Chroniques de l’urgence

Non-prolifération fossile

d'Lëtzebuerger Land vom 16.07.2021

Activiste climatique de longue date, la Canadienne Tzeporah Berman a été de toutes les batailles. Elle est intervenue aux côtés des communautés indigènes de Colombie Britannique pour empêcher les coupes claires de forêts natives, puis au sein de Greenpeace International pour mettre au point le programme climat et énergie de l’organisation.

Depuis 2019, elle tente de concrétiser une idée lumineusement simple, mais susceptible de changer radicalement la donne : celle d’établir, à l’image de ce qui existe pour les armes nucléaires, un traité international de non-prolifération des énergies fossiles. En avril dernier, alors que Joe Biden réunissait à Washington un sommet consacré au climat, son organisation (fossilfueltreaty.org) publiait un argumentaire endossé par 101 Prix Nobel, dont le Dalaï Lama.

L’Accord de Paris, sur lesquels se fondent les derniers espoirs de l’humanité pour échapper aux pires conséquences des bouleversements climatiques, ne fait aucune mention du pétrole, du gaz et du charbon, font-ils valoir, tandis que « l’industrie des fossiles continue à planifier de nouveaux projets que les banques continuent à financer ».

« Les efforts visant à respecter l’Accord de Paris et à réduire la demande de combustibles fossiles seront donc compromis si l’offre continue de croître », poursuivent-ils. Près de 500 organisations, dix villes et territoires (dont Los Angeles, Barcelone et Vancouver) et quelque 12 000 individus, dont de nombreux scientifiques et universitaires de renom, appuient cet appel.

L’idée qu’il faille laisser là où elles sont les « réserves » d’énergies fossiles n’est pas nouvelle. « Keep it in the ground » est le leitmotiv de 350.org depuis une demi-douzaine d’années et repose sur l’évidence qu’agir sur la seule demande pour les énergies fossiles est illusoire : il faut simultanément tarir l’offre.

En revanche, celle de se doter d’un instrument international contraignant qui les proscrirait comme le fait le Traité de non-prolifération nucléaire (NPT) signé en 1968 et entré en vigueur en 1970 pour favoriser le désarmement atomique constitue une approche plus juridique et donc potentiellement plus efficace.

Sur quels critères établir un tel traité ? Dans un récent entretien avec le journaliste David Roberts, Tzeporah Berman explique qu’il serait fondé sur la responsabilisation et la transparence. Son organisation prépare d’ores et déjà un registre international des ressources fossiles, qui consiste à agréger des données fiables sur les exploitations et unités de production existantes, les réserves connues et les projets de développement en cours : ce n’est assurément pas une mince affaire. Son intention est d’en rendre public un prototype lors de la COP26 en tant que base de données « complète, interactive et open-source ».

À l’objection que les pays pauvres producteurs de combustibles fossiles seraient sans doute réticents à adhérer à un tel traité, Tzeporah Berman répond que plus de 70 pour cent des projets existants d’expansion dans ce domaine émanent des pays industrialisés.

Jean Lasar
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