Jeunes detenus dans la prison

Le dernier ressort

d'Lëtzebuerger Land vom 25.06.2009

Le nombre de jeunes détenus dans les prisons européennes ne va certainement pas diminuer, à moins que la politique en fasse un de ses objectifs. Ce message a été formulé la semaine dernière dans un document thématique sur la justice des mineurs, publié par Thomas Hammarberg, le commissaire aux droits de l’homme auprès du Conseil de l’Europe. Celui-ci insiste que « trop de jeunes délinquants sont encore enfermés, alors que la détention est une mauvaise mesure, tant pour eux que pour la société. Il existe des mesures non privatives de liberté qui sont souvent plus efficaces. L’accent doit être mis sur la réadaptation de l’enfant et sur la prévention de la récidive. En tout état de cause, chaque enfant détenu doit l’être dans une petite structure et faire l’objet d’un plan individuel. » C’est vite dit. 

Au Luxembourg, cela fait dix ans que les mineurs attendent cette « petite structure » à Dreiborn – l’ouverture de l’unité de sécurité prévue pour une douzaine de jeunes regroupés par quatre est attendue pour 2011. En ce moment, six jeunes sont enfermés au centre pénitentiaire de Schrassig. 

Le rapport est sans équivoque : d’une part, le sentiment que la délinquance juvénile est en constante augmentation, que les jeunes sont en train de devenir de plus en plus violents n’est pas confirmé par les statistiques. Car il ne faut pas considérer les chiffres de façon isolée, il faut les lire dans le contexte d’une augmentation globale de la délinquance. Le rapport annuel 2008 de la police grand-ducale consacre un chapitre à part à la délinquance juvénile. Dans son rapport 2002 déjà, elle écrivait que « le phénomène de la délinquance juvénile est manifestement en hausse. Les chiffres relatifs aux vols simples (à la tire, à l’étalage), vols avec violences, vandalisme,… confirment la recrudescence de ce phénomène auquel la police et la société en général doivent trouver des réponses. » Ce qui a incité les forces de l’ordre à élaborer un concept « délinquance juvénile » avec la création d’un groupe de travail en 2003. Or, depuis bientôt dix ans, le taux des infractions commises par les jeunes reste plutôt stable autour de douze pour cent par rapport à tous les cas enregistrés. Avec un pic en 2007 (13,3 pour cent) et un creux en 2003 (10,8 pour cent). 

Selon le document du Conseil de l’Europe, les pays membres ont tendance à y répondre de manière de plus en plus répressive, surtout lorsqu’il s’agit de mineurs plus âgés et de jeunes impliqués dans des crimes graves. Or, des mesures alternatives comme la justice réparatrice (où la victime peut participer à trouver un arrangement), la médiation, les réunions de familles (elles leur permettent de trouver une solution au problème ensemble avec le jeune), la supervision par un agent de police spécialement formé, permettent d’éviter une judiciarisation. La distinction claire des rôles entre les services d’aides et la justice est aussi très importante, notent les auteurs du document. Lorsque l’affaire aboutit quand même devant le juge, sa réaction doit être proportionnelle aux circonstances dans lesquelles se trouve le jeune et les conditions dans lesquelles se sont déroulés les faits. Une formation solide des juges en matière de développement de l’enfant, de la psychologie et des droits de l’enfant est de mise, tout comme une loi qui dicte clairement quelles sanctions sont applicables aux situations impliquant des mineurs.

Le commissaire aux droits de l’homme se soucie de la tendance grandissante à priver des mineurs de liberté pour pouvoir s’occuper d’eux et les soigner, les enfermer pour les « protéger ». Cette façon d’agir peut être bénéfique dans certains cas, mais elle peut aussi masquer des lacunes dans le système de prise en charge. 

En prison (le dernier recours), les mineurs doivent pouvoir participer à des activités qui ont un sens et pouvoir bénéficier d’un plan sur mesure qui les aide à progresser dans une perspective de réinsertion dans la société. L’isolement doit être interdit en tant que punition et rester limité à des circonstances exceptionnelles.Le Conseil de l’Europe est d’ailleurs en train de préparer des lignes directrices pour une justice adaptée aux enfants qui pourront aider les gouvernements à accorder leurs systèmes légaux aux besoins spécifiques des mineurs, en améliorant leur accès à la justice, notamment. 

anne heniqui
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