Sélection non exhaustive de problèmes liés au Centre pénitentiare de Schrassig

Minuers, droguès, surpopulation, etc.

d'Lëtzebuerger Land vom 06.07.2000

Direction délaissée

 

La valse des directeurs au Centre pénitentiaire de Schrassig est inquiétante. En mai 1995, Alphonse Wagner partait en retraite après une longue absence pour cause de maladie, laissant derrière lui une situation déjà précaire. Marc Fischbach nomma alors directeur faisant fonction un jeune criminologue, Célestin Lommel. Celui-ci se montra complètement incapable de gérer le centre pénitentiaire et avait vite fait, par son style de direction arbitraire et abusif, de dresser contre lui prisonniers et personnel de garde. Après avoir abusé de ses prérogatives, il fut contraint d'abandonner son poste en juillet 1996. L'intérim fut alors exercé par Vincent Theis, en charge du Centre pénitentiaire agricole de Givenich. Un intérim qui allait durer jusqu'en 1998, date à laquelle Georges Rousseau prit la relève, secondé par deux directeurs adjoints, Sylvie Petry et Carlo Reuland. Ne pouvant compter sur le soutien nécessaire - aussi bien en politique que dans ses propres rangs - pour réaliser ses réformes, harcelé par les associations des gardiens, Rousseau se retirait de la direction le 26 juillet. Actuellement, c'est à nouveau Vincent Theis qui assure l'intérim. Schrassig est ainsi de fait dépourvu de direction depuis plus de cinq ans, une situation qui côtoie l'irresponsabilité politique. Aussi parce que plusieurs éléments au sein de la prison, comme le personnel de garde, ne reconnaissent plus l'hiérarchie et fonctionnent plus ou moins en autogestion.

 

Mineurs en prison

 

Le Luxembourg a été sévèrement épinglé par le Comité pour la prévention de la torture et des traitements dégradants, dépendant du Conseil de l'Europe, pour le placement de mineurs délinquants dans l'enceinte carcérale de Schrassig (voir d'Land du 27 novembre 1997). Le Luxembourg ne disposant pas d'infrastructures adéquates - le tract spécial prévu au Centre socio-éducatif pour mineurs à Dreiborn n'existe toujours pas - les mineurs incarcérés sur décision du juge et qui ne doivent pas avoir de contact avec les détenus majeurs, passent 23 heures par jour en cellule d'isolation. Quant à l'obligation scolaire, qui n'a longtemps pas été respectée, du personnel enseignant a bien été engagé, mais une éducation en continu n'est toujours pas assurée. 51 mineurs ont été emprisonnés, dont le plus jeune avait douze ans, au cours de l'année judiciaire 1998/99. « D'après notre loi il y a obligation de venir en aide à des mineurs, c'est-à-dire de leur fournir tous les moyens nécessaires en vue d'une resocialisation efficace. Or, c'est juste le contraire qui se produit. (...) C'est à partir du moment où la société définit le jeune comme étant un criminel qu'il va vraiment en devenir un. (...) La plupart des jeunes se retrouvent en prison parce que pendant leur enfance, ils n'ont pas reçu une éducation appropriée, et ce n'est certainement pas en les mettant dans un coin de la prison en attendant une meilleure solution qu'on leur vient en aide » remarque un responsable du Scas dans le rapport d'activité 1999 du ministère de la Justice.

 

Drogues en prison

 

Soixante pour cent de la population carcérale est toxicomane, plus de soixante pour cent est incarcérée pour infraction(s) à la législation sur les stupéfiants. La direction de Schrassig estime que chaque année, quelque deux tonnes d'héroïne pure sont introduites dans l'enceinte de la prison. Mais officiellement, la drogue n'existe pas en prison, et donc tous les programmes d'aide aux toxicomanes (distribution de seringues, méthadone) ne peuvent avoir lieu à Schrassig. De même que la station thérapeutique pour assurer un suivi psycho-médical ne fonctionne toujours pas. Au moins deux des récentes morts de prisonniers à Schrassig seraient dues à la consommation de drogues de substitution produites sur place avec, entre autres, de la mort aux rats.

 

Mélange de la population carcérale

 

Le mélange des populations criminelle et autres à Schrassig se fait sans discernement. Ainsi, les personnes qui attendent leur expulsion du territoire sont « mis à disposition du gouvernement » par le gouvernement à Schrassig alors que là n'est définitivement pas leur place. Aucune structure ne permet actuellement de rendre compte des différentes catégories de prisonniers (e.a. détention préventive ; condamnés à de longues, moyennes, courtes peines ; mineurs ; femmes...) qui sont, pour plusieurs d'entre elles, détenues au même régime.

 

Impossibilité d'un suivi social

 

L'encadrement psychosocial des détenus est assuré par le Service central d'assistance sociale (Scas) qui ne dispose pas des moyens - matériels et humains - adéquats et est dès lors insuffisant. Or, ce volet devrait logiquement constituer une priorité dans la politique pénologique. Il n'y a pas assez de psychologues et de thérapeutes pour s'occuper de la population incarcérée qui pourtant connaît, pour près de la moitié, des troubles psychiques. De même, le Scas ne dispose pas du personnel nécessaire pour assurer une présence après la libération. Un autre exemple parmi d'autres, la prison ne dispose toujours pas de parloirs familiaux qui assureraient aux détenus une infime intimité pour rencontrer leur famille.

 

Surpopulation

 

Il s'agit apparemment de l'origine de tous les maux. Actuellement, la prison connaît une surpopulation de quelque trente pour cent. Or, l'agrandissement est une fausse solution miracle, car « plus de prison attire plus de condamnations ». Quoiqu'il en soit, la nouvelle aile n'est toujours pas ouverte, pour raisons de sécurité. Nombre d'autres projets, comme celui de la station thérapeutique - initialement prévue en dehors de l'enceinte de la prison, mais par réflexe sécuritaire, le gouvernement en a décidé autrement - en font les frais.

 

marc gerges
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