Réseaux sociaux

Please rob me

d'Lëtzebuerger Land du 11.03.2010

Foursquare, Loopt, Where sont quelques-uns de ces réseaux sociaux de localisation qui font un tabac. En faisant appel aux moyens dont dispose le téléphone portable pour identifier les coordonnées géographiques du lieu où il se trouve, que ce soit par son GPS intégré ou en les dérivant de la cellule de téléphonie à laquelle il est momentanément rattaché, ces applications permettent de rendre compte à ses amis, plus ou moins automatiquement, de son lieu de séjour et, éventuellement, d’ajouter un commentaire. Histoire de se vanter du plat pantagruélique de fruits de mer que l’on est en train de déguster à tel restaurant prestigieux ou du spectacle extraordinaire auquel on assiste etc. Twitter propose également d’ajouter la localisation aux tweets : ce type géolocalisation fait de plus en plus d’émules, et Google Maps a lancé un service comparable appelé Latitude. En dépla­cement dans une ville ou une région, on peut ainsi susciter des rencontres impromptues avec un ou plusieurs amis et explorer ainsi de nouveaux modes de sociabilité.

Tant et si bien que le leader des réseaux sociaux, Facebook, s’y met à son tour. Le New York Times a annoncé cette semaine qu’à partir du mois prochain, les centaines de millions d’adeptes du réseau auront eux aussi le loisir de préciser, au moment de publier leurs updates, depuis quel lieu ils le font. Le quotidien cite plusieurs sources anonymes, à la suite de sa conférence annuelle de déve-loppeurs « f8 ». Il indique qu’en novembre dernier, Facebook avait modifié à cet effet sa politique de vie privée, en y ajoutant cette phrase : « Si vous partagez le lieu où vous vous trouvez avec d’autres ou ajoutez cette information à quelque chose que vous publiez, nous traitons cela comme n’importe quel autre contenu que vous publiez ». Autre précision fournie par Facebook : « Si nous offrons un service qui supporte ce type de partage de localisation, nous vous proposerons de choisir par ‘opt-in’ si vous voulez y participer ». Encore heureux. Toujours selon le New York Times, le réseau social travaillait depuis un an sur ce service mais sou-haitait attendre qu’il soit parfaitement au point pour le lancer. Il faut dire que plusieurs modifications apportées récemment par Facebook à son ser-vice ou aux règles qui l’encadrent ont déplu à des utilisateurs et provoqué des levées de bouclier : le réseau vou-lait être sûr de ne pas se faire critiquer à nouveau pour avoir lancé une inno-vation à la hussarde.

Selon une des sources citées par le quotidien, le principal souci de Facebook n’est pas de concurrencer les « petits » services spécialisés de géolocalisation tels que Loopt ou Foursquare, mais de se mesurer à Google sur le terrain de la publicité des petits commerces.

Malgré les précautions dont Facebook s’est entouré en vue du lancement escompté de ce service, il y a une précaution fondamentale dont les utilisateurs ne pourront pas se départir avant de l’embrasser corps et âme : le risque de cambriolage. Quoi de plus facile en effet pour un voleur de vérifier tranquillement sur Internet où se trouvent ses victimes ? Selon les projections d’un site britannique de comparaison de prix, la généralisation de la localisation en ligne, et son extension aux 400 millions d’utilisateurs (dont 100 millions se servent aussi du service depuis un portable) pourrait avoir pour conséquence une augmentation des primes d’assurance habitation de l’ordre de dix pour cent. C’est clairement pour parer à ce risque que Facebook a pris les devants en modifiant ses règles sur la vie privée, histoire de prévenir ses utilisateurs de ne pas venir se plaindre chez lui s’ils retrouvent leur appartement cambriolé après avoir claironné sur Facebook qu’ils partaient se dorer la pilupe pendant un mois aux Seychelles. Un site appelé « Please Rob Me » se propose lui aussi de sensibiliser les adeptes des réseaux sociaux aux risques du « surpartage », en tenant à jour une liste de « maisons vides » identifiées grâce aux updates publiés leur occupant sur Foursquare, de Bogota à Los Angeles en passant par Tokyo ou Stockholm.

Jean Lasar
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