Il y a ceux qui vous assurent que les véhicules électriques arrivent sur le marché avec un sac à dos insurmontable (les émissions de gaz à effet de serre et autres pollutions causées par leur production) et que, du fait de l’intensité carbone élevée de la génération d’électricité, leur bilan CO2 en utilisation est en réalité comparable voire pire que celui des voitures dotées d’un moteur à explosion. Une opacité suspecte règne autour des conditions d’extraction des ressources nécessaires à la création des batteries. Leur production requiert beaucoup d’énergie ; concentrée en Asie où la génération d’électricité est très carbonée, elle donne lieu à des émissions importantes de gaz carbonique
En face, d’autres veulent vous remettre clé en main une solution miracle, suggérant qu’au volant de votre Tesla, Zoé ou autre Leaf, vous pourrez maintenir vos habitudes de mobilité individuelle motorisée actuelles. Une étude remarquée de l’université technique d’Eindhoven vient de montrer que les données utilisées la plupart du temps pour calculer ce fameux sac à dos des véhicules électriques sont dépassées et que celui-ci est sans doute moitié moins important qu’on l’affirme en général. On sait aussi qu’il tend à s’amenuiser, tout comme la part des renouvelables dans la production d’électricité dans les pays industrialisés. Tant mieux. Mais le vrai débat est ailleurs.
Fétichiser la voiture électrique ne sert à rien, la diaboliser est tout aussi inutile. S’il s’agit de réduire sérieusement l’empreinte carbone de la mobilité, il n’y a pas de solution technique miracle, et les effets rebond ne sont jamais bien loin.
Depuis qu’elle s’est imposée comme le mode de locomotion individuelle dominant, l’automobile propulsée aux énergies fossiles a façonné nos paysages physiques et mentaux. Elle a fait de nos villes des déserts irrespirables et bruyants tout en s’imposant dans nos inconscients comme parangon irremplaçable de la liberté individuelle. C’est tout ce modèle, au cœur de notre addiction globale, qu’il s’agit de remplacer, et pas juste le moteur des véhicules. Ce ne sont pas que les moteurs à explosion qui ont fait leur temps, c’est notre rapport à l’automobile, avec tout ce qu’il incarne d’égoïsme et d’indifférence aux conséquences de nos actes, qu’il convient de jeter par-dessus bord.
Au lieu de nous complaire dans d’interminables discussions sur les mérites respectifs des motorisations thermiques et électriques, c’est le concept de propriété individuelle des moyens de mobilité qu’il nous faut abandonner au plus vite si nous voulons réduire nos émissions liées à la mobilité à temps pour éviter le pire. En en profitant, au passage, pour jeter aux orties le modèle du « sports utility vehicle » (SUV), parfait symbole de cette insoutenable irresponsabilité automobile, qui a représenté pour la première fois plus de 40 pour cent des ventes automobiles dans le monde l’an dernier.