Ticker du 13 mai 2022

d'Lëtzebuerger Land du 13.05.2022

Les quakers de l’énergie

L’exigence de sobriété par l’exemple. Voilà quelques semaines, le ministre de l’Économie Franz Fayot (LSAP) plaidait dans les pages « Meinung » du Wort pour moins de consommation afin de mieux tenir compte de la finitude des ressources. Le groupe énergétique luxembourgeois Encevo, dont la tutelle gouvernementale est exercée via des administrateurs issus des ministères de l’Énergie (Marco Hoffmann, Olaf Münichsdorfer), d’État (Jeff Feller) et de l’Économie (Luc Decker, Christian Tock), a abondé dans ce sens mercredi lors de la présentation de ses résultats (photo : sb). Constatant un doublement de prix du gaz pour les consommateurs luxembourgeois depuis décembre dernier, ne prévoyant pas de baisse à moyen terme, investissant massivement dans une électrification de l’économie (sachant que l’énergie produite par l’électricité coûte deux fois plus cher que via le gaz) avec 268 millions d’euros d’investissement pour le seul exercice 2021 (900 sur les trois prochaines années), le comité de direction a demandé de la part de ses utilisateurs une certaine frugalité tant qu’on ne produira pas davantage à proximité et de manière plus durable. « On voit qu’il y a toujours une consommation de gaz alors qu’il fait plutôt chaud », a regretté Erik Von Scholz, le directeur général d’Enovos. Encevo plaide donc pour l’efficience énergétique et incite ménages et entreprises via son programme enoprimes (des subventions qui s’ajoutent aux aides publiques). Encevo est majoritairement capitalisée par l’État et ses satellites (SNCI, BCEE ou Post), la Ville de Luxembourg (15,61 pour cent) mais aussi par l’entreprise publique chinoise China Southern Power Grid International (à 24,92 pour cent). pso

Grosse fraude chez le grossiste Grosbusch

André et René Grosbusch, les deux frères anciennement à la tête du célèbre grossiste national de fruits et légumes, ont été condamnés vendredi dernier à neuf mois de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende pour abus de biens sociaux, faux bilans, escroquerie fiscale et blanchiment. Selon le jugement sur accord négocié avec le procureur d’État, André et René Grosbusch ont caché des rémunérations personnelles aux dépens de leur entreprise entre 2004 et 2016. Le commissaire aux comptes PwC n’avait pas constaté d’irrégularités entre 2005 et 2017. Mais en décembre 2017 et janvier 2018, deux emails d’un ancien salariés transmis à l’auditeur ont révélé l’existence d’un « compte bancaire occulte » ouvert chez ING et une pratique de paiements en espèces non comptabilisés. Ce compte avait été ouvert en 1988 et avait pour bénéficiaires les deux frères jusqu’en 2002, date à laquelle l’entreprise les a remplacés. Jamais ce compte n’a été déclaré à PwC ou au fisc. Le commissaire au compte a découvert tardivement « l’ampleur de l’activité occulte » menée au détriment de la société Grosbusch « pendant des années et le détournement de fonds considérables qui en résultait », détaille le parquet. 

De 2004 à 2016, le compte en banque a été alimenté par des « remises respectivement des ristournes » (ou RRR, sic) négociés avec et versés par les fournisseurs, a détaillé la Cellule de renseignement financier, saisie après la dénonciation de PWC. Plus d’un million d’euros ont atterri chez ING. La quasi totalité a été sortie en espèces, des retraits pouvant aller jusqu’à 65 000 euros d’un coup, ou via l’émission de chèques pour les gérants. Des abus de biens sociaux ont par ailleurs été constatés via des dépenses injustifiées « de loisirs ou de voyages » à Hong Kong, San Francisco ou Dubaï pour plus de 34 000 euros, relève l’instance du parquet en charge de la lutte contre le blanchiment. Mais la CRF a surtout décelé « un autre stratagème » utilisé entre 2007 et 2016, à savoir des paiements de marchandises encaissés en espèces puis effacés de la comptabilité. Des bons de livraison dits « étoiles ou « ZZ » documentaient la vente de fruits et légumes à des clients. Le chauffeur était payé en espèces à la livraison puis les factures étaient supprimées du système comptable. L’argent était remis à la direction de l’entreprise. « Il a pu être mis en exergue qu’une manipulation automatique permettait à la fin du mois de supprimer les bons pour qu’ils n’apparaissent plus dans la comptabilité », avait  finalement constaté PWC. Le commissaire aux comptes a réintégré 3,3 millions d’euros au titre du chiffre d’affaires, 100 000 au titre de la TVA (trois pour cent). Les prévenus ont admis les faits reprochés, réaffecté les sommes détournées et ont démissionné pour transmettre l’entreprise fondée en 1917 aux enfants de René. La justice a donc fait preuve d’une certaine clémence. pso

