Éditorial

6670

d'Lëtzebuerger Land vom 18.04.2014

Ils s’appellent Milena, Pol, Gilberto et Tessy et ils sont en train de devenir les visages de la première grande opposition au gouvernement de Xavier, Etienne et Felix. Les élèves et étudiants descendront dans le rue vendredi prochain, 25 avril, pour protester contre le projet de loi n° 6670 réformant le système d’aides financières introduit en 2010 par François Biltgen (CSV). Si la raison évidente de la réforme – après la condamnation pour discrimination des enfants de frontaliers par la Cour de Justice européenne, les frais du système de bourses auraient explosé à 178 millions d’euros par an, impossible à financer en temps d’austérité – n’est pas mise en cause en elle-même, les jeunes trouvent les modalités inscrites dans le texte de Claude Meisch (DP) trop restrictives. Ils demandent que la bourse de base soit doublée à 4 000 euros par an afin de correspondre au moins aux montants qui leur seraient revenus en allocations familiales avant la réforme de 2010. Ils aimeraient voir la bourse à la mobilité liée au seul fait qu’on paie un loyer, quel que soit le pays dans lequel on fait ses études, et demandent en outre à ce que les critères pour l’éligibilité pour une bourse sociale soient revus et des données comme le nombre d’enfants dans un ménage pris en compte pour le calcul du revenu du ménage. Des revendications somme toute sensées, et le ministre Claude Meisch, très volontariste dans ce dossier, promettait cette semaine, au micro de RTL Radio Lëtzebuerg que sa porte restait ouverte au dialogue, conscient que chaque projet de loi restait perfectible et que celui-ci allait certainement encore être amendé lors des travaux parlementaires.

Ils s’appellent Milena Steinmetzer et Pol Reuter de l’Unel (Union nationale des étudiant/e/s du Luxembourg), Gilberto Fernandes de la Lus (Luxembourg University Students) ou Tessy Troes du collectif artistique Richtung22 et ils constituent le noyau dur du Streikkomitee 6670, qui coordonne le mouvement. Ils sont soutenus dans leurs revendications par les sections jeunes des partis de gauche – Jonk Sozialisten (JSL), déi Jonk Lénk, Jeunesse communiste, Jonk Piraten... –, par les syndicats OGBL et LCGB, qui utilisent des canaux plus classiques (communiqués, pétitions électroniques à la Chambre des députés) et par près de 10 000 signataires qui demandent déjà la révision du projet de réforme dans les trois pétitions électroniques en cours. Ce n’est pas rien. Seuls l’Acel (Association des cercles d’étudiants) et la Jeunesse démocrate et libérale se sont officiellement désolidarisés. Les organisateurs du comité 6670 disent s’attendre à quelque 15 000 participants à la grève et des élèves s’enquièrent timidement sur les forums de discussion sur comment ça marche une grève, s’ils vont avoir une absence non-excusée dans leur bulletin de classe et ce qui va leur arriver s’ils ratent un examen ou un cours.

Une grève d’étudiants est toujours une étape importante dans la politisation d’une génération : les manifestations de décembre 1996 pour la sauvegarde de la carte de transport public Jumbo-Kaart avaient mobilisé 8 000 lycéens, et des politiciens comme David Wagner (Déi Lénk) en sont issus. Dix ans plus tard, en novembre 2006, ils furent également quelque 10 000 à manifester contre le projet de loi n° 5611 de François Biltgen sur le chômage des jeunes, pour dénoncer ce qu’ils percevaient comme une dégradation de leurs chances de trouver un premier emploi. Comme leurs aînés, les militants contre le projet 6670 articulent très clairement leurs revendications et savent que, pour avoir du poids dans des pourparlers avec le ministre, il leur faut « l’appui de la rue » comme l’expliqua Milena Steinmetzer à RTL Télé Lëtzebuerg lundi soir. Le plus impressionnant est que ce sont ces jeunes pour lesquels le gouvernement Bettel-Schneider-Braz promettait vouloir moderniser le Luxembourg. Les teens et tweens se sentent aujourd’hui trahis par les quadras dynamiques, leur reprochant de vouloir faire des économies sur leur dos. C’est la grande désillusion de ce début de mandat.

josée hansen
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