Erna Hecey

Hôtel de l'image

d'Lëtzebuerger Land vom 03.08.2000

Comment Erna Hecey est arrivée à Luxembourg, elle ne le dira pas. Pourquoi aussi le dirait-elle, d'ailleurs ? Nous n'avons qu'à l'imaginer. De Budapest dans les années 1970, en Hongroise brune, alors que nous l'avons connue blonde ? Un retour aux sources : La seule chose qu'elle dira avoir amené, c'est son français. Elle a grandi avec ses grand-parents. Un grand éditeur, ce grand-père qui avait des contacts avec un monde qu'Erna aurait aimé approcher sans trop savoir comment.

Sur le plan intellectuel, les idéologies imposées donnaient l'impression d'être dans une cage. Il y a bien eu une expérience démocratique, suivie d'une rechute en régime totalitaire, c'était très douloureux. « Mais cela concernait surtout la vie de mes parents. Moi, j'ai toujours espéré m'en sortir ! »

Enfant unique, Erna portait l'idée de départ qui n'avait pas été préparée selon les critères des parents, jamais désapprouvée cependant. Cette grande joie de quitter le sol natal la rendait conquérante, mais retourner maintenant ? Elle s'y sent étrangère. Un artiste par-ci par-là lui rappelle de vieilles habitudes. Ou le directeur du musée des Beaux-Arts de Vienne qui a grandi dans le même quartier qu'Erna, après des chemins opposés, il reste des points communs.

Erna Hecey n'a pas soigné ses attaches. Luxair d'abord, un peu de banking au Grand-Duché et trois garçons luxembourgeois. Ses trois fils voient à présent des différences de cultures qu'évidemment, ils ne notaient pas en étant petits. Pendant de longues années, Erna a collaboré avec Jean Aulner et la Galerie de Luxembourg. Aller voir Hartung dans sa demeure monacale à Antibes ou tenter de montrer de l'art américain en 1982 chez Villeroy et Boch au Rollingergrund font partie de ses vibrants souvenirs. Elle se hasarda à des tentatives  de remanier un peu le fonctionnement, mais la programmation était le choix de Jean, sauf quelques exceptions. 

Au début des années 1990, elle a fait des tentatives d'orientation qui parfois ont réussi, mais les répercussions n'avaient rien de glorieux. Les relations qu'avait la clientèle avec les artistes de la Galerie de Luxembourg étaient des relations d'amitié et de convivialité. Entre 1991 et 92 Erna fait la connaissance du galeriste parisien Yvon Lambert qui l'encourage et lui apprend à faire confiance à ses choix. Des manifestations qui réussissent à la Galerie de Luxembourg, petit à petit, un autre lieu s'impose. 

« On peut apprendre sur le tas, c'est assez complexe. Il y a le contact avec les artistes, mais sur le plan économique, c'est très aléatoire. Il faut une certaine période de lancement. Au bout de trois ans, l'on a les premières indications. Particulièrement attachée à des artistes contemporains, j'opte pour des cohérences, donc des choix bien réfléchis, plutôt que des coups de coeur, qui demandent qu'il y ait un suivi. Il ne s'agit pas d'un choix personnel, mais d'une attention envers un artiste. Et ce qu'abordera cet artiste, qu'il vienne de France avec une tradition littéraire ou un bagage philosophique, ou un artiste d'Israël, un pays jeune, son sujet sera traité différemment. »

L'année 1995 aura été bénéfique à Erna Hecey et la concrétisation du Casino, rue Notre-Dame. Pas un mot plus haut que l'autre, elle sourira au lieu de répondre parfois, sachant se chausser d'un chic imperturbable, elle attend, comme un terrible châtiment, que le chantier à côté de sa galerie se calme. Toutes antennes dehors pour ce qui la passionne.

Anne Schmitt
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