Petite révolution au Parlement. Après plus d’une décennie de tergiversations et de blocages, la Chambre des députés a enfin annoncé vendredi dernier son souhait de retransmettre en direct des débats en commission. Ne seront concernés dans un premier temps (à partir de mi-avril) qu’une poignée de ces rendez-vous entre parlementaires et ministres de tutelle. Il ne s’agit pas de commissions de bagatelle (pour ceux qui considèrent qu’il en existe). Certaines revêtent des enjeux électoraux majeurs (celles du Logement, de l’Éducation et de l’Environnement). Les autres sont peut-être plus secondaires de ce point de vue (Agriculture et Médias). Pour cette phase test, le choix des commissions a notamment été guidé par l’enthousiasme montré par leurs présidents, respectivement Gilles Baum, Barbara Agostino (DP), Christophe Hansen, Jeff Boonen et Félix Eischen (CSV). C’est le président de l’institution qui nous l’explique.
Claude Wiseler, nouvel homme au perchoir, est à la manœuvre. L’idée consiste à rendre plus visible et plus audible le travail des représentants du peuple, la légitimité des élus étant déjà bien entamée par la règle électorale limitant aux Luxembourgeois le droit de vote alors que la population du pays est presque pour moitié composée d’étrangers. En diffusant sur chd.tv une série de commissions, le président de la Chambre met un pied dans la porte. Il deviendra plus facile de l’ouvrir grand que de la refermer, pense-t-il. Parmi les grands chantiers de Wiseler figure aussi la réduction du temps de parole durant les débats législatifs. Il ne s’agirait pas d’une tiktokisation de la vie politique, mais d’une question de logique. Si les commissions deviennent publiques, pas besoin de se répéter en plénière. Les motions seront, elles, suivies. Si l’une est acceptée, quelqu’un s’assurera qu’elle est appliquée. Si une autre est renvoyée en commission, alors il faudra vérifier qu’elle réintègre le flux de textes à traiter. Chaque commission aura en sus une plage horaire fixe pour limiter les commissions buissonnières. Enfin, sera organisée une discussion sur un nouveau code de déontologie, notamment pour préciser les conflits d’intérêts et les frontières de la liberté d’expression (afin de limiter les « affaires Weidig » sur les réseaux sociaux). Claude Wiseler, élu à l’unanimité par ses pairs en novembre, s’affiche comme homme de dialogue.
Bien sûr, cet élan de transparence s’inscrit dans l’ère du temps. Mais on n’aurait pas franchement parié sur un accès de publicité avec l’arrivée au pouvoir des conservateurs. On ne demande ici qu’à se tromper. Mais la décision cette semaine d’organiser sous cloche un débat d’intérêt éminemment public, celui de l’interdiction de la mendicité dans la capitale, révèle le penchant du CSV pour l’opacité. Au-delà de l’impossibilité d’assister au débat d’une commission quelle qu’elle soit, les députés ne pouvaient pas là communiquer à l’extérieur les détails de la stratégie policière expliquée par le ministre et il n’y aura pas non plus de procès-verbal. Cet événement reste néanmoins l’occasion d’apprendre derrière quel motif fumeux l’on peut aliéner le débat démocratique. Le président de la Chambre ne pouvait rien y faire. La publicité des commissions revient aux députés qui les président, en l’occurrence Marc Lies (Affaires intérieures) et Laurent Mosar (Justice), tous deux CSV.
Voilà certainement où l’art du consensus de Wiseler devra exceller : dans son propre parti. En 2021, le projet de registre de transparence voulu par le Greco (groupe anticorruption du Conseil de l’Europe) déposé par les Pirates et soutenu par Déi Gréng avait été complètement vidé de sa substance. D’un listing des entrevues entre les députés et des personnes extraparlementaires qui ont tenté d’influencer leur travail, l’on est passé à un registre des lobbys agissant au Grand-Duché. Une fumisterie ayant notamment pour origine le élus CSV (avec la complicité des libéraux et des socialistes). Cette semaine, le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a rappelé au Parlement la nécessité de revoir sa copie. Le candidat chrétien-social à la Commission, Christophe Hansen, lui a rétorqué qu’on tombait toujours sur quelqu’un qu’on connaissait au resto à cause de la petite taille du pays et donc qu’un tel registre ne ferait pas de sens. C’est pas gagné pour Claude Wiseler.