CD Chef d'œuvre d'Inborn

Zeitgeist syndrome

d'Lëtzebuerger Land vom 08.04.2010

Le dernier album d’Inborn, Chef d’œuvre, avait laissé un sentiment mitigé. Avait-on affaire à des branleurs riffeurs, imbus d’eux-mêmes, incapables d’écrire des morceaux ou des jeune pousses au potentiel à canaliser mais enfoui sous une grosse couche de grandiloquence arty ? Leur nouvel EP intitulé En Vogue se devait de nous éclairer un peu plus sur le sujet. Le quatuor a entrepris depuis une mue certaine, étant donné qu’il est basé maintenant à Bruxelles et tente de se consacrer entièrement à la musique.

L’artwork a été confié à Nathalie Kerschen. Ainsi, la pochette rose vif montre, côte à côte, un corps féminin illustre, avec un poste de télévision en guise de tête et son double, dans leurs plus simples appareils. Les plus calés en culture pop reconnaîtront la plastique de Madonna posant pour son livre-photos Sex de 1992.

D’entrée de jeu, les errements passés n’ont plus droit de cité. L’Inborn nouveau cru privilégie une écriture plus ramassée et concise, qui ne perd jamais de vue le fil rouge. D’autre part, si les climats lourds sont encore légion, ils ont gagné en souplesse. Signalons aussi que certains bidouillages électroniques font leur apparition. Ceux-ci se dressent comme autant de textures bien intentionnées, colorant de-ci de-là les atmosphères sombres avec bienveillance, comme le faisait jadis Refused. Au niveau influences, les Deftones (la versatilité vocale de Chino Moreno a encore des émules) et Tool trônent encore, mais on note des inflexions vers Rage Against the Machine, Refused, les Blood Brothers et plus étonnant, Blonde Redhead. Plus d’une fois, on trouve chez Inborn des climats, des accords ou des mélodies aigres-douces chères au trio new-yorkais. En ce qui concerne les textes, volontairement cryptiques et opaques, ils se drapent dans une imagerie postmoderniste référencée, sulfureuse, mais souvent indigeste malgré quelques bonnes trouvailles et figures de style.

Scientology took my baby away commence par un riff que n’aurait pas renié Tom Morello avant d’installer un groove midtempo estampillé 90’s. There’s a discotheque between us enfonce le clou avec la même efficacité. De même que Trash is the new glam, bonus disponible en téléchargement. Ces morceaux montrent un groupe qui a su resserrer les boulons à bon escient. Mais ce sont surtout les deux derniers morceaux d’En vogue qui dévoilent ce que l’on peut être en droit d’attendre de ces quatre Bruxellois d’adoption. L’aigre-doux Typewriter Mannequin s’enfonce dans une mélancolie rêveuse et un peu sordide, du meilleur effet, tandis que Disco Technopia et ses arpèges distordus lance un chanteur sur des pentes anxiogènes, insufflant un climat de malaise et frustration avec beaucoup de conviction.

Paru sur le label Ashcan Records, l’EP En vogue permet à Inborn de laisser derrière eux pas mal de casseroles qu’ils traînaient depuis longtemps, montrant un groupe qui a su enfin trouver la voie de l’affinement.

Pour plus d’informations : www.myspace.com/inbrontrance, www.twitter.com/inborn et www.ashcanrecords.com.
David André
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