Kunst am Bau

Un plus qui monte, qui monte…

d'Lëtzebuerger Land vom 16.05.2014

Sabina Lang et Daniel Baumann sont plus connus sous le nom Lang Baumann ou sous le seul sigle L/B. Une sorte de marque de fabrique depuis qu’en 1990, la Suissesse (née à Berne en 1972) et l’Américain (né à San Francisco, États-Unis en 1967) travaillent ensemble. Dans un mélange transversal art/architecture/design, une de leurs interventions sinon la plus connue mais en tout cas mondialement médiatisée, fut, en 2007-2008, la capsule à vivre pour artistes en résidence, greffée sur le toit du Palais de Tokyo à Paris, l’Hôtel Everland.

Déjà une excroissance sous forme de valeur ajoutée à une institution culturelle donc, et non des moindres. Luxembourg pourra désormais aussi s’enorgueillir d’une semblable protubérance, avec une pièce de Lang Baumann en saillie de la façade du Casino, rue Notre-Dame. L’escalier sera en bois, la sous-face et les côtés en fibre de verre structurelle, le tout de couleur blanche.

C’est l’audace de la proposition qui a séduit en premier lieu le jury chargé de choisir, parmi les idées de cinq artistes invités, ce nouveau signal, en plein centre ville. L’histoire commence par la désignation du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain comme bénéficiaire du don des Amis des Musées cette année. Et si donc l’Aquarium de Mailliet et Prouvé surmonté du néon Incaos joue a priori bien son rôle d’appel côté boulevard Roosevelt, l’idée a germé de rendre plus visible l’entrée qui se trouve rue Notre-Dame, où la façade des années 1880 n’est pas aussi représentative, voire d’une discrétion très timide pour un lieu public.

Le duo franco/luxembourgeois Martine Feipel et Jean Bechameil a, parmi les autres concurrents (Jacob Dahlgren, Suède, Fertil & Teixidor, Belgique, Judith Feigel, Autriche), proposé ce qui semble avoir été aux yeux du jury, une alternative potentielle au projet lauréat : un logo, sous la forme d’une échelle fixée sur la façade, montant au ciel pour toucher une (bonne) étoile de l’art contemporain au firmament. Une proposition peut-être un peu trop « gentillette » à en juger par la maquette.

Le choix du jury composé de représentants de l’institution, du Fonds culturel, de la Ville, des Amis des Musées et de l’Administration des bâtiments publics, qui est propriétaire des lieux, s’est porté sur ce qu’il faut bien appeler une pièce efficace : la proposition à la fois fonctionnelle et esthétique du couple helvético-américain, avec l’escalier en balcon n° 10 de la série de leurs Beautiful Steps.

Une pièce en plus, aussi bien au sens urbain que des arts plastiques et architectural

Car L/B n’en sont pas à leur premier escalier escaladeur de façade. Le couple en effet multiplie les propositions à la fois plastiques et comme dans ce cas-ci praticables – ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi sur la façade du centre de congrès de Biel/Bienne en Suisse où Beautiful Steps #2 est un escalier à voir seulement, de dimension domestique, qui rejoint deux portes de la dimension d’une maison sur le pignon aveugle d’un immeuble haut. Il faut par ailleurs parfois de l’audace pour oser expérimenter une de leurs œuvres praticables. C’est le cas d’un escalier circulaire qui enlace un pignon du château de Tautenfels (Beautiful Steps #5) en Autriche. La promenade au-dessus du vide fait sortir les audacieux d’une fenêtre du hall, contourner le pignon, redescendre et retrouver le plancher du hall de l’autre côté.

Ces pièces artistiques sont mises à la disposition du public en vue de s’approprier l’art et les lieux. Une manière de prendre de la hauteur, comme parfois au-dessus d’un paysage. C’est la fonction de l’escalier-vigie au-dessus du fleuve majestueux, avec le n° 5 de la série, qui fait partie du projet d’aménagement des Rives de Saône à Lyon.

L’escalier-balcon luxembourgeois jouera désormais ce rôle greffé à l’institution culturelle. D’une part, il est situé dans l’axe de la rue Aldringen où il interpellera le regard des passant depuis le parvis de la poste, quand sa forme triangulaire, vue de profil depuis la rue Notre-Dame, fera penser à une enseigne traditionnelle, certes sans logo, blanche et surdimensionnée.

Devenir, en escaladant l’escalier, partie prenante et intégrale de l’art contemporain

Après l’accroche visuelle, monter au balcon sera une autre expérience possible. Cette incitation participative a assurément séduit les membres du jury. Car, il faudra tout d’abord entrer au Casino, monter l’escalier d’honneur jusqu’au premier étage pour escalader, depuis le palier du premier étage, l’appui de fenêtre et entamer l’ascension de Beautiful Steps #10. On se retrouvera alors dans l’espace urbain, entre deux parois opaques. Ce n’est qu’arrivé au sommet de la vigie que le corps du visiteur émergera, à hauteur de la ceinture, rue Notre-Dame : une invitation à devenir sensoriellement partie (prenante) d’une œuvre d’art. À partir de ce samedi 17 mai.

Marianne Brausch
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