Il y a, dans la constellation planétaire qui maintient l’humanité coincée dans l’étau des hydrocarbures, un rouage médiatique essentiel. Les industriels des énergies fossiles et leurs affidés jouent un rôle considérable dans le maintien du status quo, mais s’il s’agit de nommer une entreprise constituant à elle seule l’obstacle le plus sérieux à la transition énergétique, c’est bien à News Corp., la multinationale créée et détenue par Rupert Murdoch, que revient cet honneur douteux.
Australien de naissance – il est né en 1931 à Melbourne –, naturalisé américain en 1985, Murdoch possède notamment le Sun et le Times en Grande-Bretagne, le Daily Telegraph et l’Australian en Australie, le Wall Street Journal et le New York Post aux États-Unis. Bien qu’ayant vendu une partie de ses intérêts dans les médias, il reste propriétaire de Sky News Australia et, en plat de résistance, de Fox News. Tout cela forme un ensemble d’une grande cohérence idéologique et d’une influence énorme dans le monde anglo-saxon : un camp retranché du conservatisme qui défend bec et ongles, avec une efficacité redoutable, la poursuite de l’extractivisme exacerbé.
Fin juillet, James, le quatrième fils de Murdoch, a démissionné du Conseil d’administration de News Corp., citant « des désaccords sur certains contenus éditoriaux publiés par des supports d’information du groupe et d’autres décisions stratégiques ». Si sa lettre de démission est quelque peu sibylline sur ce qui l’amène à tourner le dos à l’empire construit par son père, quelques mois plus tôt, James Murdoch, s’exprimant conjointement avec sa femme Kathryn, une environnementaliste engagée, avait été plus clair : il avait évoqué sa « frustration » face à la couverture de la crise climatique par News Corp., et Fox News en particulier, mentionnant aussi leur déception face au « déni » du changement climatique que professent à leurs yeux les titres australiens du groupe.
Même si nous avons, en Europe continentale, les titres du groupe Springer et autres canaux de désinformation climatique, nous avons la chance d’échapper à l’invraisemblable matraquage auquel ont droit à longueur de colonnes et de talk-shows les Américains, Britanniques et Australiens de la part de News Corp. Pour beaucoup d’entre eux, l’univers médiatique se limite aux contenus anti-scientifiques que déversent ses différents supports. Pour les autres, la fenêtre d’Overton médiatique est contrainte par leur positionnement.
Lorsqu’on l’interroge sur le changement climatique, Rupert Murdoch répond que son groupe fait des efforts pour réduire son empreinte carbone et achète du papier certifié durable. Il nie, contre toute évidence, que ses titres et chaînes foulent aux pieds la science climatique.
Il est difficile de sous-estimer le mal que fait la « murdochracie ». Il est tout aussi difficile d’imaginer les États-Unis entamant une transition énergétique sérieuse tant que Fox News conservera son influence.