Dimanche après-midi. Devant la porte de la salle d’exposition du Carré Rotondes à Hollerich, quelques familles avec leurs enfants en bas âge font la ronde à la turque, animés par une médiatrice de l’association A’Musée. « S’il vous plaît, lance-t-elle à la prochaine famille qui s’apprête à ouvrir la porte, nous faisons encore une petite animation. Il y a trop de monde à l’intérieur, il faudra patienter... » Patiemment, donc, les familles se joignent au groupe, font des exercices de rythme et jouent « le piano des animaux » avec « Bé-bé-béatrice ».
Puis, après la sortie d’un groupe, c’est bon, la porte tant convoitée s’ouvre – et c’est l’horreur : on dirait le repas des fauves, tellement les enfants toutes catégories se jettent sur les installations sonores, les jeux interactifs et les tables électroniques. Les petits, perplexes, regardent et s’accrochent aux pantalons de leurs parents. Bienvenue à l’exposition Boing ! au CarréRotondes, initiée par l’association de médiation d’art A’Musée en collaboration avec Traffo et surtout le Mobiles Musik Museum de Michael Bradke à Düsseldorf. Le pédagogue collectionne depuis les années 1990 des instruments et installations sonores plus ou moins insolites, plus ou moins originaux, qu’il expose à travers le monde entier. Sur son site musikaktionen.de, il offre une quarantaine de telles « stations » en location, pour entre vingt et 400 enfants et des surfaces allant de cent à 2 500 mètres carrés.
Pour sa première expérience luxembourgeoise, Traffo offre une exposition condensée, limitée à dix stations interactives, dont quatre sont vraiment originales, deux dépassent les enfants, trois sont basiques et une exposition de dessins d’enfants allemands d’il y a dix ans sur le thème de la synesthésie est d’un intérêt comparable aux bazars de fin d’année à l’école de quartier. Michael Bradke veut transmettre aux enfants des idées simples sur la musique : que les sons peuvent avoir une ambiance ou une couleur, qu’on peut dessiner avec des sons ou transcrire des images en musique – en gros, un Pierre et le loup version années 2000. Car si les petits Allemands, les petits Luxembourgeois ou Français n’ont plus l’accès à la musique par le biais du solfège obligatoire ou des cours de violon dès trois ans (contrairement à ce que prône pourtant la sino-américaine Amy Chu dans son livre-polémique L’hymne de bataille d’une mère tigre), cela se passe désormais de manière beaucoup plus décontractée et ludique.
Et c’est peut-être le problème de l’exposition : attirés par ce qu’ils utilisent comme des jeux, les enfants se jettent sur tout ce qui est interactif et électrique – l’Atelier image-son, qui permet de jouer avec les notations graphiques en tapant sur des boutons à symboles, les micros de la station Miracle vocal, où on parle comme un monstre, comme une souris ou comme un robot, et le Loop-samplofon, une sorte de xylophone dont les sons sont des samples de rap sont les stars du local –, ils délaissent peut-être l’enregistrement de la Ur-Sonate de Schwitters et les jeux de grimaces qu’on est invité à y faire.
Le, certes, très sympathique boucan qui en résulte engloutit forcément toute tentative de découverte dans un parcours structuré, voire même toutes expérimentations avec des sons plus faibles. Boing ! se découvre probablement le mieux dans le cadre d’une visite d’école : les classes du primaire de la Ville de Luxembourg la verront jusqu’à la fin février dans des conditions plus calmes qu’une visite libre d’ici la fin du mois.