Alain Kinsch, président

Le vice-président du Conseil d’État et ancien associé en chef d’EY Luxembourg prend un mandat de plus dans sa nouvelle carrière d’administrateur. Mercredi, Alain Kinsch, 50 ans, a été nommé président de la Bourse de Luxembourg par les actionnaires de la plateforme d’échanges spécialisée dans la cotations d’obligations, notamment vertes. Face au Land ce jeudi, cette éminence grise du parti libéral en matière économique et financière se réjouit de cette nomination à la tête d’une institution « formidable, un levier pour aider au développement de la place financière ». Depuis son départ d’EY (anciennement Ernst & Young ou encore Arthur Andersen où il était le disciple de Norbert Becker) en 2020, Alain Kinsch a accédé aux conseils d’administration de Foyer assurance, d’Aperam (spinoff d’ArcelorMittal spécialisée dans l’acier inoxydable) et Arrival, le « Tesla des véhicules utilitaires » dont le siège se trouve à Howald. 

À la présidence de la Bourse, Alain Kinsch succède à Frank Wagener. L’ancien directeur de la BIL a occupé le poste pendant plus de dix ans. Lors d’une conférence de presse mercredi (photo : Lux Stock Exchange), la directrice de l’établissement Julie Becker a annoncé une progression record, huit pour cent, de son chiffre d’affaires, à 55 millions d’euros. Le bénéfice s’élève à treize millions. pso

Ex-Post

Post Group a publié ce mardi ses comptes consolidés pour 2021 dans le Mémorial B. Ils reprennent les résultats de la maison-mère et des participations qu’elle détient dans des dizaines de sociétés (Victor Buck Services, Michel Greco, K2-Consult, Join, Lux Trust, …). L’année dernière, Post Group a réalisé un résultat de 28,7 millions d’euros (en baisse de 7,4 millions par rapport à 2020). Son chiffre d’affaires (899 millions) se divise entre les services télécommunications (486 millions), postaux (199,5 millions) et financiers (22 millions), auxquels s’ajoutent les services provenant d’autres filiales (191 millions). Les dépôts des clients des Comptes Chèques Postaux ont, eux, augmenté, atteignant 2,87 milliards d’euros. Les frais de personnel sont passés de 368 à 379 millions. Une hausse qui reflète une légère augmentation des effectifs, passés de 4 369 à 4 425. Dans le détail, on constate que cette dynamique concerne les salariés (3 269 à 3 385), tandis que le nombre des « fonctionnaires et assimilés » continue sa lente érosion, passant de 1 100 à 1 040. En 2021, le fisc a perçu 7,7 millions d’euros en impôts de Post Group. Les seize membres du CA du groupe, présidé par Serge Allegrezza et réunissant de nombreux hauts fonctionnaires, se sont alloués 715 000 euros en indemnités. bt

New Kid on the Block

Cette semaine, ING Luxembourg a annoncé que Michael P. Burch succèdera à Colette Dierick au poste de CEO. Il présente le CV d’un golden boy (bilingue) de la finance « made in Switzerland » : Master en économie à l’Université de Saint-Gall, passage par le prestigieux cabinet de conseil Boston Consulting Group, poste dans le CA de Drawag Gitterrost (spécialisé dans la production de grilles de toutes sortes), il a enfin atterri chez BlackRock en 2016, dont il était le « chief operating officer » de la succursale zurichoise puis hongroise. Paperjam pointe son engagement philanthropique au sein de « BlackRock Gives Continental Europe », le réseau charitable de ce gestionnaire d’actif (très peu charitable par ailleurs). Entre avril 2015 et mai 2016, Michael Burch (photo : BlackRock) a brièvement travaillé à Londres pour une banque privée appartenant à Société Générale. Il en était « responsable des opérations du groupe à Londres et dans les îles anglo-normandes », nous apprend Paperjam. Guernesey et Jersey : voilà des juridictions aussi irréprochables que Zurich et Luxembourg. bt

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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