ART CONTEMPORAIN

L’appropriation

d'Lëtzebuerger Land vom 27.05.2022

Quatre expressions différentes pourraient faire croire que le regard du visiteur va être confronté à diverses expressions. Elles le sont. Mais une unité – ou des Dialogues comme s’appelle l’exposition – émane des œuvres présentées, sereines.

Le propos n’en est pas pour autant sans revisiter un passé douloureux. Ainsi des deux toiles de Eddy Kamuanga. Attitude et Pose. Depuis sa première exposition solo à Londres en 2016, l’artiste est exposé et collectionné un peu partout dans le monde. Ses huiles et acryliques sur toile s’emparent d’un sujet terrible : les fermes chapelles. Né en 1991 à Kinshasa où il vit et travaille, Eddy Kamianga montre l’histoire des enfants enlevés à leurs familles.

Trois éléments pointent directement ce rapt des origines : une statuaire africaine dans l’un des tableaux, un fauteuil colonial dans l’autre et l’encensoir de la messe dans les deux. Pour le reste, les personnages à qui on a fait oublier leurs racines cultuelles, sont représentés sous formes de silhouettes mécaniques, le corps recouvert de circuits électroniques. Au-delà de cette robotique, on ne se hasardera pas à interpréter les vêtements à carreaux écossais, sinon qu’il s’agit d’une uniformisation.

Devenir un et multiple, tel est le propos bien différent de Gosette Lubondo. La photographe et autant de répliques d’elle-même, vêtues de la même robe blanche, bouquet de fleurs à la main, cérémonieuse, sinon cérémoniale, pose dans une série de sept photos prises dans les ruines du palais luxueux que le dictateur Sese Seko Mobutu s’était fait édifier dans son village natal. La statuaire verticale de son corps devient la nouvelle structure de cet édifice aux formes à la géométrie de tradition occidentale.

L’Occident encore, et sa tradition du portrait de la noblesse, sert de point de départ aux trois compositions que présente Vitshois Mwilambwe Bondo. La pose des personnages est hiératique dans Queen nanny, The African Princess et The power, même si concernant ce dernier, on peut se demander s’il ne s’agit pas du fou qui pouvait déranger l’ordre de la hiérarchie. Les personnages sont contraints par les vêtements Grand Siècle. Mais, sur un fond acrylique bleu roi uniforme, les silhouettes des corps et des vêtements sont entièrement composés de collages chatoyants, mouvants. La mixité de son talent, Vitshois Mwilambwe Bondo l’a acquise à Kinshasa où il est né en 1981, puis a fréquenté l’École des Arts décoratifs de Strasbourg et la Rikjsakademie van Beeldende Kunsten à Amsterdam.

Alexis Peskine propose des portraits comme des photographies anciennes dans des ovales ou des cercles. Mais ne nous y trompons pas. Alexos Peskine, le seul des artistes de Dialogues né hors de l’Afrique, à Paris en 1979, pratique sans doute des quatre artistes, le plus ancestral des arts africains avec Assiê Fian, Dou Ebi et Mwasi Na : le fond est en bois teint au café et les clous qui dessinent le relief des visages et des chevelures, viennent de la tradition ancestrale des fétiches à clous du bassin du fleuve Congo.

L’exposition Dialogues. Alexis Peskine, Eddy Kamuanga, Vitshois Mwilambwe Bondo et Gosette Lubondo, est à voir à la galerie Zidoun Bossuyt jusqu’au 4 juin prochain. 6 rue Saint-Ulrich à Luxembourg-ville

Marianne Brausch
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