Les inspecteurs luxembourgeois du fisc ont entamé il y a quelques semaines, à la demande des autorités étrangères, belge et française particulièrement, une véritable traque aux propriétaires de yachts. Une dizaine de contrôles ont été réalisés à ce jour. Cette opération jette un certain trouble auprès des compagnies maritimes et des équipages de navires. Des contrôles de yachts commerciaux dans leurs ports d'attache - situés le plus souvent sur la Côte d'Azur - effectués cet été par les douanes françaises pour le compte des ministères des Finances français et belge ont montré qu'une bonne partie des palaces flottants arborant le pavillon luxembourgeois, étaient en délicatesse avec l'administration fiscale luxembourgeoise.
Invoquant l'article 43 de la loi sur la TVA qui prévoit l'exonération de cette taxe pour les bateaux de transport international de marchandises, la plupart des propriétaires, qui sont rarement des résidents luxembourgeois, n'ont pas acquitté de TVA lors de l'acquisition de yachts. Et s'ils l'ont payé, un grand nombre de bateaux n'ont jamais été physiquement au Luxembourg, passage obligé pour faire valoir un taux de TVA à 15 pour cent contre 19,6 pour cent en France par exemple. Sur des bateaux qui coûtent à l'achat au minimum cinq millions de dollars et souvent dix, l'économie de la TVA est donc un argument fort, sinon déterminant de certaines compagnies maritimes pour attirer toute une flottille de méga-yachts sous le drapeau luxembourgeois. À ceci près que ces bateaux n'ont jamais vu les rivages de la Moselle. Leur transport par camion au Luxembourg, curieusement exigé par le fisc, annulerait probablement le bénéfice d'une optimisation fiscale qui frise presque la fraude fiscale.
L'AED s'intéresse également aux yachts qui ont basculé dans le registre maritime luxembourgeois et qui font l'objet d'une exploitation commerciale (voir Land du 2 novembre 2001), placés dans la plupart des cas en location. Les contrôles des inspecteurs ont montré, que dans près d'un cas sur deux, les locations étaient fictives: les locataires étant souvent les propriétaires et les contrats de locations souvent inexistants, sinon de pure complaisance. Les prestations de location de yachts entrent selon certains dirigeants maritimes dans le champ d'application de l'article 43 de la loi TVA sur l'exonération, ce qui permet par exemple aux bateaux de s'approvisionner en carburants complètement détaxés. Ceci dit, tous les fiscalistes de la place ne partagent pas les mêmes vues sur le champ d'application de l'exonération de la TVA. Cette disposition dérogatoire, explique l'un d'eux, ne peut profiter qu'aux navires de transports internationaux de marchandises, une industrie sinistrée en Europe et pour laquelle la Commission européenne admet des entorses au régime fiscal normal. De son côté, l'AED est formelle dans son interprétation des textes : pas de régime de faveur pour les méga-yachts.
Ce qui met la société Luxyachting, qui vient de s'introduire sur le marché libre d'Euronext, dans une position plutôt délicate vis à vis des investisseurs puisque le prospectus d'émission de la société a été établi sur la base d'un taux de TVA à zéro pour cent. Le bilan et toute la comptabilité de la société sont donc forcément faussés et les investisseurs pourraient être amené à demander l'annulation de l'IPO.
Une chose est sûre, le ministre des Transports Henri Grethen, qui répugne à faire le ménage dans le secteur maritime, est sacrément bien aidé, dans cette besogne, par les inspecteurs du fisc, qui font fuir d'eux- mêmes les brebis galeuses du secteur maritime luxembourgeois.