Partage de fichiers

Nouvelle offensive contre le peer-to-peer

d'Lëtzebuerger Land du 01.04.2010

Sur le front du peer-to-peer, un producteur allemand fait parler de lui ces jours-ci en lançant des poursuites d’un nouveau genre aux États-Unis contre le téléchargement illégal. Selon le journal Hollywood Reporter, 20 000 utilisateurs des réseaux torrents ont été menacés de poursuites devant des tribunaux américains pour infraction à la législation sur le copyright et 30 000 autres le seront à leur tour au cours des prochains mois. Le journal s’est procuré une plainte faite au nom de la Boll Kino Beteiligungs-gesellschaft pour la propagation illégale du film Far Cry. D’autres films de producteurs indépendants tels que Steam Experiment, Uncross the Stars ou Call of the Wild 3D feraient également l’objet de plaintes de la part d’un groupe d’avocats appelé US Copyright Group.

La nouveauté de ces poursuites réside d’une part dans le fait que l’initiative provient de producteurs indépendants, et non des majors de Hollywood et de leur association MPAA, et de l’autre que les internautes ciblés sont des utilisateurs des torrents, et non pas des plateformes de partage telles que Kazaa ou Limewire. Les réseaux de torrents sont plus difficiles à pénétrer, mais en cas de succès, il est plus aisé de démontrer que leurs participants ont à la fois téléchargé et diffusé des œuvres protégées. Enfin, ces poursuites se différencient des plaintes engagées jusqu’ici par la MPAA en ce qu’elles sont censées déboucher sur une rémuné-ration substantielle des avocats qui les engagent, alors que les démarches lancées par les majors visaient en premier lieu à intimider les adeptes du téléchargement illégal plutôt qu’à dégager des dommages et intérêts significatifs.

Pour autant, sur le Net, l’annonce de cette initiative a été saluée par un grand éclat de rire. Le premier visé : Uwe Boll, dont les films ont été raillés comme parfaitement dénués d’intérêt. Qui donc est suffisamment masochiste pour regarder ses navets, se sont esclaffés bon nombre de bloggeurs. « Uwe Boll ne devrait vraiment pas poursuivre les seuls prêts à regarder ses films, » s’est exclamé un commentateur sur Ars technica.

Le groupe de juristes US Copyright Group, basé à Washington, explique sur son site web, à l’adresse save-cinema.org, qu’il offre aux détenteurs de droits sur des œuvres piratées d’intervenir gratuitement en leur faveur et de se rémunérer en négociant avec les contrevenants identifiés des arrangements extra-judiciaires. Les avocats utilisent, pour espionner les réseaux de torrents, une technologie proposée par la société britannique Guardaley. Celle-ci recueille des adresses IP d’internautes participant aux partages de fichiers en se joignant aux « essaims » de téléchargement de l’œuvre visée. Ensuite, explique un représentant de Guardaley, celles-ci sont croisées avec des « listings de serveurs obtenus des réseaux de peer-to-peer pour déterminer les utilisateurs offrant des fichiers du film sous copyright » – sans que l’on sache comment diable la société se procure de tels listings. La prochaine étape consiste à exiger des fournisseurs d’accès à Internet qu’ils livrent les coordonnées des internautes correspondant aux adresses IP identifiées. Un fournisseur se serait montré coopératif et aurait fourni les noms de 71 téléchargeurs du film en question ; parmi ceux-ci, huit auraient accepté une offre d’arrangement à l’amiable.

S’agit-il, avec cette méthode, du remède miracle contre le piratage de films ? Rien n’est moins sûr. À ce jour, malgré quelques condamnations et arrangements extra-judiciaires obtenus, les multiples tentatives des majors du disque et du cinéma pour endiguer à coup d’actions en justice le partage de fichiers sur Internet sont loin d’avoir atteint leur objectif. Fred von Lohmann, du groupe de protection des droits des internautes Electronic Frontier Foundation, a condamné l’utilisation comme « centre de profit » de la méthode des poursuites massives, parfois appelée « spam-igation ». « Le copyright est censé aidé les créateurs à être rémunérés de manière adéquate pour leurs efforts, a-t-il déclaré. Le copyright n’est pas là pour remplir les poches de trolls du copyright s’employant à s’en prendre à des individus par milliers pour leur arracher des arrangements rapides ».

Jean Lasar
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