Près des côtes du sud de la Bretagne, c’est toujours le même rituel lorsqu’on trouve une relique de la Première Guerre mondiale : on appelle Erwan (François Damiens) et ses collègues pour désamorcer goupilles et obus. Mais celle que le quadragénaire s’apprête à recevoir de l’obstétricien qui s’occupe de sa fille enceinte (Alice de Lencquesaing) a tout de la bombe à fragmentation : son père (Guy Marchand) n’est pas son père (et son père ne le sait pas, comme le chantait Sacha Distel en 65). Une détective (Brigitte Rouan) le lance sur les pas de Joseph (André Wilms), qui vit à quelques kilomètres de lui, couvé par une fille (Cécile de France) qu’Erwan rencontre par hasard.
Et l’intrigue d’Ôtez moi d’un doute, troisième long-métrage de Carine Tardieu, est ainsi lancée : demi-soeur ou maîtresse ? La question tient du vaudeville et bien que le film fasse des détours dramaturgiques, plutôt bien troussés, du côté des thèmes de la filiation et de la psychologie masculine, il y revient toujours. En effet, le scénario ne lésine pas sur les quiproquos et effets miroirs, expliquant souvent deux fois la même situation pour multiplier les points de vues. Les évènements s’enchaînent donc avec un train de retard, lorsque le spectateur a déjà compris les enjeux de la scène suivante. Déjà affaibli par un rythme cahotant, le récit tente à plusieurs reprises de se justifier à l’aide de dialogues beaucoup trop longs. Carine Tardieu, qui auscultait les mères, et surtout leurs drôles de filles dans ses deux précédents films (La tête de maman, 2007, Du vent dans mes mollets, 2012) n’arrive pas ici à construire des personnages réels. Tous, des pères aux enfants, portent leurs outils fonctionnels en étendard, les répétant oralement à nouveau si besoin pour justifier un comportement. Bien sûr, il y a de jolies scènes où l’on comprend que la vie sentimentale d’Erwan est un terrain miné, bien sûr, la mer, bien sûr, le militantisme, mais tout cela est vite relégué à l’anecdotique, à l’illustration, sans que l’on sente un investissement, une idée à défendre. Ce maillage de personnages, liés à une intrigue convenue et une mise en scène cohérente mais peu inventive, est loin des constellations crées par Claude Sautet, à qui la réalisatrice souhaitait rendre hommage ici. Car Carine Tardieu semble avoir eu peur de se prendre à son propre pari : faire infuser une comédie romantique sur fond de film de famille. Si la légèreté n’est pas un gros mot, on regrette toutefois qu’elle n’approfondisse ni l’un ni l’autre, préférant les bons sentiments à une réflexion qu’elle esquissait pourtant dans la première demi-heure.
Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier festival de Cannes et vendu comme le « feel good movie » à la française de cette rentrée, Ôtez moi d’un doute relève davantage du divertissement télé que du long-métrage de cinéma et pêche par modestie formelle.