Le sort des méga-yachts

À toute allure

d'Lëtzebuerger Land du 04.01.2007

Le ministre des Finances, Jean-Claude Juncker, a fait passer à l’arraché le règlement grand-ducal sur l’exonération de certaines prestations à bord des yachts (d'Land du 27 octobre 2006). Le texte, qui va enfin clarifier le sort des méga-yachts, a été publié au Mémorial A le 29 décembre. Le règlement avait été signé sept jours plus tôt, le 22 décembre, par le grand duc Henri depuis sa résidence suisse à Crans Montana. L’exécutif n’a pas attendu l’avis de la Chambre de commerce pour agir, ce qui montre le degré de précipitation avec lequel le règlement grand-ducal a été adopté de manière à ce que ses dispositions prennent effet au 1er janvier 2007.

L’avis de la Chambre de commerce a bien été demandé, ainsi que celui du Conseil d’État (favorable, mais non-public), mais seuls les Sages ont fait preuve de célérité pour rendre leur copie dans les délais impartis. « L’avis de la Chambre de commerce (a bien) été demandé », mais Jean-Claude Juncker s’en est passé.

Ce qui ne veut pas dire pour autant que son gouvernement a négligé les intérêts des professionnels du secteur maritime. Bien au contraire. La version finale du texte a tenu compte des recommandations formulées au début du mois d’octobre par des experts fiscalistes réunis en table ronde depuis décembre 2005 par le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur, Jeannot Krecké, qui a le pavillon maritime dans ses attributions.

Ainsi, le sous-groupe a-t-il oeuvré à la « neutralité » du texte et surtout au retrait, dans l’exposé des motifs, de toute référence à la notion de « loisir ». Le yachting, en grand format, est désormais considéré comme une activité commerciale, quand bien même sa clientèle resterait à quai dans les marinas. La nouvelle réglementation a créé une présomption de navigation en haute mer, sans pour autant obliger les locataires des yachts à sortir en haute mer pour prétendre à l’exonération fiscale comme c’était le cas dans le passé.

Pour ce qui est des principes, le règlement consacre donc l’exonération totale de la TVA sur les locations « de navires affectés à la navigation maritime et assurant un transport rémunéré de personnes ou de biens ou l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou de pêche ». Les « locations des objets » incorporés à ces navires ou servant à leur exploitation échappent également à la taxation. Idem pour les autres prestations de services. « Les navires destinés au transport d’un maximum de douze passagers, inscrits comme navire de commerce sur les registres officiels d’une autorité administrative luxembourgeoise ou étrangère et destinés exclusivement à une exploitation commerciale, sont considérés comme affectés à la navigation maritime, » précise le texte du règlement. Cette formule est l’une des clefs du développement futur du secteur des méga-yachts au Luxembourg. Ce texte a fait surtout l’objet de longues tractations entre le secteur maritime et les services de l’Administration de l’enregistrement et des domaines (AED), longtemps vue comme un frein à la croissance des  yachts commerciaux. L’AED en effet avait toujours considéré certaines prestations à bord des grands yachts (comme la location) comme étant soumise à un taux de TVA à 15 pour cent. Ce que de nombreux professionnels ont contesté, réclamant l’application du taux zéro.

La TVA à zéro pour cent devrait permettre au Grand-Duché de reconquérir ses marques dans le secteur de la grande plaisance, bien que la fiscalité ne soit peut-être pas la recette miracle exclusive. Récemment, un opérateur du secteur maritime se plaignait de « la volonté nouvelle de l’administration fiscale de connaître le bénéficiaire économique ultime de la société détentrice du Yacht ».

Véronique Poujol
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