont-ils pas en soi un condensé de haine envers les sionistes, individus juifs ou non juifs décrits comme les nouveaux Nazis ? Alors, peut-on considérer comme antisémites des personnes qui utilisent ce genre d’injures quand ils attaquent des Juifs, souvent de manière répétitive, d’ailleurs ? »
Finalement, ces paroles, même si elles frappent sans doute moins le lecteur que la parodie de Charlie Hebdo, sont tout aussi abjectes.
Conclusions
Que peut-on conclure à partir de cette analyse ?
D’une part, que le Luxembourg ne fait pas exception. On retrouve les mêmes tendances lourdes, les mêmes approches, et on relaie les mêmes idées, les mêmes textes, mèmes et images que dans les pays voisins. Les populistes conspirationnistes d’extrême-droite diffuseront plutôt des textes provenant d’Allemagne, parfois de sites russes ou ukrainiens, car ils permettent de publier des textes qui pourraient tomber sous le coup de la loi en Europe de l’Ouest. Les personnes d’extrême-gauche, surtout la frange violemment anti-israélienne, se baseront plutôt sur des textes d’origine française, souvent repris de la propagande palestinienne. Mentionnons qu’il est remarquable qu’on trouve, en Allemagne, des fractions importantes de l’extrême-gauche qui rejettent ce type d’analyses. Tout comme d’ailleurs les autres partis de gouvernement, et plus particulièrement leurs sections de jeunesse. Il n’en est malheureusement pas de même chez nous.
Mais au fond, les origines importent peu : le fait est que cette banalisation de la Shoah se retrouve dans tout l’échiquier politique, même dans ce que le professeur Monika Schwarz-Friesel de la TU Berlin appelle la gebildete Mitte.
Malheureusement nous constatons que malgré le travail des chercheurs et leurs publications, et malgré toutes les initiatives pour mieux faire connaître la Shoah et son impact sur la Communauté juive du Luxembourg dans les années 1930 et 1940, la banalisation de la Shoah reste un sujet préoccupant. La situation serait certainement nettement pire sans toutes les actions et initiatives, que nous apprécions à leur juste mesure. Peut-être faudrait-il réfléchir à de nouvelles approches pour transmettre plus efficacement tout le matériel didactique existant.
Ce que nous constatons aussi, c’est la grande inertie à ce sujet chez beaucoup de nos compatriotes. On trouve dans notre société des personnes très engagées pour la Mémoire, y compris celle de la Shoah. Nous ne pouvons que les remercier très sincèrement. Il n’en reste pas moins vrai qu’il suffit d’une crise, comme celle que nous vivons actuellement avec la pandémie du coronavirus, pour que ressorte un climat antisémite qui inclut, forcément, des attaques contre la mémoire de la Shoah. Les modes de pensée antisémite (antisemitische Denkmuster étudiés principalement en Allemagne) restent largement répandus, notamment dans les milieux conspirationnistes, comme les concepts de la domination du monde attribués aux juifs, la fameuse Jüdische Weltverschwörung et le concept de bouc émissaire qui lui est lié. C’est sur ce terrain fertile que se développe ce que nous avons décrit ci-avant.
Nous n’avons pas de recette miracle, malheureusement. Nous aimerions simplement dire que le combat contre la banalisation de la Shoah ne doit pas être un alibi pour éviter de combattre le phénomène beaucoup plus fondamental qu’est l’antisémitisme, quelles que soient les formes sous lesquelles il s’exprime. Nous plaçons beaucoup d’espoir dans le Plan national de Lutte contre l’Antisémitisme qui est actuellement en cours d’élaboration.
Et nous ne pouvons qu’en appeler aux citoyens ou résidents de notre pays d’être sensibles à ces problématiques et de s’engager à nos côtés. « Be part of the solution, Not the problem ! »